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Carnets berbères et nord-africains
Carnets berbères et nord-africains
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24 janvier 2008

Auteurs algériens: guide bibliographique

Soumya Ammar Khodja : "Rien ne manque" Le Reflet, 2003

Parfois, parler de littérature journalistique peut n'être pas une critique. La réalité que vivent les Algériens peut les amener à vouloir témoigner à chaud. La nouvelle est alors le médium idéal. Témoigner. La litanie des manques, des terreurs, des privations, des humiliations est ce qui rappellera le plus le reportage. Ensuite, plus secrètement, l'écriture fait remonter la part incompressible de noblesse, qui, toutes les littératures issues de l'oppression le confirment, continue d'accompagner l'être humain soumis à des conditions de vie dégradantes. C'est ce que dit l'expression "rien ne me manque" que les Algériennes prononcent dans un sursaut d'humour et de dignité lorsqu'elles se sentent toucher le fond.

Ici, ce sont les femmes, humiliées par les humiliés, qui tiennent haut le flambeau. Leur parole n'est pas entachée par les compromissions que les hommes ont dû concéder aux Molochs successifs. Leur incorruptibilité s'enracine dans une culture plusieurs fois millénaire, qu'elles semblent maintenir intacte pour qu'elle puisse resservir demain. L'histoire le martèle : reconstruire une société est une affaire de femmes.

  • Kébir Ammi : "La fille du vent" L'Aube, 2002

Voici l'histoire de Hania, la petite prostituée morte sous les coups de ses proxénètes. Mais ce n'est pas possible que la vie soit aussi horrible, aussi terrible : aussi Hania, avant d'être précipitée dans les feux de l'enfer, sera sauvée par un ange qui l'emmène à tire d'aile dans un lieu sûr... d'où elle voit le monde et raconte son histoire.

  • Salim Bachi :

    • "Le chien d'Ulysse" Gallimard, 2001

    • "La Kahena" Gallimard, 2003

Argos, vieux chien fidèle, est dans l'Odyssée le seul qui reconnaisse son maître, Ulysse, à son retour de Troie. De même le chien du narrateur lorsque celui-ci rentre chez lui, petit matin, après une hallucinante virée, : saisis de paranoïa, les siens lui tirent dessus, le prenant pour un membre du GIA : exit le chien.

Salim Bachi se place dans l'héritage bien digéré de Kateb Yacine. Comme son grand aîné, il embrasse une totalité sociale et culturelle qui plonge ses racines dans la longue histoire, particulièrement celle de Cyrtha, la ville numide dont il fait un emblème. Pour ce qui concerne l'histoire récente, le roman réussit tout aussi bien à créer un continuité en dénouant l'intrication de trois générations dans l'usage de la haine : les pères fondateurs, ex-moudjahidine reconvertis dans la lucrative lutte anti-terroriste, leurs fils aux ailes brisées et petits-fils chômeurs hashischi.

Mais il y a aussi beaucoup d'amour dans ce livre écrit dans une langue lumineuse, sensuelle, sinueuse, saturée d'images torrentueuses et authentiquement poétique. Le trait d'humour macabre resserre encore le filet jeté sur le lecteur. Il faut lire cet auteur et ne pas oublier son dernier ouvrage La Kahena paru chez Gallimard.

  • Rabah Belamri :

    • "Regard blessé" Gallimard, 1987

    • "L'olivier boit son ombre" Edisud, 1989

    • "L'asile de pierre" Gallimard, 1989

    • "Femmes sans visage" Gallimard, 1992

    • "Mémoire en archipel" Gallimard, 1994

A la veille de l'indépendance, dans un village meurtri par la guerre, Hassan, quinze ans, commence à perdre la vue à la suite d'un décollement de rétine. Devant l'impuissance de la médecine moderne à guérir l'enfant, la mère recourt à la magie noire et aux médecines traditionnelles : marabouts, sorciers et charlatans multiplient les traitements cocasses et dangereux. L'adolescent vit une double tragédie : les progrès implacables de son mal et les échos qui lui arrivent du drame que subit alors son pays. Pourtant, il est des choses vitales et imprescriptibles qui sont toujours à vif en lui : le désir que lui inspirent les jeunes filles qu'il sent vivre autour de lui, la beauté de la nature kabyle, bref, un bruissement sensuel du monde qui, loin de se refermer sur la blessure, s'ouvre au contraire par la grâce de la poésie, de la magie, du rêve.

Ce thème du regard - Belamri était devenu aveugle à l'adolescence -, se retrouvera dans les autres romans, tous marqués au sceau de l'autobiographie, ainsi que dans la poésie. La langue, très belle est le plan où peuvent coexister une réalité proprement abîmer et un imaginaire tourné vers une lumière poétique plus secrète. Ce très grand écrivain est mort dans son exil français en 1995.

  • Slimane Benaïssa :

    • "Les fils de l'amertume" Plon, 1999

    • "Le silence de la falaise" Plon, 2001

    • "La dernière nuit d'un damné" Plon, 2003

En exil en France, cet écrivain et dramaturge (ses pièces sont publiées aux éditions Lansman, spécialiste belge du théâtre contemporain, voire leur site) a décliné sous la forme romanesque l'ambiance et les niveaux de langue de son théâtre. L'humour, la dérision sont ici aussi la seule réponse à l'aveuglement.

Les fils de l'amertume retrace le parcours presque parallèle de deux cousins germains qui se retrouveront finalement de part et d'autre d'un pistolet : l'un, intégriste, appuie, l'autre, journaliste, tombe. Le thème de l'aveuglement terroriste se retrouvera dans les autres romans, dans le dernier notamment, qui est un voyage dans l'enfer intérieur de trois islamistes s'apprêtant à faire exploser un avion. L'un d'entre eux renoncera au dernier moment : c'est le possible chemin vers la rédemption qui laisse espérer une issue...

  • Djillali Bencheikh :

    • "Mon frère ennemi" Séguier, 1999

    • "Voyage au bord de l'enfance" Paris-Méditerranée, 2000

Deux romans d'initiation d'un jeune algérien, au tout début des années 50. Les troubles d'une sexualité naissante, les rapports conflictuels avec la famille et les rumeurs de la guerre qui commencent à se faire entendre sont les thèmes d'une littérature de la nostalgie, fortement autobiographique. L'auteur vit en exil en France.

  • Anouar Benmalek :
    • "L'amour loup" Pauvert, 2002
    • "Les amants désunis" Calmann-Lévy, 1998
    • "L'enfant du peuple ancien" Pauvert, 2000
    • "Ce jour viendra" Pauvert" Pauvert, 2003

C'est un des écrivains importants de la génération née pendant la guerre. Pas étonnant que l'histoire soit le moteur et la toile de fond de ses romans. Une manière qu'a la littérature, selon son expression, de prendre la réalité à bras-le-corps. L'amour loup : un an avant les manifestations d'octobre 1988, un algérien s'éprend d'une palestinienne. Sa quête le mènera de Moscou à Beyrouth, en passant par l'Asie centrale et retour. Chaque étape de ce livre dépeint une fracture : les premières révoltes contre le pouvoir en Algérie, la désespérance sans fin des Palestiniens piégés dans les camps de réfugiés au Liban, la répression en Syrie... Le roman décrit un monde qui se termine et un autre qui commence, le passage d'un enfermement à un autre. Ce livre traite de la "malédiction" d'être arabe à la fin de ce XXè siècle.
L'enfant du peuple ancien creuse l'histoire algérienne du XIXè. Les premières révoltes anti-coloniales conduisent des hommes en déportation en Nouvelle Calédonie. Là, ils seront embauchés comme auxiliaires pour chasser le canaque. Vérité chez soi... Autre exemple, Les amants désunis, une histoire d'amour qui se noue pendant la guerre de Libération et se détériore au même rythme que la société post-indépendance.

  • Latifa Ben Mansour :

    • "Le chant du lys" La Différence, 1995

    • "La prière de la peur" La Différence, 1997

    • "L'année de l'éclipse" Calman-Lévy, 2001

Après l'histoire de Mériem, d'une enfance à Tlemcen sur fond de guerre d'indépendance, dans Le Chant du lys et du basilic, voici dans La prière de la peur, celle Hanan, jeune algérienne vivant à Paris, qui décide de regagner définitivement l'Algérie. Un attentat à l'aéroport d'Alger lui emportera les deux jambes. Elle se réfugie chez ses ancêtres, à Aïn et Hout, accompagnée de l'aïeule, Lalla Kenza qui lui transmettra un trésor : la culture ancestrale des Berbères sous la forme de contes et de poésies que Hanan couche sur le papier, avec acharnement, jusqu'au bout, tandis que s'approche son terme... Le dernier roman revient sur la question des femmes comme dépositaires de l'espoir et du renouveau : Hayba s'est réfugiée à Paris après avoir perdu un mari et une fille dans un attentat. C'est l'enfant qu'elle porte qui sera le socle sur lequel elle tentera de se reconstruire.

