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Carnets berbères et nord-africains
Carnets berbères et nord-africains
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29 septembre 2008

Nadia At Mansour, chanteuse, poète et écrivain kabyle

Nadia At Mansur Ikni est née en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Médecin Interne des Hôpitaux de Paris, dermatologue, elle s'oriente, après un post-doctorat à Harvard, USA, vers la psychologie jungienne. Elle travaille alors comme médecin-assistant en psychiatrie en Suisse. Elle a publié de nombreux articles scientifiques et donné des conférences. Elle est également auteur, compositeur, et interprète de l'album Chants soufis de Kabylie.

Biographie
1966. 8 mai. Naissance à Alger de Nadia, fille de Ramdane Ouahès et Colette Ouahès née Paulmier
1982. Etudes de médecine à Paris
1983. Entreprend l’apprentissage du berbère en traduisant, avec l’aide de son père, les chansons de Aït Menguellet
1989. Interne des hôpitaux de Paris, spécialité dermatologie, elle quitte Paris pour les Etats-Unis et occupe un poste de chercheur à Harvard (Boston)
1997. Médecin psychiatre en Suisse, elle s’initie à la psychologie junguienne
1999. Abandonne la médecine pour se consacrer à la psychologie des profondeurs
2001. Première représentation sur scène, à la Maison pour tous de Chatou, dans la région parisienne, des Chants soufis de Kabylie dont elle est l’auteur, le compositeur et l’interprète.
2002. Mariage avec Hakim Ikni et premier spectacle au Théâtre de la Vieille Grille à Paris.
2003. Le 10 juin, participe avec d’autres artistes à la première partie du spectacle de Aït Menguellet à l’Olympia. Dix jours plus tard, naissance de sa fille Rosa.
2004. Abandon de la scène après un dernier spectacle donné, à l’occasion de la fête de la musique, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris.
2005. Parution de son ouvrage A la recherche de l’âme, interprétation d’un conte kabyle initiatique.
Elle exerce aujourd’hui la psychanalyse junguienne à Paris.


A la recherche de l'âme : Interprétation d'un conte kabyle initiatique (Essai) - Éditions Edisud, Paris ISBN : 2-7449-0550-X, 2005

Présentation

L'auteur s'intéresse ici au sens psychologique profond d'un conte kabyle ancien, véritable mine de sagesse, intitulé " Aïni ". En suivant le cheminement du héros à la recherche de la femme aimée, le récit raconte la voie qui mène à la réalisation intérieure, illustrant remarquablement le processus d'individuation décrit par C.G. Jung. Au fil des pages, le lecteur pourra puiser des éclairages passionnants sur la signification profonde de cette quête immémoriale de l'être à la recherche de son âme.

C'est un véritable apprentissage de l'amour, qui s'accomplit dans toute sa plénitude après des épreuves initiatiques dont l'auteur dégage le sens. Avec des siècles d'avance, le conte anticipe le développement de la vie maritale vers un lien individuel régi par le sentiment. Il vise donc au développement psychique et à l'accroissement de conscience, et son message est toujours d'une grande actualité. Il est démontré par ailleurs, grâce à de nombreuses amplifications, sa dimension éminemment universelle, ainsi que ses liens avec le soufisme.

C'est la première fois que la psychologie des profondeurs est appliquée à l'analyse de la symbolique d'un conte kabyle, surtout de cette qualité exceptionnelle. L'écriture se veut simple et concrète afin que les concepts psychanalytiques utilisés soient accessibles au grand public. Le présent ouvrage apporte une valeureuse contribution à la restauration du féminin dans un monde encore dominé par les valeurs masculines.

Le Soir d'Algérie - 10 mai 2007

Jung par ici

C’est pour le moins un parcours et une position atypiques qu’a fait et qu’occupe Nadia  At Mansur dans l’univers des idées et de la culture. Fille des mélanges assumés, il n’est pas étonnant qu’elle embrasse le mysticisme couplé à Jung, qui se rencontrent dans l’introspection et le besoin de subvertir en création les interrogations de l’âme et de l’esprit. Poète, musicienne, médecin, psychanalyste, Nadia At Mansur exprime, en fait, toujours la même chose.

