L’émigration kabyle en France : une chance pour la culture berbère ?
Nadia Belaïdi, L’émigration kabyle en France : une chance pour la culture berbère ?, U21-Editions universitaires de Dijon, Dijon, 2003.
Prix public : 15.20 €
- Broché: 134 pages
- Editeur : Pu Dijon (7 mai 2003)
- Collection : U21
- Langue : Français
- ISBN-10: 2905965827
- ISBN-13: 978-2905965820
Présentation de l'éditeur
Par la loi sur l'arabisation
linguistique (5 juillet 1998), le pouvoir algérien a agi au mépris de
la particularité berbère. On aurait pu parler de linguicide voire
d'ethnocide sans les mesures prises suite au changement de gouvernement
et à la forte résistance des Kabyles, qui se manifeste par la
production culturelle. Pourtant celle-ci est considérée comme témoin
d'un passé mort, et c'est pourquoi la population immigrée et ses
enfants pourraient apparaître comme une chance de survie. Mais dans
quelles conditions le pari de conserver l'identité culturelle a-t-il
été remporté par les anciennes générations de prolétaires kabyles ?
Comment peut-on se sentir Kabyle quand on n'a pas été élevé au sein de
la société kabyle en Kabylie ? Il ne s'agit pas ici d'examiner
l'adaptation du migrant à la société d'accueil, mais plutôt la
résistance de la culture d'origine à cette nouvelle société.
Biographie de l'auteur
Née en 1975, Nadia Belaidi est doctorante en droit public à l'Université de Bourgogne.
Source:Amazone
L’émigration kabyle en France de Nadia Belaidi
Pour aborder l’émigration kabyle en France, Nadia Belaïdi a jugé utile d’organiser son étude en trois parties : les deux premières, "fondées sur une approche chronologique de l’émigration kabyle", la troisième aborde "la réappropriation culturelle et identitaire des populations migrantes et leurs enfants".
La notion d’immigration en France a toujours donné lieu
à des discussions diverses et variées en raison de son importance tant
du point de vue économique que démographique. Une importance telle que
l’on ne voit l’immigré que comme servant à ces deux fins, rien de plus
ou en tout cas pas grand chose.
L’exemple qui semble être le plus parlant, car le plus ancien et celui
qui a le mieux résisté aux différentes altérations, sous l’effet du
dépaysement, est celui des migrants kabyles.
Les Kabyles, bien avant l’arrivée des Français, sillonnaient une grande
partie de la terre berbère pour y exercer différents métiers mais ne se
fixant que très rarement en dehors de la Kabylie. Cependant, ils
étaient les premiers à s’exiler en France.
La société kabyle étant essentiellement arboricultrice, les paysans
complétaient leurs revenus par plusieurs industries artisanales (armes,
bois, tissage,...). Ce peuple constitue un groupement humain bien
distinct par un territoire propre, un mode de vie propre, une langue
propre, une littérature et des traditions propres dont il est
nécessaire de prendre connaissance pour comprendre les différents
problèmes de l’Algérie "indépendante".
Le malaise politique et social qu’a connu cette région d’Afrique du
Nord après 1980 n’a fait qu’exacerber la revendication culturelle et
identitaire des Kabyles cristallisée sur la berbérité.
L’auteur s’est posé la question de savoir comment un peuple, en
l’occurrence les Kabyles, attaché à sa liberté peut-il cohabiter avec
un système de gouvernement où le citoyen ne jouit d’aucune liberté
individuelle ? L’affirmation identitaire des Kabyles passera donc par
tous les édifices culturels que ce soit en Kabylie ou ailleurs.
Pour aborder l’émigration kabyle en France, Nadia Belaïdi a jugé utile
d’organiser son étude en trois parties : les deux premières, "fondées
sur une approche chronologique de l’émigration kabyle", la troisième
aborde "la réappropriation culturelle et identitaire des populations
migrantes et leurs enfants".
L’économie traditionnelle qui faisait vivre jusque là, même
difficilement, les populations kabyles, n’a pas pu résister à
l’économie capitaliste qu’a imposé la colonisation. Ceci a donc
favorisé les départs vers la métropole qui en faisait systématiquement
appel pour suppléer les déficits d’effectifs (avant, pendant ou après
les deux guerres mondiales). D’une société exclusivement paysanne, les
Kabyles deviennent donc de plus en plus prolétaires, ouvriers.