  • Maïssa Bey :

    • "Cette fille là" L'Aube, 2001

    • "Entendez-vous dans les montagnes ?" L'Aube, 2002

    • "Au commencement était la mer" L'Aube, 2003

"J'ai tout simplement envie de dire ma rage d'être au monde, ce dégoût de moi-même qui me saisit à l'idée de ne pas savoir d'où je viens et qui je suis vraiment. De lever le voile sur la société dans laquelle le hasard m'a jetée, sur des tabous, des principes si arriérés, si rigides parfois qu'ils n'engendrent que mensonges, fourberie, violence et malheur."

Ce thème des origines est traité de manière opiniâtre, dès ses premières nouvelles et tout au long de ses romans. Dans le contexte de l'Algérie en guerre civile, cela prend un relief encore plus terrible : orphelines de la guerre d'indépendance, esclaves, femmes violées cherchant à avorter, la liste est longue des turpitudes qu'elles subissent.

Entendez-vous dans les montagnes ? imagine la rencontre dans un train de la fille d'un combattant du FLN mort sous la torture et d'un homme qui y participa. Maïssa Bey, dont le père, un instituteur, est mort dans un centre de torture, est mal à l'aise avec la filiation : ce héros est un absent, tandis que le système qui le célèbre tue, pille, asservit. L'écriture devient alors arme et catharsis.

  • Fayçal Chehat :

    • "Hommes perdus au pays du cul du diable" Paris-Méditerranée, 2000

    • "Celle qui n'aimait pas les hommes" Paris-Méditerranée, 2003

Dans un train, deux jeunes gens sont saisis par un coup de foudre, mais n'osent ni ne peuvent se toucher : "voici qui résume l'irrémédiable séparation des femmes et des hommes dans toutes les sociétés arabes et musulmanes. Je pense que celui qui n'a pas vécu ne pourra jamais se représenter cette sorte d'apartheid qui existe entre les deux parties de l'humanité dans nos sociétés. Je crois que tous les maux en résultent." dit Chehat en parlant de son roman "Hommes perdus..." où, au soir de sa vie, le narrateur, Ali, cloué dans un fauteuil roulant, retrace le destin de ses trois amis : Hamid, Kader et Malik. Au menu : désillusions, trahisons, mensonges et toujours tant de frustrations dans le champ amoureux.

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  • Abdelkader Alloula (1939-1994):

    • "Les généreux" Actes Sud, 1995

    • "Les sangsues" Actes Sud, 2002

    • "Le pain" Actes Sud, 2002

    • "La folie de Salim" Actes Sud, 2002

    • "Les thermes du bon dieu" Actes Sud, 2002

Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fait des débuts en 1969 avec Les sangsues, une fresque humoristique sur l'univers bureaucratique, et Le pain, où défilait déjà sur scène le petit peuple d'Oran, héros ordinaires ballottés entre inquiétude et espoir, Alloula sera dans le même temps l'interprète à succès de La folie de Salim en 1972, sa propre adaptation du Journal d'un fou, de Nicolas de Gogol. Poursuivant ses réflexions sur le théâtre populaire, il interroge la forme traditionnelle de la halqa (la ronde des spectateurs autour d'un conteur, sur les places de marché au Maghreb) qui préfère selon lui "le récit, le dire, à la figuration de l'action."

Drôle et truculent, l'arabe populaire d'Alloula a la vitalité de la langue parlée et la rigueur de la langue écrite, comme en témoigne la trilogie, tout à la fois épique et, réaliste, des Généreux, composée de Les dires, Les généreux et Le voile.

Les balles qui l'ont couché le 10 mars 1994, n'ont pas su le couper de ces petites gens d'Oran qui avaient trouvé en lui une voix, comme le témoignera son enterrement, où ils étaient des milliers.

  • Tahar Djahout (1954-1993) :

    • "Les chercheurs d'os" Seuil, 1984

    • "L'invention du désert" Seuil, 1987

    • "Les vigiles" Seuil, 1991

    • "Le dernier été de la raison" Seuil, 1994

L'évolution stylistique du romancier (qui se considérait davantage comme un poète qui écrit aussi des romans) porte la trace du tournant pris par l'Algérie au lendemain de l'indépendance. Dans Les chercheurs d'or, la phrase est plus ample, la description des montagnes de Kabylie où l'on cherche des dépouilles des héros de la guerre est lyrique. Si une fêlure sonne déjà, c'est dans les romans suivants, urbains, qu'elle se fait jour, tandis que l'écriture devient hachée, haletante. Les vigiles met en scène un personnage qui a inventé un génial métier à tisser et qui tente de le proposer au service des brevets. Mais quelqu'un qui invente dans un monde de trabendistes corrompus, est forcément dangereux : les vigiles auront le dernier mot, comme l'a eu leur bras armé le 26 mai 1993. Dernier mot ? pas certain...

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  • Youcef Sebti (1943-1993): "L'enfer et la folie" Bouchêne, 2003

Du poète assassiné le 22 décembre 1993, Jean Sénac disait : "Ce brasier fraternel, s'arc-boute à la dénonciation, la colère, la profanation des tabous, une ironie grinçante. Révolte en forme de bistouri qui, d'abcès en abcès, s'achemine vers un hypothétique santé." A lire, aujourd'hui, ce recueil de poèmes écrits entre septembre 1962, au lendemain de la guerre de libération et octobre 1966, seize mois après le coup d'état de Boumediene, le chemin de cette santé hypothétique paraît introuvable.

"Sa poésie est sans concession ni lyrisme, la haine, née du colonialisme, de la guerre, de la bureaucratie, des interdits, de l'injustice, celle faites aux femmes et aux miséreux, devient ici sauvagement nourricière. Lus après les années meurtrières qui ont ensanglanté l'Algérie, les mots libèrent de terribles et prémonitoires images, exhalent des visions hallucinées, mais restent toujours dans la quête du sens." (M. Harzoune, Peuples et migrations)

  • Aziz Chouaki :

    • "L'étoile d'Alger" Balland, 2002

    • "Les oranges" Mille et une nuits, 1998

Les oranges, souvent repris au théâtre, fait défiler 170 ans d'histoire algérienne par la conscience d'un personnage, sorte de marabout, que viennent habiter des dizaines d'autres. L'étoile d'Alger, c'est Moussa, musicien funambule, rêvant de succès international. Avec talent et énergie pour tout bagage, il promène son fol espoir entre les boites douteuses et les producteurs véreux en se vivant en héritier du rock et chantre de sa Kabylie dressée contre l'arabo-islamiste au nom de son passé. Mais dans un entourage où peu à peu s'imposent les valeurs de l'islamisme radical, il est progressivement marginalisé. Ses amis musiciens émigrent un à un, Canada, Paris... Rattrapé par la misère quotidienne, largué par sa fiancée, il se laisse aller, came, alcool. Peu à peu la santé mentale vacille et un jour, l'altercation avec un barbu moraliste se termine avec la mort du susdit. La prison, on y réfléchit, on se sent moins seul avec le Coran : le saut dans la gueule de Dieu, l'adhésion à ce qui le révulsait le plus, lui, le Kabyle.

  • Vincent Colonna : "Yamaha d'Alger" Tristram, 1999

Inspiré d'un personnage réel, le truculent Hocine Dihimi, dit Yamaha, assassiné en 1995, ce roman suit le périple de Maurice, un obscur journaliste français débarqué un jour à Alger pour un reportage. Il va croiser la figure du jeune Yamaha, une star locale, animateur du fan club de l'équipe de foot du quartier Belcourt, histrion génial, inachetable, capable de faire gagner son équipe et chantre d'une Alger des pauvres.

Maurice tente de reconstruire la vie et l'oeuvr de Yamaha. C'est à la fois une aventure initiatique où la carotte est un belle beurette du nom de Souad, et une prise de conscience de la réalité d'Alger qui, derrière les stéréotypes colportés par la presse, montre un double visage : sourire et révolte.

  • Mohammed Souheil Dib :"La quête et l'offrande" Marsa, 2003

Chargée par son père de lui rapporter des feuilles de l'arbre qui guérit la nostalgie, Mathilde recherche ce qui reste du domaine familial de Kistara, abandonné par les siens lors du terrible départ de 1962. Elle se retrouve dans un univers bouleversé par les soubresauts de l'histoire et que la logique est incapable de déchiffrer. Nous n'en saurons pas plus de cette quête ; peut-être est-elle justement le motif principal de l'écriture de ce roman dont le sujet est l'instance même de l'écriture qui se retourne sur elle-même pour créer son propre univers et devenir... l'offrande ?

