Les bijoux kabyles
La première année , nous sommes allés en Kabylie : visite de la capitale Tizi-ouzou puis d’un petit village Béni-Yenni, célèbre pour la fabrication de bijoux kabyles en argent.
Nous avons été logés dans un hôtel qui dominait la vallée "le bracelet d’argent" : le matin, au réveil, la brume était épaisse entre les montagnes et le paysage était splendide. Le couscous servi à midi était typiquement kabyle (viande, semoule et haricots verts) .
Les Bijoux kabyles
Les
bijoux sont l’attribut indispensable de toute parure féminine. Il en
est qui se portent couramment, d’autres que l’on ne met qu’aux jours de
fête ou dans des circonstances bien déterminées.
Beaucoup
apparaissent comme de véritables charmes d’amour. Ce sont surtout les
bijoux parfumés : colliers de clous de girofle et de ssxab que seule
une femme mariée peut porter et qu’elle enferme dans un coffre.
D’autres
bijoux, tout en étant une parure recherchée, ont un caractère magique
très net : leur forme (ronde ou pointure), leur décoration (cinq
cabochons de corail), la matière dont ils sont faits (l’argent),
expliquent sans doute leur emploi dans certains rites apparemment
obscurs et lointains.
C’est
ainsi que pendant le rituel du passage à la puberté de son fils, la
mère kabyle attache un bracelet de pied [chevillière, axelxal] à son
foulard de tête. Ce bijou est également placé sur l’un des pieds de la
mariée pendant la cérémonie du henné. L’argent recueilli lors de la
tawsa [collecte des dons en argent faits par la famille et les amis à
la mariée ou le marié, en signe d’entr’aide] est déposé dans ce même
bijou placé au sommet d’un tas de blé.
Les
agrafes (abzim ou tabzimt - prononcer [avzim] ou [thavzimth]) sont
mises dans le plat de bois., elles sont ensuite trempées dans le henné
qu’on lui mettra. Une tabzimt est épinglée sur la poitrine de l’enfant
le jour de la naissnace ; il la gardera durant un mois agrafée dans le
dos. Ce bijou peut être déposé près du lit de l’accouchée pendant sept
jours. Quelques « bijoux » n’ont plus qu’un rôle magique et ne sont
jamais considérés comme parure telle la tabzimt n wallum, ou agrafe de
laiton ronde, sans valeur, apportée par les colporteurs qui l’échangent
contre une poignée de laine. A défaut d’autre agrafe, la mère la fixe à
la blouse de l’enfant, aux habits du bébé gravement malade ou menacé
par la ttabâa ; tel encore, le simple fil de cuivre, que l’enfant porte
en guise de boucle d’oreille, toujours à gauche, jusqu’à l’âge de un an
environ.
Aucun
bijou ne peut être porté pendant toute la durée du deuil. La coutume
est particulièrement observée pour les colliers et les bracelets ; les
agrafes, d’une utilité plus immédiate, sont tolérées.
Tous
les bijoux portés par les femmes sont en argent ; l’or y est inconnu.
C’est là un trait commun à toutes les populations rurales de l’Afrique
du Nord. En Grande Kabylie cependant, ils ont un cachet très
particulier : ils sont tous plus ou moins recouverts d’émaux
cloisonnés, technique qu’on ne retrouve encore en Afrique du Nord, que
dans le Souss marocain.
On
connaît déjà les détails de la fabrication des bijoux émaillés. Ceux
que les femmes portent en Kabylie ont deux provenances. Certains sont
entièrement émaillés et viennent de la tribu des Aït Yenni, où les
bijoutiers sont réputés pour la qualité de leurs émaux : bleus, jaunes
et verts. D’autres présentent des parties émaillées et de larges champs
d’argent gravé ; ils sont fabriqués au village de Takka.Tous ont des
incrustations de corail (lmerjan) fixées sur cire (et remplacées dans
les bijoux les plus communs, fort dépréciés, par de la verroterie
colorée). Le goût du corail, général en Afrique du Nord, est très vif
chez les Kabyles qui, il y a environ un siècle,se rendraient jusque
dans le golfe de Syrtes, en Tunisie, pour en chercher. La disposition
des émaux et du corail est toujours du plus heureux effet. Cette
alliance harmonieuse des couleurs satisfait vivement le goût très
prononcé qu’ont toute les femmes kabyles pour les teintes éclatantes et
explique sans doute la faveur dont jouissent ces bijoux.
Les
bijoux sont faits par les hommes, mais le plus souvent ils sont vendus
dans les villages par des femmes, la mère de l’orfèvre le plus souvent.
La vendeuse met dans son iciwi quelques colliers, un diadème, une ou
deux paires de bracelets, des fibules. Arrivée dans un village elle se
rend chez une parente ou une amie qui la reçoit et fait annoncer sa
venue aux personnes de connaissance. La nouvelle se répand vite : on
vient bientôt admirer les bijoux ; femmes et jeunes filles, en âge de
se marier, s’en parent ; ils circulent de mains en mains dans un groupe
animé par les soupèses, discute de l’effet, du travail, du prix …
L’achat des bijoux demande de longues transactions ; ceux-ci
représentent une véritable fortune et la vendeuse reviendra plusieurs
fois au village s’il le faut. Pour acquérir un collier, on peut acheter
séparément, chaque année, quelques-unes des pièces qui le composent :
le médaillon central, les pendentifs, les coraux … La femme ensuite
enfile le tout dans un ordre déterminé et monte elle-même sa parure.
Le
nombre comme le poids des bijoux portés par les femmes les jours de
fête est assez impressionnant. : les colliers, en particulier, peuvent
atteindre plus d’un kilo.... (les vertèbres souffrent).
Les bracelets de pieds [chevillières] (ixelxalen)
sont peu émaillés et présentent de larges champs d’argent ornés
d’incrustations de corail et séparés par des plaques étroites
recouvertes d’émaux cloisonnés ; l’une de ces plaques, mobile,
dissimule l’ouverture.
Le
bracelet est maintenu fermé par un crochet ; comme il n’y a pas de
charnières, les femmes distendent légèrement le bracelet lorsqu’elles
veulent le mettre. Les ixelxalen ont 10 cm de hauteur ; chacun d’eux
pèse 400 g ; ils ne sont portés que les jours de fête, et même en été,
par-dessus d’épaisses chaussettes de laine qui protègent les chevilles.
Vendredi 30 novembre 2007
par
Gilbert Giraud
Source: École Jean Vilar