Qu’elle chante, écrive ou parle, il s’agit toujours de dire cette lumière de sagesse et de sérénité qui fait habiter un monde parallèle au brutal monde concret et qui peut lui apporter cette part de quiétude qui fait si cruellement défaut. Nadia At Mansur a renoncé aux vanités du monde, à ses brillances superfétatoires, aux ambitions sociales, pour se consacrer à ce qui, au fond de chacun de nous, brûle d’un feu plus pérenne que tous les autres, le désir de se connaître pour mieux partager. Les ancrages identitaires, nationaux, ne sont pas une fin en soi pour elle. Ils sont juste la marque du départ pour mieux asseoir en elle et autour d’elle ces synthèses du monde qui font circuler dans l’universalité les sentiments et les idées. En allant vers Jung, Nadia At Mansur va en fait vers elle-même, c'est-à-dire vers nous tous.

Bachir Agour

L'univers de la sagesse ancestrale

L’imaginaire kabyle est peuplé de contes qui, à la fois, le singularisent et le rattachent au destin universel. Nadia At Mansur Ikni, dans son ouvrage A la recherche de l’âme, sous titré Interprétation d’un conte kabyle initiatique, paru chez Edisud en 2005, nous introduit et nous guide dans cet univers de la sagesse ancestrale. Elle a choisi Aïni, un conte traditionnel kabyle que les vieux racontaient, dans les assemblées de village, aux jeunes hommes désireux de se marier. La légende est ancienne.

Recueillie par l’anthropologue allemand Léo Frobenius au XIXème siècle, elle figure dans un recueil de contes kabyles traduits il y a une dizaine d’années par Edisud. Un conte hors du commun, fort dans son expression, exacerbé dans les sentiments qu’il développe, cruel dans les châtiments qu’il évoque. Il est dit initiatique car il vient éveiller à la connaissance de soi. Dans une première étape, l’auteur nous présente le conte. Elle prend soin de le situer dans son contexte culturel, dressant un tableau lucide et sans concession de la société kabyle traditionnelle :

«Dans la société masculine kabyle, l’émotion authentique est masquée et le domaine des sentiments est particulièrement ombrageux. Ecrire que la susceptibilité est démesurée est encore la sous-estimer. » Le conte restitué, Nadia At Mansur nous en livre l’interprétation. Elle en déchiffre les symboles universels — la clé, la porte, la cire, la colombe, — qui donnent accès aux mille et une facettes de l’inconscient.

«Le conte est l’âme qui se raconte», nous dit l’auteur. Médecin, psychologue junguienne, poétesse, chanteuse, compositeur et interprète de ses propres textes, elle met au service de sa culture originelle sa connaissance de la psychologie des profondeurs. Elle conclut sur l’influence soufie qui, au-delà du conte, imprègne le cœur de la Kabylie. Un conte sur l’amour étonnamment moderne qui nous rappelle que seul l’homme délivré du désir de posséder une femme la possède réellement.

Un livre érudit et pointu mais raconté avec une simplicité et une clarté telles qu’il demeure à la portée de tous.

Meriem Nour

A la recherche de l’âme, Interprétation d’un conte kabyle initiatique,
Edisud, 2005, Collection le sens caché des contes, 143p.

“Nos contes sont des bijoux”

Le Soir d’Algérie : Psychanalyste, médecin, chanteuse dans la tradition soufie, poète, écrivain. Vous êtes tout cela à la fois. Comment s'articulent ces différentes activités ?
Nadia At Mansur : Mon activité actuelle se concentre sur l’exercice de la psychanalyse et l’écriture. J’ai débuté dans la vie professionnelle par un parcours médical classique, une spécialisation suivie d’un post-doctorat en recherche.