  • Mourad Djebel : "Les sens interdits" La Différence, 2001

"La complexité arborescente est avant tout la mise en mots d'un désir littéraire obsédant [...] où le baroque déploie toutes les possibilités de la mémoire. La structure romanesque épouse le labyrinthe où s'enferme Maroued, qui veut comprendre le sens (interdit) de la disparition de Yasmina, dont il fut l'amant. Comme Proust, Mourad Djebel se voue à la remontée obsessionnelle du temps. Récit en abîmes, son roman possède son fil conducteur. L'Algérie est ici réalité historique, fable, énigme, métaphore du suicide planétaire et, peut-être, acharnement d'une fatalité humaine où la mort serait plus forte que la vie. L'image essentielle est un pont de Constantine. Avec ses amis Larbi et Nabile, Maroued déplie les couches successives d'un mystère qui dépend outrageusement de l'histoire particulière de l'Algérie mais, comme chez Kafka, bute sur l'inaccessible secret de notre solitude. Plus qu'un témoignage historique, Les sens interdits (le titre doit être saisi à travers les multiples implications) entremêle tous les registres de l'écriture : récit, enquête, méditation, poème, mélopée, lancinante interrogation..." (Hugo Marsan, Le Monde)

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  • Abdelkader Djemaï

    • "Sable rouge" Michalon, 1996

    • "Mémoires de nègre" Michalon, 1999

    • "Dites-leur de me laisser passer" Michalon, 1998

    • "31 rue de l'Aigle" Michalon, 2000

    • "Un été de cendres" Michalon, 2001

    • "Camping" Seuil, 2002

    • "Gare du Nord" Seuil, 2003

Ce journaliste exilé en France a choisi de dire la vie quotidienne en Algérie par le biais du conte, en unités narratives closes où la réalité s'est condensée puis enfermée dans une forme inquiétante de fantastique. Un été de cendres par exemple : Sid Ahmed est fonctionnaire à la direction générale des Statistiques. Tombé en disgrâce pour avoir contesté un chiffre officiel, il survit dans un cagibi qui lui sert de domicile depuis que sa femme est morte. Pour se préserver de la folie ambiante, il est maniaque... à la folie. Dans son abri, il survit en observant l'univers urbain se gangrener lentement, une autre folie prévaut...

Dans Sable rouge on trouvait ce thème du camp retranché où, face à l'invivable présent, on fait remonter un passé aux couleurs de l'enfance (Camping et son univers à la Tati). Mémoires de nègre revient au conte à l'orientale. Golo (Tiens...) est un richissime vieillard obsédé par la question de la postérité. Pour la résoudre, deux décisions : épouser une jeune beauté, Nadia, et demander un plumitif débutant d'écrire l'épopée de son clan, où lui, Golo, apparaîtra en majesté, guerrier, saint et mâle dominant comme disent les anthropologues. Mais très vite, le scribouillard ne pense plus qu'à la jeune épouse, au corps de la jeune épouse, un virus qui déclenche une fièvre durable.

  • Nabile Farès :

    • "Yahia pas de chance" Seuil, 1971

    • "Un passager de l'Occident" Seuil, 1971

    • "Le chant des oliviers" Seuil, 1972

    • "Mémoire de l'absent" Seuil, 1974

    • "L'exil et le désarroi" La Découverte, 1976

    • "La mort de Salah Baye" L'Harmattan, 1980

L'œuvre romanesque s'articule autour des thèmes du déplacement, de la migration, des exils et des ruptures. Par les femmes il gardera la proximité de la parole, de la langue berbère, du chant, des contes et des mythes millénaires, bref, de la culture de l'oralité. Enfant de la guerre, il adhère au FLN à 20 ans en 1960, poursuit ses études de philosophie, d'anthropologie et enseigne en université.

Son travail d'écriture repousse les techniques narratives, les procédés de la confession (c'est le sujet même du premier roman, Yahia pas de chance : la guerre est inracontable cas la langue de "l'Organisation" ne connaît pas la vibration de la nature, des mythes), ou quelque forme de réalisme que ce soit, qui, selon lui, sont trop proches de la littérature officielle. Son écriture participe ainsi d'un travail "d'élaboration secondaire" par laquelle émerge sa propre parole.

Ainsi se cuisine une esthétique propre, subjective, une écriture de bris, d'éclats, de télescopages, d'anamnèses, de dissémination du récit, de circulation entre langues (l'écrit français et l'oralité arabe, berbère ou même espagnole) qui ont plus à voir avec des façons de poète. L'humour, le recours fréquent au calembour ne sont pas un jeu gratuit mais renvoient au colonisateur sa violence en minant la sacralité de sa langue. De même s'emploie-t-il à travers les mythes, comme ceux de l'ogresse ou de la Kahena, à travers les éléments naturels, comme la terre, le fleuve, l'obscurité, la lumière, à rendre compte de la circulation des symboles et de leur recyclage dans de nouveaux contextes politiques.

L'œuvre de cet écrivain majeur dans l'espace maghrébin est malheureusement occultée au prétexte "d'hermétisme", alors qu'il faudrait l'accueillir comme on l'a fait des grands auteurs sud-américains avec qui il partage cette séduisante instabilité que donne la marche sur les lignes de fracture culturelles. (Cet article sur un auteur peu présent en librairie emprunte à Nourredine Saadi)

  • Mélina Gazsi : "L'armoire aux secrets" L'Aube, 1999

Farida - Mélina Gazsi, nous sommes dans une pure autobiographie - est née à Paris en 1955, au début de la Guerre d'Algérie, d'une mère bretonne marchande des quatre-saisons et d'un homme parti sans laisser d'adresse. La jeune femme se lancera par petites touches, à la recherche de ce père disparu mystérieusement et dont la mère ne parle jamais. Sa quête le conduira à Alger où elle finira par le découvrir en 1992, chargé de lourds secrets. Émouvantes retrouvailles, très vite gâchées par de nouveaux silences. Ce rendez-vous impossible avec son enfance lui fera découvrir l'Algérie d'aujourd'hui, celle qui est à nouveau en proie à la guerre.

  • Salima Ghezali : "Les amants de Shahrazade" L'Aube, 1999

Fin des années 1990, une maison dans un douar où vivent shahrazade, veuve, ses deux fils, la belle-fille enceinte. Allers-retours entre présent et passé, deux époques que tout oppose Shahrazade qui vécut l'indépendance comme un fol espoir et subit le présent comme un tourment. Cette femme est la conscience de l'Algérie : elle a subi les militaires français, les perquisitions de l'armée algérienne sous la dictature, à présent celle des unités anti-terroristes. Mais Algérie elle l'est d'autant plus que, de ses deux fils, l'un islamiste radical, l'autre un laïc épris de justice. Dans une ambiance cauchemardesque - incendies, massacres, nuits de veille à attendre parfois un raid des terroristes, parfois une perquisition de l'armée, deux maux dont on ne sait quel est le pire -, Shahrazade tentera de ne pas perdre la tête et de protéger celle qui porte l'espoir, sa bru, enceinte de deux jumeaux.

Salima Ghezali montre combien l'horreur s'origine dans une sexualité masculine mal vécue, c'est à dire hors l'amour. On en ressort éclairé et conscient que le salut ne viendra d'aucun camp, la machine qu'ensemble ils constituent est en mécanique ce que l'on appelle un couple : ça entraîne un tas de pièces tant qu'on lui fournit du carburant.

  • Ghania Hammadou :

    • "Le Premier Jour d'éternité" Marsa, 2001

    • "Paris, plus loin que la France" Paris-Méditerranée, 2001

Dans cette intrigue, évolue une ronde de personnages dont l'âme est marquée par la guerre de libération nationale. Au centre de ce petit monde se trouve Zahra, la mère, mais aussi figure emblématique, symbole d'une permanence et d'une certitud qui la désigne comme l'incarnation du pays. Devenue veuve, elle choisira, avec sa fille qui s'acharne à entretenir vivant le souvenir du père absent, l'émigrant en France.

Le voile de la fiction romanesque s'effiloche souvent au cours de la narration pour laisser entrevoir une réalité que les femmes perçoivent plus intensément : les femmes du monde arabe qui écrivent sont dans un corps à corps avec la mémoire, avec ce qu'elle sont, ce que la société voudrait qu'elles soient et qu'elles rêvent de devenir.