Tout en s’exilant en France, les Kabyles se sont toujours concentrés
géographiquement dans des zones plus ou moins bien distinctes, parfois
en familles. Cette concentration n’est pas dissociable de la tradition
solidaire des Kabyles (l’une étant fortement liée à l’autre) ce qui a
donc assuré la préservation de l’élément ethnique kabyle et qui en fait
la spécificité de l’émigration kabyle.
L’auteur précise dans son ouvrage qu’au fur et à mesure des migrations
et du contact avec le monde urbain, la tradition villageoise se
remplaçait par un individualisme forcené et le mépris de la culture
paysanne grandissait.
A partir des années 1960, il s’est développé une émigration nord
africaine touchant toute la famille alors que jusque là l’essentiel des
immigrés étaient des hommes mariés au pays. Les femmes apparaissent de
plus en plus dans les registres migratoires, même si, pour ce qui est
de la Kabylie, les femmes apparaissent dès 1935. La présence de femmes,
et donc d’enfants, enlève le caractère précaire et provisoire à
l’émigration. Ainsi, pour les nouveaux ménages émigrés, le problème de
la famille se posera en terme d’unité familiale (au sens famille
nucléaire).
Avec un père ayant vécu l’expérience de l’émigration, une mère placée
en milieu inconnu, des enfants nés au "pays" d’autres nés "ici",
l’auteur s’est demandé comment perpétuer l’unité d’une telle famille.
Face à ce dilemme, la mère se trouvera, in facto, en position de médiateur pour pouvoir gérer les tensions pouvant naître dans ce climat.
L’immigration étant un phénomène social total, le travail de Nadia
Belaïdi a été ainsi au delà d’une étude qui réduit l’immigration à une
simple force de travail. Et dans ce phénomène social total, la
dimension culturelle est fondamentale.
Il convient alors de se demander si les immigrants kabyles et leurs
enfants vont conserver, même partiellement et en diaspora, leur
identité défiant ainsi l’arabisation forcée que tentent les autorités
de l’Etat algérien.
Dans son ouvrage, l’auteur tente de montrer combien les immigrés
kabyles de France apparaissent comme une chance pour perpétuer le
combat pour la sauvegarde de leur culture au-delà de la Méditerranée.
La création de l’Académie berbère en 1966, la création d’un
enseignement de la langue et de la civilisation berbère à l’Université
Pairs VIII en 1973, les nombreuses publications et différents cours
organisés notamment à Paris qui ont permis la mise en place d’un
système d’écriture de la langue berbère, ... sont autant d’éléments qui
nous prouvent que l’émigration est en effet un élément clé de l’action
militante berbère jusque dans la chanson.
Si les "anciens" ont fourni un travail non négligeable pour la
sauvegarde de l’identité berbère, il n’en est pas de même des nouvelles
générations avec lesquelles tout le travail est à refaire. Ces jeunes
nés et scolarisés en France ont acquis ou se sont fabriqué des repères
dont puise l’auteur pour trouver l’identité des nouvelles générations.
Le caractère métisse de l’identité des jeunes kabyles
fait peser sur eux un certain poids du "choc des cultures". Entre des
parents ouvriers attachés à leur culture et une société qui ne cesse de
les inviter à l’intégrer, ces jeunes sont à cheval entre deux mondes
jusque dans leur statut juridique. Il est tout de même à souligner que
le choc des cultures ne signifie pas leur affrontement l’une contre
l’autre mais plutôt leur évolution parallèle.
D’après Nadia Belaïdi, la génération des années 80 a cru avoir trouvé
la solution avec le mouvement « beur », mais ce dernier se révéla vite
inopérant car, en s’appuyant sur l’exagération des différences, le
mouvement dérive à la marginalité et, de là, à l’isolement et la
disparition.
Les jeunes des années 90, quant à eux, se revendiquent autant de
culture kabyle que de culture française, ils sont convaincus de leur
bi-culturalité.
Aujourd’hui la manifestation de la culture kabyle passe par plusieurs
expressions, l’auteur en a retenu trois principales : les associations,
la chanson et l’écriture. Chacun, à sa façon, défend cette culture qui,
pourrait-on dire, survivra, peut être, plus ou moins bien aux
différentes agressions qu’elle subit ici et là.
Tamilla At Ali
Source: Algerie-dz