Par la suite, j’ai totalement quitté ce domaine qui ne me satisfaisait pas, et dans lequel j’étouffais pour tout dire, pour aller vers ce qui m’appelait sans doute depuis longtemps, qui est l’univers de la psychologie. Ma découverte du psychiatre suisse C. G. Jung avait auparavant constitué un tournant dans mon existence.

C’est lui qui m’a procuré les instruments nécessaires à la navigation sur les eaux tumultueuses de l’inconscient, qui m’a ouvert les portes d’une compréhension symbolique des choses de l’esprit, du phénomène religieux. J’ai, depuis, dirigé mes activités dans cette voie junguienne, qui inclut aussi bien l’activité psychanalytique proprement dite, que l’approche psychologique des contes, des mythes, des textes sacrés. Quant à la créativité artistique qui m’a saisie un temps, elle a sans doute voulu exprimer la joie intérieure devant ce qui s’apparentait à une sortie d’Egypte.

Vous êtes née à Alger. Vous avez étudié la médecine à Paris où vous vivez. Vous avez séjourné en Suisse, travaillé dans la recherche aux Etats-Unis, voyagé en Afrique. Quelle est votre quête ?
Le départ pour Paris avait pour objectif les études médicales. Le séjour américain servait mon ambition d’alors, aller auprès des meilleurs dans mon domaine, la dermatologie, tout en observant un certain recul vis-à-vis d’un horizon hospitalo-universitaire parisien étroit que je supportais de moins en moins. Le départ pour la Suisse, par contre, répondait à une exigence intérieure et marquait mon changement d’orientation vers la psychologie. C’était un pèlerinage sur les lieux de vie et d’enseignement de C. G. Jung à Zurich.

J’y ai effectué ma psychanalyse personnelle tout en travaillant en tant que médecin-assistant en psychiatrie. Quant à l’Afrique noire, je l’ai découverte à l’occasion d’un voyage au Sénégal qui m’a nourrie et m’a pleinement confirmée dans mon sentiment d’africanité. J’ai eu la chance de pouvoir assister à des cérémonies de désenvoûtement, une célébration dans un mausolée de saint musulman, ainsi qu’à une messe catholique.

J’y ai vu le musulman Mamadou assis en compagnie du chrétien Augustin. La terre sénégalaise est exceptionnelle de douceur et de tolérance. Pour répondre précisément à votre question sur la quête, la connaissance de soi — et son corollaire, la perte des illusions — est pour moi d’une importance vitale et l’objet d’un travail sans fin.

L'Afrique et la Chine ont une place particulière dans votre parcours. Pourquoi ?
Je ressens l’Afrique comme étant la Mère intérieure, mes racines les plus profondes. Au contact des Sénégalais, j’ai pu apprécier à quel point nous autres Algériens étions africains. Les Touareg m’ont fait aussi une forte impression, dans leur enracinement naturel, leur noblesse de caractère.

La Chine apparaît dans mes songes comme étant la manifestation d’un territoire psychique inconnu, fort lointain, très éloigné de la conscience et qui représente le But. N’oublions pas qu’elle est la patrie du taoïsme et du célèbre Yi King («Le Livre des transformations ») dans lequel on pourrait puiser tous les jours. J’ajouterais à ces deux contrées la Suisse, pays auquel je dois beaucoup. C’est là que se sont produites les mutations les plus décisives en ce qui me concerne.

Vous-même êtes à la croisée des traditions. Berbère kabyle par votre père et Française de Sologne par votre mère. Quelle place ont l'une et l'autre dans votre vie ?
L’origine berbère a façonné en moi une âme instinctive, proche de la nature et des émotions. Elle me relie au corps, au monde concret. Elle me fait vibrer, chanter, bercer mon enfant et l’allaiter longtemps. Je lui dois ma flamme, mes élans, aussi ma subjectivité la plus partiale.