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  • Abdelmajid Karouah :

    • "Le nœud de Garonne" Autre temps, 1999

    • "L'ombre du livre" Noir et Blanc, 1999

    • "Par quelle main retenir le vent" Noir et Blanc, 2000

La violence a poussé hors d'Algérie le poète, avec toutes ses meurtrissures. C'est le temps de la séparation et de l'exil, il est journaliste en région toulousaine. Le nœud de la Garonne est une sorte de journal poétique, à la fois pérégrination solitaire en terres nouvelles et voyage douloureux dans la mémoire. C'est aussi le flot de la parole algérienne sur les berges d'un fleuve attentif. De la Casbah au pays Cathare, les hommes ont en partage la souffrance et l'espérance.

Son recueil Par quelle main retenir le vent, préfacé par Tahar Djaout en 1986n évoque ce qu'aurait pu être l'Algérie si les poètes avaient eu la parole.

  • Dalila Kerchouche : "Mon père, ce harki" Seuil, 2003

Elle a découvert à l'adolescence que son père avait été harki, donc, à ses yeux, un traître. Interrogé, le père se murait dans le silence. Alors elle part à la recherche du passé, et ce roman est le récit de cette quête. Tout d'abord, le parcours en France, camps après camp, lui permet de mesurer l'étendue de l'humiliation faite, puis traversant la Méditerranée, elle va tenter de découvrir les origines du drame. Voyage risqué dans le douar parental où un maquis islamiste sévit sans être inquiété. L'appréhension de la dramatique histoire familiale se fait en même temps que celle de l'Algérie contemporaine.

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  • Ameziane Kezzar : "La fuite en avant" Paris-Méditerranée, 2002

Fraîchement débarqué de sa Kabylie où il enseignait les sciences physiques à l'université d'Azazga, et où ses idées berbéristes et son comportement résolument "moderne" lui valurent d'être mis à pied, Akli erre sans papiers dans un Paris indifférent ou, côté police, franchement hostile. La découverte de la réalité française est une douche froide qui déclenchera un repli sur les moments heureux de son passé. Devant l'échec prévisible de la migration, il est conduit à s'interroger sur les raisons qui l'on poussé à quitter femme et enfants. Jusqu'à la veille du départ , il a mis en balance ce qu'il quittait et ce qu'il espérait trouver. C'est une jeunesse algérienne (amours, révoltes, espoirs nés du printemps berbère...) qui défile sous les yeux du lecteur, une jeunesse, semble nous dire l'auteur, qu'il est de la responsabilité du pays d'accueil de ne pas gâcher davantage...

  • Aïssa Khelladi :

    • "Peurs et mensonges" Seuil, 1997

    • "Rose d'abîme" Seuil, 1998

    • "Spoliation" Marsa, 2001

    • "Le Paradis des fausses espérances" Marsa, 2001

Les romans de Khelladi sont des tentatives pour exorciser le cauchemar en le mettant en scène. Dans Peurs et mensonges, un journaliste rédige une confession-réquisitoire à la demande d'un juge, dépassé par l'absurdité de son rôle. Comment départager assassins et victimes dans cette mêlée confuse, , ce suicide collectif d'une nation qui semble replonger dans la nuit des temps ? A voix basse, l'auteur décrit une descente aux enfers où ne survivent ni chagrin, ni pitié.

Rose d'abîme se place du point de vue d'une femme, Warda, mariée malgré elle à un fanatique de Dieu qui entraînera, comme dans une fatalité, toute sa famille dans un monde d'horreur. Ici aussi, le réquisitoire dissèque les instincts brutaux, le fanatisme des hommes, l'enfermement des femmes.

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  • Waciny Larêej :

    • "Le miroir des aveugles" Gollias, 1998

    • "Fleur d'amandier" SIndbad, 2001

    • "La gardienne des ombres" Actes Sud, 2002

    • "L'impasse des invalides" Aden, 2002

    • "Les balcons de la mer du nord" Actes Sud, 2003

Ayant perdu dans des circonstances atroces la femme qu'il aimait Salah craint de voir se réaliser la sinistre malédiction frappant les Beni Hilal : leur lignée est menacée d'extinction à moins qu'un être "au cœur brûlant d'amour" ne parviennent à engendrer une descendance. A ce malheur s'ajoutent les difficultés quotidiennes, celles des humbles qui, dans une région abandonnée de Dieu et du gouvernement, sont obligés de se livrer à la contrebande. Fleurs d'amandiers mêle la geste hilalienne à la réalité contemporaine pour mettre le doigt sur déréliction des descendants des conquérants arabes.

Yacine, le sculpteur des Balcons de la mer du nord, s'est reclus dans l'attente d'une probable fatwa lancée à son encontre. Une invitation à Amsterdam est l'occasion d'entamer une remontée vers le jour, au long d'un parcours initiatique qui refermera une boucle.

  • Leïla Marouane :

    • "Ravisseur" Julliard, 1999

    • "La fille de la Casbah" Julliard, 1999

    • "Le châtiment des hypocrites" Seuil, 2001

Répudier pour une faute inexistante, la marier à un voisin complaisant en s'assurant qu'il la répudiera luis-même trois mois plus tard, n'est pas une démarche ordinaire pour un père de sept enfants. En organisant cette farce, Monsieur Zeitoun a le sentiment de respecter tous les codes moraux que la société algérienne lui impose. Il est l'époux, sévère mais juste, qui châtie la femme coupable, le père irréprochable qui veille à la pérennité et à l'exemplarité de son foyer, le croyant sincère qui respecte pieusement les lois de DIeu. Ravisseur, le premier roman de Leïla Marouane avait opté pour la farce drolatique pour mieux enfoncer le clou.

Dans le second, la peinture de mœurs à la façon d'un film néo-réaliste italien couvre de plus en plus mal le pessimisme. Une femme tente de se libérer de l'emprise familiale, religieuse et étatique qu'elle subit comme une torture en se jetant dans les bras d'un affairiste qui ne lui donnera que de brèves illusions : mais où est donc l'amour ? Le ton du dernier roman s'aggrave encore. Fatima, enlevée et séquestrée dans un maquis islamiste, est relâchée après avoir subi tous les sévices. De retour à Alger elle tombe dans la zone la plus noire avant une remontée qui s'achèvera dans l'exil. Trois récits proches du roman noir pour dire le peu d'illusions restantes.

  • Rachid Messaoudi : "Un Algérien au Paradis" Le Toit, 2000

Alger, le 26 mai 1993, Tahar, journaliste et écrivain, sort de chez lui pour se rendre à son travail. Les balles l'atteignent en pleine tête. Plongé dans le coma, il revit les moments forts de sa vie qui se confondent avec l'histoire de son pays. Ce livre est roman-document construit autour du personnage Djaout, figure emblématique de toute une génération avide de démocratie. Des photos de Francine Bajande, prises en Algérie entre 1997 et 1999, ponctuent ce récit. Le livre se ferme sur une interview de Arezki Metref, qui fut l'un des proches de Tahar Djaout.

  • Jean-Pierre Millecam :
    • "Et je vis un cheval pâle" Gallimard, 1978
    • "Un vol de chimère" Gallimard, 1979
    • "Une légion d'anges" Gallimard, 1980
    • "Choral" Gallimard, 1982
    • "La quête sauvage" Calman-Lévy, 1985
    • "Ismaël et le chien noir" Al Manar, 1998

Ce pied-noir qui s'engagea contre l'Algérie coloniale n'a pas pu quitter sa terre, qu'il a trouvée prolongée au Maroc où il vit et enseigna. C'est un écrivain pour happy few, dont l'œuvre romanesque s'ancre dans l'histoire du Maghreb. Les romans "algériens" constituent une vaste fresque qui se situe pendant et après la guerre d'indépendance, et mettent aux prises des protagonistes - de toutes races et confessions - que seuls les évènements séparent, tandis que la fraternité vraie transcende les cultures et se réalise dans une même précarité face à l'histoire.

Il est recommandé de lire ce très grand styliste de la langue épique, aux accents qui raviront les amateurs d'Hemingway.

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  • Malika Mokeddem :
    • "Les hommes qui marchent" Grasset, 1990
    • "Le siècle des sauterelles" Ramsay, 1992
    • "L'interdite" Grasset, 1993
    • "Des rêves et des assassins" Grasset, 1995
    • "La nuit de la lézarde" Grasset, 1998
    • "N'Zid" Seuil, 2001
    • "La transe des insoumis" Grasset, 2003

Elle est parmi les nomades du grand erg occidental, et ses premiers romans témoignent de cette culture assez peu présente dans les lettres algériennes. La forte trame autobiographique ne masque pas les incursions descriptives dans un univers fascinant où le passage de l'histoire contemporaine a laissé autant de plaies qu'ailleurs dans le pays. Plusieurs récits (Les hommes qui marchent, Le siècle des sauterelles) nous montrent les ravages que la guerre d'indépendance fit chez ces héritiers d'Abd el-Kader.

Mais la narratrice a des aspirations qui dépassent ce cadre, dont elle subit les pesanteurs et les contraintes dans sa vie de femme. Ce désir d'émancipation prend racine dans une tradition orale qui se transmet par les femmes. Aussi, face aux dénis qui les frappent, à la destruction de leur univers social, dont sont responsables la guerre, mais aussi les nouveaux maîtres, et malgré tout l'attachement à la splendeur et à l'harmonie du mode de vie, elle décide d'aller étudier la médecine. Oran puis Paris, le pas est fait, une autre vie commence...

Une autre littérature aussi, qui, sans oublier le substrat qui fait les grands écrivains, intègre des formes narratives et des thèmes plus "occidentaux". N'Zid marque ce virage. Une femme émerge lentement d'une perte de conscience. Elle se découvre seule à bord d'un voilier qui dérive. Voici encore le thème de l'identité à conquérir, mais en même temps elle l'inscrit dans le sillage homérique.

Le dernier titre alterne la remontée dans l'enfance, découverte de la lecture sous la tente, là-bas, et le présent du récit, ici, marqué par la fuite de l'homme aimé.

  • Mohamed Mokeddem :
    • "Fils de ta mère" Nadeau, 1999
    • "Nuit afghane" Philippe, 2002
    • "Mémoire de la chair" Albin Michel, 2002

Sa mère, veuve de guerre sans pension (pour quoi faire ?) en vient à la prostitution. Lui, le fils, apprend à se battre pour survivre physiquement. Il deviendra documentaliste de cinéma et sera envoyé couvrir la guerre Iran-Irak. Sa vision des choses ne plaît pas, à son retour d'Algérie, il est menacé de mort et échappe de peu à un attentat. La nuit qui suit est une nuit afghane : c'est, en Algérie, une nuit d'angoisse dans l'attente de tous les dangers. Il se jette dans le premier avion pour la France où il vit depuis. Deux romans pour le raconter avec des mots d'une très grande force, pour se libérer d'une histoire fantastique, incroyable, mais devenue presque banale dans ce pays.

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  • Fadela M'rabet : "Une enfance singulière" Balland 2003

Quel psychiatre nous dira la terreur de la naissance répétée d'une petite fille ? Elle souffrira toute sa vie de cet accueil sans youyous, réservés aux garçons et éprouvera constamment le besoin de se faire pardonner. Comme si elle se sentait toujours de trop. Comme si elle se sentait toujours de trop. Comme si elle devait une reconnaissance éternelle à son père de ne pas l'avoir enterrée vivante à la naissance.

Une enfance singulière est d'abord le récit d'une enfance algérienne. Celle d'une petite fille à qui sa grand-mère , Djedda, dont la maison est un peu celle du bonheur, fait découvrir la vie. A ses côtés, l'enfant apprend le monde - et en particulier le monde des femmes. Oncles et tantes, frères et sœurs, parentèles et voisins, l'univers de la narratrice est simple, chaleureux, même si la cohabitation avec les pieds-noirs n'est pas toujours exempte de sous-entendus.

  • Abdennour Nouiri : "Mériem ou la déchirure" Marisi, 1998

Sarah, jeune journaliste suisse, arrive pour la première fois à Alger à la recherche d'une famille qu'elle n'a pas connue. A la veille des évènements d'octobre 88, elle rencontre ses racines mixtes, judéo-arabes et musulmanes, et de multiples drames.

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  • Zahia Rahmani :"Mose" S. Wiespieser, 2003

Moze est un harki qui a échappé à la liquidation réservée par le FLN à ceux en qui il ne voyait que des traîtres. Emprisonné en 1962, il s'évade en 1967 et parvient à gagner la France avec sa famille. Là, il s'enferme dans le silence, sombre dans l'alcool, est pris de crises au cours desquelles il terrorise sa famille. Moze a un secret, mais en travers de la gorge. Le 11 novembre 1991, il salue le monument aux morts du village et va se jeter dans la mare.
C'est dix ans après que sa fille, la narratrice, l'auteur, tente d'expliquer et de comprendre. A Moze, tout fut confisquer, dénié. Moze n'a rien, n'est rien. Moze est mort avant sa mort. Il ne fut pas un père, pas un soldat, pas un civil, n'eut pas de patrie ; trahir ses frères lui enleva son ascendance, la trahison du pays qu'il crut servir lui enlève sa descendance. Moze est dépossédé de tout, même de sa dépossession. Pas de place en Algérie pour le corps du traître, pas de lieu parmi les morts, pas de place dans le souvenir des vivants, honte à sa mémoire, lui qui leur avait appris la honte de leur honte.

Un jour, la fille entend un politicard quelconque dire "nous ne serons pas les harkis de la droite !" Voilà l'insulte que lui a léguée son père, voilà l'accueil que la France réserve au souvenir de ceux dont elle fit ses zombies.

Oui, sans doute, mais quelque chose est sauvé, réparé, ce n'est pas la commission nationale de réparation qui l'a fait, c'est le travail d'une femme devant les instances de la langue que son père, qui la parlait mieux que ses maîtres, lui a donnée. Salut, Moze, longue vie à ta mémoire...

  • Alain-Julien Rudefoucault : "J'irai seul" Seuil, 2003

De cette violence là, en Algérie toujours, l'écrivain Alain-Julien Rudefoucault fait la matière de son roman : un livre en forme de reconstitution de la mémoire, un récit vécu comme la dernière chose à laquelle se raccrocher pour penser à nouveau. Car comment vit-on après avoir vu (et participé, parfois) à tant de meurtres ?

  • Noureddine Saadi :"La maison de lumière" Albin Michel, 2000

"Il y a une littérature du cru, celle de la nourriture nécessaire, rapide, et la littérature du cuit ; celle-là, a besoin d'un long temps de cuisson dans la mémoire. Mon roman vient de là, engrangeant dans les histoires d'une demeure (bâtie par les Ottomans, habitée par un marchand juif puis par un général français, en déshérence à l'indépendance de l'Algérie), des généalogies de vies obscures qui ont gardé et entretenu les lieux. Pour dire autrement, par le je de la subjectivité, la tragédie de ce merveilleux et douloureux pays que je n'habite plus et qui m'habite toujours,. Un livre que je voulais, hors de toute autobiographie, fait de morceaux de moi-même." (N. Saadi)

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  • Boualem Sansal

    • "Le serment des barbares" Gallimard, 1999

    • "L'enfant fou de l'arbre creux" Gallimard, 2000

    • "Dis-moi le paradis" Gallimard, 2003

"Pour être à mille lieues du roman à thèse, Le serment des barbares n'en développe pas moins une idée forte : les malheurs présents de l'Algérie doivent être recherchés dans la falsification de sa mémoire. Il est impossible de construire un avenir commun qui tienne debout en s'inventant un passé gangrené de mensonges. Et Sansal attaque de front la vache sacrée, le grand tabou, le mensonge premier : la guerre d'indépendance présentée comme le récit sans faille de la lutte héroïque du Bien contre le Mal, de la Lumière contre l'Obscurité, etc." (C. Lepape)

L'enfant fou de l'arbre creux reprend ce même thème de la mémoire trafiquée. Dans le bagne de Lambèse, un amitié se noue entre deux condamnés à mort. L'un français, est accusé de meurtre après qu'il a remué les eaux troubles du passé, la guerre d'indépendance, dans un village de sa vraie mère, Algérienne. L'autre est un jeune algérien qui a sombré dans la violence par ennui, désespoir. Dans ce huis clos, un enfant fou, ou prétendu tel, est attaché à un arbre dans la cour de la prison. Mais la simple amitié de ces deux hommes qui se découvrent un destin commun éclaire ce récit et laisse pénétrer la lumière.

Une construction en artichaut fait le cœur de Dis-moi le Paradis ne se trouve qu'une fois la lecture avancée. C'est le portrait d'une tribu qui semble avoir traversé les siècles sans qu'ils l'aient modifiée. L'un des protagonistes, l'une des voix plutôt, raconte comment il la découvrit au cours d'une campagne de prophylaxie. Auparavant on aura visité le Bar des Amis, où on refait quotidiennement le monde ou au moins l'Algérie, connu un ex-souteneur de Barbès, visité une prison et un hôpital sans trop les différencier...