Par ma mère, j’ai hérité d’une tradition spirituelle qui remonte loin dans le temps, celle des Paulmier, humbles pèlerins chrétiens qui s’en allaient à pied visiter le Saint Sépulcre à Jérusalem. A travers elle, m’a été infusé un certain esprit éthéré, un amour prononcé pour l’objectivité et une propension à l’introversion, à la solitude et à l’approfondissement. Ces deux lignées m’ont nourrie de deux tendances vitales aussi contraires que complémentaires et je m’en réjouis tous les jours.

Vous appartenez à la lignée des Aït Mansour Amrouche. Taos Amrouche a-t-elle influencé d'une façon ou d'une autre votre choix artistique ?
Si influence il y a eu, elle aura été inconsciente. «Ma» créativité artistique n’a pas été voulue ni construite. Pour vous en donner une image, c’est un peu comme si votre fenêtre s’ouvrait un beau jour sous le coup d’une forte rafale de vent et que s’engouffrait dans votre salon une nuée de papillons exotiques.

En fait, je l’ai plutôt vécue comme l’irruption d’un torrent dans ma maison... Expérience aussi puissante que saisissante. Ceci étant dit, j’ai des affinités sans doute nombreuses avec cette grande dame de la chanson kabyle. Sa musique et la mienne se rencontrent peut-être dans quelque chose comme une tentative de relier terre et ciel. Nos démarches sont toutes deux, je crois, assez originales. Je n’appartiens pas au «main stream», aussi bien en psychanalyse qu’en musique.

Quelle est l'origine de votre intérêt pour les contes berbères kabyles ?
Les contes recèlent des trésors pour qui s’intéresse à la psychologie. Ils apportent beaucoup à la connaissance des structures profondes et universelles de l’esprit. D’autre part, il existe des particularités régionales qui font qu’un conte n’est pas strictement le même s’il naît à Annaba ou à Ajaccio. De la même façon, un récit qui voyage verra se modifier subtilement certains détails de sa narration. Ceci car il est l’expression en miroir de la vie psychique collective sur laquelle il énonce des faits sans détour. Il est donc important de tenter de l’analyser, même si l’essence d’un conte est un mystère qui nous échappera toujours.

Vous avez choisi d'analyser le récit initiatique kabyle Aïni. Pourquoi ce choix ?
Le conte intitulé «Aïni» est absolument exceptionnel et nous devons à celui qui l’a recueilli, l’anthropologue allemand Léo Frobenius, de pouvoir le lire aujourd’hui, ainsi que beaucoup d’autres récits anciens d’une grande richesse. «Aïni» est une histoire pour adultes qui raconte une initiation à l’amour, avec toutes les difficultés, les pièges et les rebondissements qui accompagnent ce genre d’aventure.

C’est véritablement un conte mature, tout en nuances, délivrant un enseignement symbolique sur la relation entre les sexes à travers l’apprentissage par le héros de la psychologie féminine. Un conte tel que «Aïni» devrait être largement connu car il nous divulgue avec une grande intelligence l’art subtil de l’Amour. Et de la maîtrise de cet art dépendent en grande partie notre sentiment de bonheur, notre capacité à être en paix avec nous-mêmes. Faut-il le dire, le conte finit bien...

Vous allez nous livrer prochainement d'autres contes. Lesquels et pourquoi ?
Mon prochain livre est consacré à l’interprétation du conte kabyle «Le grain magique» (Aâeqqa yessawalen). Celui-ci illustre à merveille la vision objective de la psyché collective sur elle-même, sans fard ni apitoiement. C’est la Kabylie vue de l’intérieur. Une vision dont on a grand besoin. Il y a aussi des retombées concrètes sur le plan individuel pour qui veut se connaître et progresser. Nos contes sont des bijoux. Aujourd’hui, ils doivent être non seulement écoutés et transcrits, mais également compris au meilleur de nos capacités afin d’enrichir notre vécu, d’alimenter spirituellement notre quotidien. Tout comme les rêves, les contes doivent être interprétés. Et leur parole pleine de sens deviendra vie.

Propos recueillis par
Meriem Nour

Source: Dz Lit.free
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