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  • Leïla Sebbar :
    • "La jeune fille au balcon" Seuil, 1996
    • "Sept filles" Thierry Magnier, 2003
    • "Fatima ou les Algériennes au square" Stock, 1981
    • "Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts" Stock, 1983
    • "Les carnets de Shérazade" Stock, 1985
    • "Le fou de Shérazade" Stock, 1991
    • "Le silence des rives" Stock, 1993
    • "Je ne parle pas la langue de mon père" Julliard, 2003

Il y a un peu plus de vingt ans, elle publiait Si je parle la langue de ma mère. Son dernier livre a pour titre, Je ne parle pas la langue de mon père. Entre les deux, il y a des histoires de lointaines enfances, de silence, d'exil. Avant, il y a eu des récits de femmes, toujours venues d'un ailleurs. Si étendue que soit la palette de ses thèmes, de la trilogie Shérazade aux récits de guerre, on ne la trahira pas en disant qu'elle est un écrivain de l'exil.

L'exil habite entièrement une pensée tout en choisissant un lieu où il se fixe de préférence : l'enfance, ou la terre, ou les images qui restent après que tout a disparu. Oui, mais l'exil qui la fonde, qui la constitue, c'est celui de la langue qu'elle n'a jamais parlée, la langue de son père devenu de ce fait l'étranger bien-aimé. Il n'est dès lors pas étonnant que ses romans soient peuplés de figures d'étrangers, de Nègres, d'Arabes, de Juifs, de femmes, de tout ceux que l'Occident impérial désigna si longtemps comme les autres.

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  • Habib Tengour
    • "L'épreuve de l'arc" Sindbad, 1997
    • "Les gens de Mosta" Sindbad, 1997
    • "Le poisson de Moïse" Paris-Méditerranée, 2001

La vie étudiante à Alger, années 1980. Toute la misère sexuelle d'un jeune homme confronté au défaut d'éducation, à la méconnaissance de l'amour. L'épreuve de l'arc, c'est l'odyssée du premier acte amoureux, failli, recommencé jusqu'à ce que se manifeste le sentiment qui conduit à l'abandon de soi et au vrai désir. En filigrane, la critique d'un État et d'une société d'hommes qui n'ont pas su voir que cette haine, cette peur des femmes allaient être le ferment des terribles évènements qui défigurent l'Algérie d'aujourd'hui.

Mostaganem, sa ville natale... En une quinzaine de textes brefs, il évoque le pays et l'enfance, l'exil et le retour, le temps présent et la mémoire qui se mite. Il se souvient du jour où la Mangano est morte, il chercha en vain quelqu'un avec qui partager ce deuil. Le temps du colon avait fait naître un bonheur du combat qui s'est perdu. Pourquoi ?

  • Daniel Timsit : "Suite baroque, histoire de Joseph Slimane et des nuages" Bouchêne, 1999

Voici un très beau texte sur la période qui suivit le coup d'État de 1965. L'auteur nous plonge dans le milieu des ultras, que tentent de retrouver l'esprit de la révolution de 1958. Ils se rendront compte qu'ils ont été manipulés par l'armée, dont la réaction et leur échec renforceront définitivement l'emprise sur la société algérienne.

Trois destins qui se croisent, de l'espoir à la désillusion et au renoncement final, et qui sont comme des étoiles dans un ciel : fixes tout en tendant au rapprochement.

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  • Rachida Titah :
    • "Un ciel trop bleu" L'Aube, 1997
    • "La galerie des absentes" L'Aube, 1996

Le premier est un recueil de vingt courtes nouvelles qui observent le basculement soudain dans la folie de personnages ordinaires déstabilisés par l'irruption de la barbarie. Certaines mettent en scène des personnages précis : une petite fille fascinée par le bleu de la mer pendant que sa mère est déchiquetée lors d'un attentat ; un bébé naît dans les fourrés du maquis algérien. D'autres évoquent des êtres mal définis en proie au regret ou au remord pour des raisons confuses. D'autres enfin sont des récits allégoriques socio-politiques qui veulent transcender les souffrances d'une Algérie déchirée et celle de son peuple en mutation.

Le second est un essai, ou plutôt une enquête sur la présence de la femme dans la poésie amoureuse, les arts et les chants traditionnels du Maghreb. Curieusement, elle y est en majesté, séductrice, irrésistible ; pas de trace de la femme au foyer. La colonisation la confirmera dans son rôle d'odalisque oisive ou au contraire dans celui de l'épouse mystérieuse et cloîtrée. Ce n'est qu'à l'indépendance que la femme brisera ses clichés et s'imposera comme combattante. Pourquoi dès lors ce repli actuel sur des positions tellement réactionnaires qu même le colon n'adoptait pas ?

  • Abderrahmane Zakad : "Trabendo" Marsa, 2001

A Alger dans les années 1990, Malika, une femme divorcée originaire de la Casbah, doit faire vivre ses trois enfants. N'ayant aucun diplôme, mais douée d'un caractère entreprenant et du sens des relations humaines, elle se lance dans le trabendo, ce commerce parallèle, illégal, qui envahit un pays en mal de production et ivre de consommation. Le roman, bien documenté et animé par un agréable verve populaire, nous guide sur les pas de cette femme d'affaires d'un genre particulier et nous fait partager ses tribulations. Trabendo est aussi un voyage à la découverte des paysages de l'Algérie profonde que sillonne Malika, vers l'est en direction du Caire et vers l'ouest en direction de Fès, deux villes envoûtantes où elle vivra aussi les prémices d'un nouvel amour... L'intrusion d'une femme dans un domaine réservé aux hommes est source de drôleries, mais aussi d'une mise en coupe réglée de toutes les formes de domination masculine. Son combat pour l'émancipation, pour la vie, Malika, le mène aussi pour eux.

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  • Hafsa Zinaï-Koudil : "Sans voix" Plon, 1997

C'est une cinéaste très engagée qui transpose son univers pictural à l'écrit. Elle pratique un cinéma vérité, très réactif aux événements, très proche du documentaire. De même en littérature, elle crée des personnages qui seront des archétypes représentant une posture, une place dans la société, un certain regard sur ce qui se passe. Ainsi Sans voix suit les itinéraires de trois personnages qu'un enlèvement va faire interférer : une jeune femme séquestrée par un groupe de terroristes barbus, un jeune officier de l'armée et un vieux croyant qui ouvre les yeux sur la dérive de sa religion.

Source: Librairie Gaya

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Commentaires
D
Un auteur; et pas des moindres, qui mérite de figurer dans votre liste est Youcef Dris, écrivain touche à tout, ancien journaliste, historien et romancier. Il a notamment écrit Les Amants de Padovani qui suscita une polémique monstre pour avoir été "repris" par un autre auteur à succès, considéré comme un plagiat éhonté.
S
9<br /> Préface<br /> Un chasseur alpin raconte sa vie. Un fils de « fellagha »<br /> raconte la sienne. Ce qu’elles ont de communs, ces deux<br /> existences : le lieu du déroulement du drame, Iferhounéne,<br /> un village kabyle posté depuis l’ère des quinqué gentii1 sur<br /> un mamelon qui fait face à l’imposante chaîne du djurdjura.<br /> En y installant leur camp dés 1956, les forces<br /> d’occupation avaient visé un objectif stratégique, inspiré<br /> de la nature même du relief escarpé et de la position dominante<br /> du chef lieu de cette portion du territoire<br /> algérien : Observer les mouvements des villages environnants<br /> : Tifilkout, Ait arbi, Ait Hamou, Ait Mansour,<br /> Barber, Taourirt Ali Ouanacer, Tikilsa. Quant à Haadouche<br /> et les autres, même cachés, ils ne seront qu’à quelques<br /> minutes de marche de là, à portée de canon.<br /> Jadis panorama touristique pittoresque, le Djurdjura allait,<br /> des années durant, offrir une image apocalyptique ou<br /> se mêlent tous les malheurs d’un peuple marqué par son<br /> histoire déjà trop agitée : batailles sanglantes, embuscades,<br /> ratissage …torture, viols, exécutions sommaires.<br /> Le chasseur et le fils de fellagha, ont passé ensemble<br /> une partie de leur vie, face à face, chacun de son coté de la<br /> barrière… Du barbelé qui sépare le village du camp militaire.<br /> Sans se connaître, ils ont vécu les mêmes<br /> événements historiques qu’ils ont ressentis chacun à sa<br /> 1 quinqué gentii. Terme romain, utilisé pour designer les 5 premières<br /> tribus berbères installées au flan DJURDJURA, appelé par les romains,<br /> Mons Ferratus ou montagne de fer, en raison de la résistance<br /> farouche opposée à l’occupant.<br /> 10<br /> manière, selon ses propres convictions. Différemment,<br /> voire parfois même antagonistes, malgré le point commun<br /> qui peut rapprocher les hommes dans certaines circonstances,<br /> dans leur pensée, deux hommes épris de paix et de<br /> justice.<br /> Dans la première partie de cette oeuvre ; Le chasseur alpin,<br /> nous livre les secrets de cette courte période de son<br /> service militaire, passée à livrer bataille malgré lui, à un<br /> ennemi invisible, au lieu disait-il, de séjourner en touriste<br /> insouciant dans ce qu’en métropole, on appelait, fanfaronnerie<br /> ironique « les vacances algériennes. »<br /> Je ne dirai rien de sa vie privée, et ne porterai aucun<br /> commentaire sur ses sentiments exprimés, dans ce livre<br /> qui a le mérite de nous dire des choses authentiques, sans<br /> détours, sur le drame vécu par le peuple algérien.<br /> Si l’histoire est authentique, les noms des acteurs ont<br /> été changés sciemment pour des raisons évidentes de respect<br /> de la discrétion. Mais cela ne leur enlève en rien, la<br /> reconnaissance du mérite ou la condamnation de l’opinion.<br /> Nous laissons le soin sur cet angle, à l’Histoire pour en<br /> juger.<br /> A coté des faits véridiques endeuillants relatés par le<br /> soldat, le narrateur a voulu mettre une place à l’amour, aux<br /> sentiments positifs, à travers cette édile pour la Femme,<br /> avec un grand F incarnée par YASMINA qui aurait pu<br /> s’appeler Lila ou khelidja, ou encore Jacqueline, et résider<br /> à Ait El Mansour, Taourirt ou encore Iferhounée, Tifilkout<br /> ou Iril El Arbi ou tout simplement Lyon, Marseille, Nantes<br /> dans un contexte de paix<br /> Cette histoire est le fruit de la pure imagination délirante<br /> du soldat français, pour rendre moins pénible, moins<br /> cruelle, moins insupportable la vie, quand la mort est devenue<br /> la rançon quotidienne pour tous, de quelque coté du<br /> conflit où l’on peut se placer.<br /> La deuxième partie de ce livre est consacrée aux récits<br /> des faits de ces événements à la même période, vu d’un<br /> 11<br /> oeil d’enfant innocent, qui n’avait que 4 ans et grandi dans<br /> le fracas des armes jusqu’à l’age de 12 ans, pour finir seul,<br /> privé de tous ses parents happés par la machine de guerre<br /> infernale d’une puissance militaire. Ils sont 8 hommes de<br /> la même famille, tous dans la force de l’age, en bonne<br /> santé, bien éduqués, lettrés, à être tués par l’armée française,<br /> entre 1958 et 1960, tous les armes à la main. Ils<br /> étaient, ce que la propagande coloniale appelait « les Fellaghas<br /> », et, que l’enfant de la guerre, fils de « fellagha »,<br /> lui, a toujours pleurés, en secret, dans ses moments de plus<br /> grande solitude. Pour lui, il ne subsiste aucun doute : ils<br /> sont morts pour leur patrie, en martyrs de la révolution.<br /> Cette oeuvre se veut un témoignage fort sur le sacrifice<br /> du peuple algérien, le drame des hommes, des femmes et<br /> des enfants colonisés, dominés, maltraités, torturés, assassinés.<br /> Il est aussi une lueur d’espoir pour les générations montantes<br /> de pays développés pour refuser, rejeter le fait<br /> colonial et condamner la guerre.<br /> <br /> Livre 1<br /> Un soldat français m’a raconté…<br /> Un épisode de la guerre d’Algérie<br /> qui s’est déroulé dans mon village :<br /> Iferhounéne (Kabylie 1958-1960)<br /> <br /> Première partie<br /> <br /> 17<br /> Insouciance<br /> Août 1957, la date fatidique approchait, au mois de septembre<br /> je serai convoqué pour effectuer mon service<br /> militaire.<br /> Ainsi une partie de ma vie s’achevait. Ma bicyclette<br /> appuyée contre un arbre de la forêt de Senlis, j’étais allongé<br /> sur un tapis de mousse et regardais le ciel bleu azur à<br /> travers le feuillage d’un chêne centenaire. Mon enfance<br /> me revenait en mémoire, toute ma tendre et heureuse jeunesse<br /> passée dans ce quartier populaire de la Villette où se<br /> côtoyaient Français, Italiens et Algériens sans grande harmonie<br /> mais sans trop de problèmes. Les années de guerre<br /> avaient eu raison des petites économies de mes parents,<br /> consacrées en grande partie à l’achat de denrées payées au<br /> prix fort, qui permirent à ma soeur et moi de nous alimenter<br /> à peu près correctement.<br /> Les instituteurs de l’école primaire de la rue de l’Ourcq<br /> m’amenèrent jusqu’au certificat d’études que j’obtins facilement,<br /> mais sans grand mérite, car j’apprenais facilement<br /> et souvent mes leçons étaient retenues sur le chemin menant<br /> à l’école.<br /> J’avais passé avec succès l’examen d’entrée en sixième<br /> du lycée Colbert, mais mon père, sachant qu’il ne pourrait<br /> faire face à de longues et coûteuses études malgré les<br /> bourses délivrées chichement, décida que j’apprendrais un<br /> métier manuel. J’avais une préférence pour le métier<br /> d’électricien, mais ma brave maman, gardienne d’immeu18<br /> ble, (on disait concierge à l’époque, d’une façon moins<br /> péjorative que maintenant) avait l’estime de "ses" locataires<br /> et au cours d’une conversation avec une demoiselle de<br /> l’immeuble, celle-ci lui fit part des avantages des métiers<br /> des arts graphiques.<br /> C’est ainsi qu’au mois de septembre 1951 la grande<br /> famille des typographes comptait un apprenti de plus.<br /> Merci chère maman de m’avoir fait épouser le plus beau<br /> des métiers, hélas, obsolète aujourd’hui.<br /> C’était le début de ma vie professionnelle, mais je ne<br /> quittais pas pour autant l’enseignement général ; tous les<br /> mercredis pendant quatre ans, je retrouvais les bancs et<br /> ateliers de la prestigieuse École Estienne ; les professeurs<br /> nous enseignaient avec autorité et compétence de solides<br /> cours théoriques et pratiques sur les métiers de l’imprimerie.<br /> Tous les soirs je rentrais chez moi vers 17h30 ; après<br /> une rapide toilette, je rejoignais mes copains au café "La<br /> Mandoline", c’était notre lieu de rencontre habituel ; le<br /> petit groupe que nous formions était sans histoire ; tout le<br /> monde nous connaissait, les quelques voyous du quartier<br /> eux-mêmes nous saluaient, nous avions usé nos fonds de<br /> culottes sur les mêmes bancs d’école ; pour eux, nous faisions<br /> partie du paysage depuis toujours et ils nous<br /> fichaient une paix royale. Nous avions de bons rapports<br /> avec les Italiens et les Maghrébins qui malgré leur nombre<br /> élevé se faisaient discrets.<br /> Après avoir dégusté une ou deux boissons non alcoolisées<br /> (le lait grenadine était très à la mode à cette époque),<br /> nous "montions" nonchalamment jusqu’au métro "Crimée"<br /> pour y retrouver d’autres copains et surtout nos<br /> chères copines… J’étais très amoureux de Denise. Avec le<br /> recul je pense qu’il s’agissait plutôt d’attirance physique ;<br /> ce sentiment qu’inspire une jolie fille de dix-huit ans à un
S
9<br /> Sommaire<br /> Préface ............................................................................................... 11<br /> Chapitre 1<br /> Iferhounéne (Kabylie) 1959 : peloton du lieutenant Pelardi ..............15<br /> Chapitre 2<br /> La mort atroce de mon père ...............................................................27<br /> Chapitre 3<br /> Missions dangereuses pour un fils de fellagha...................................41<br /> Chapitre 4<br /> Mission à très haut risque pour fils de fellagha..................................51<br /> Chapitre 5<br /> Contrôle des morts et des vivants en kabylie .....................................71<br /> Chapitre 6<br /> Un harki dans les secrets de Dieu ......................................................83<br /> Chapitre 7<br /> Les générations anéanties ? :..............................................................93<br /> Chapitre 8<br /> L’histoire : messieurs les députés ......................................................99<br /> Chapitre 9<br /> « La mission civilisatrice de la France coloniale en Algérie »......... 103<br /> <br /> 11<br /> Préface<br /> Un soldat français raconte sa vie. Un fils de « FELLAGHA<br /> » raconte la sienne. Ce qu’elles ont de communs,<br /> ces deux existences : le lieu du déroulement du drame,<br /> Iferhounéne, un village kabyle posté depuis l’ère des<br /> quinqué gentii1 sur un mamelon qui fait face à l’imposante<br /> chaîne du djurdjura.<br /> En y installant leur camp dés 1956, les forces<br /> d’occupation avaient visé un objectif stratégique, inspiré<br /> de la nature même du relief escarpé et de la position dominante<br /> du chef lieu de cette portion du territoire<br /> algérien : Observer les mouvements des villages environnants<br /> : Tifilkout, Ait arbi, Ait Hamou, Ait Mansour,<br /> Barber, Taourirt Ali Ouanacer, Tikilsa. Quant à Haadouche<br /> et les autres, même cachés, ils ne seront qu’à quelques<br /> minutes de marche de là, à portée de canon.<br /> Jadis panorama touristique pittoresque, le Djurdjura allait,<br /> des années durant, offrir une image apocalyptique ou<br /> se mêlent tous les malheurs d’un peuple marqué par son<br /> histoire déjà trop agitée : batailles sanglantes, embuscades,<br /> ratissage …torture, viols, exécutions sommaires.<br /> Le soldat et le fils de fellagha, ont passé ensemble une<br /> partie de leur vie, face à face, chacun de son coté de la<br /> barrière… Du barbelé qui sépare le village du camp militaire.<br /> Sans se connaître, ils ont vécu les mêmes<br /> événements historiques qu’ils ont ressentis chacun à leur<br /> 1 quinqué gentii. Terme romain, utilisé pour designer les 5 premières<br /> tribus berbères installées au flan DJURDJURA, appelé par les romains,<br /> Mons Ferratus ou montagne de fer, en raison de la résistance<br /> farouche opposée à l’occupant.<br /> 12<br /> manière, selon leurs propres convictions. Différemment,<br /> voire parfois même antagonistes, malgré le point commun<br /> qui peut rapprocher les hommes dans certaines circonstances,<br /> dans leur pensée, deux hommes épris de paix et de<br /> justice.<br /> Dans la première partie de cette oeuvre ; Le soldat chasseur<br /> alpin de son état, nous livre les secrets de cette<br /> période de 24 mois de son service militaire, passée à livrer<br /> bataille malgré lui, à un ennemi invisible, au lieu disait-il,<br /> de séjourner en touriste insouciant dans ce qu’en métropole,<br /> les futurs combattants appelaient par fanfaronnade<br /> ironique « les vacances algériennes. »<br /> Je ne dirai rien de sa vie privée, et ne porterai aucun<br /> commentaire sur ses sentiments exprimés, dans ce livre<br /> qui a le mérite de nous dire des choses authentiques, sans<br /> détours, sur le drame vécu par le peuple algérien et les<br /> états d’âme d’un militaire épris de justice.<br /> Si l’histoire est authentique, les noms des acteurs ont<br /> été changés sciemment pour des raisons évidentes de respect<br /> de la discrétion. Mais cela ne leur enlève en rien, la<br /> reconnaissance du mérite ou la condamnation de l’opinion.<br /> Nous laissons le soin sur cet angle, à l’Histoire pour en<br /> juger.<br /> A coté des faits véridiques endeuillant relatés par le<br /> soldat, le narrateur a voulu mettre une place à l’amour, aux<br /> sentiments positifs, à travers cette idylle pour la Femme,<br /> avec un grand F incarnée par YASMINA qui aurait pu<br /> s’appeler Lila ou khelidja, ou encore Jacqueline, et résider<br /> à Ait El Mansour, Taourirt ou encore Iferhounée, Tifilkou<br /> ou Iril El Arbi ou tout simplement Lyon, Marseille, Nantes<br /> dans un contexte de paix.<br /> Cette histoire est le fruit de l’imagination du soldat<br /> français, pour rendre moins pénible, moins cruelle, moins<br /> insupportable la vie, quand la mort est devenue la rançon<br /> quotidienne pour tous, de quelque coté du conflit où l’on<br /> peut se placer.<br /> 13<br /> La deuxième partie de ce livre est consacrée aux récits<br /> des faits de ces événements à la même période, vu d’un<br /> oeil d’enfant innocent, qui n’avait que 4 ans et grandi dans<br /> le fracas des armes jusqu’à l’age de 12 ans, pour finir seul,<br /> privé de tous ses parents happés par la machine de guerre<br /> infernale d’une puissance militaire. Ils sont 8 hommes de<br /> la même famille, tous dans la force de l’age, en bonne<br /> santé, bien éduqués, lettrés, à être tués par l’armée française,<br /> entre 1958 et 1960, tous les armes à la main. Ils<br /> étaient, ce que la propagande coloniale appelait « les Fellaghas<br /> », et, que l’enfant de la guerre, fils de « fellagha »,<br /> lui, a toujours pleurés, en secret, dans ses moments de plus<br /> grande solitude. Pour lui, il ne subsiste aucun doute : ils<br /> sont morts pour leur patrie, en martyrs de la révolution.<br /> Cette oeuvre se veut un témoignage fort sur le sacrifice<br /> du peuple algérien, le drame des hommes, des femmes et<br /> des enfants colonisés, dominés, maltraités, torturés, assassinés.<br /> Il est aussi une lueur d’espoir pour les générations montantes<br /> de pays développés pour refuser, rejeter le fait<br /> colonial et condamner la guerre.<br /> <br /> 15<br /> Chapitre 1<br /> Iferhounéne (Kabylie) 1959 :<br /> peloton du lieutenant Pelardi<br /> Temps brumeux, climat glacial en ce début d’hiver<br /> 1959, à Iferhounéne, un village perché sur un mamelon<br /> face à l’imposante chaîne du Djurdjura, couve un événement<br /> dramatique sous l’occupation de l’armée française…<br /> De gros nuages gris et blancs, comme à l’accoutumée<br /> en cette période de l’année, couvrent le ciel, donnant<br /> l’impression d’un couvercle sur le point de se refermer sur<br /> cette cuvette escarpée des tribus quinqué genti, aujourd’hui,<br /> Ath yetsoura (ITTOURARS).<br /> Cette région visitée dans le passé lointain par des<br /> conquistadors européens, mais jamais conquise complètement<br /> y compris dans les années 1854, 1856 et 1857 par les<br /> armées de Constantine et de Bordj Tizi Ouzou conduites<br /> par le maréchal Randon et les généraux Mac Mahon, Yusuf…<br /> Nous sommes en 1959, La Kabylie est maintenant soumise<br /> totalement à la domination de l’armée coloniale et la<br /> population fait l’objet d’une étude minutieuse, d’une observation<br /> méticuleuse. Sur le terrain, les troupes du<br /> vaillant guerrier Amirouche continuent de harceler les<br /> nombreux camps qui égrènent les mamelons de ce territoire<br /> des amazighs, hommes libres et fiers.<br /> La population civile, même réduite sévèrement dans ses<br /> mouvements, continuait de vaquer à ses occupations sous<br /> l’oeil vigilent des quatre sentinelles postés aux quatre coins<br /> du camp militaire, installé depuis 1956 à l’emplacement<br /> 16<br /> même du lieu réservé aux commerces de cette population<br /> spolies de se propres magasins.<br /> De ces reliefs sauvages, escarpés et boisés, il ne reste<br /> plus que les pâtés de maisons formant maintenant de véritables<br /> cités dortoirs des kabyles, une fourmilière sans<br /> provisions stockées, entourée d’un barbelé qui l’intègre<br /> ainsi à l’environnement du camp.<br /> Mon oncle Arezki, en rejoignant ce pâté de mechtas à<br /> pieds, sur le point d’atteindre le village, sur son chemin,<br /> en dépassant la fontaine fraîche « thala bouda » tout près<br /> du camion calciné, par je ne sais quelle lubie, fonçant droit<br /> subitement sur le premier rencontré sur son chemin, qui se<br /> trouvait être par hasard un enfant de mon âge, que je<br /> connaissais très parfaitement, lui flanqua sur son menu et<br /> osseux postérieur, son 42 fillette, avec cette rare violence<br /> qui ne pouvait qu’expédier à vol plané sur une dizaine de<br /> mètres, à contrebas de La route carrossable, ce petit enfant<br /> de la taille d’un ballon de rugby. Le coup a été évidemment<br /> bien ressenti, mais heureusement sans conséquence<br /> dramatique pour cet enfant de 9 ans qui, 50 ans après<br /> l’incident s’en souviendra comme si cela datait d’hier.<br /> L’ampleur de la rancune qu’a gardé mon petit ami Saadi<br /> Ait El Hadj envers mon oncle Arezki, sera ouvertement<br /> dévoilé devant le cadavre allongé saignant, face contre la<br /> terre, un trou dans la tête, et qui n’a pas trouvé mieux que<br /> ces termes infantiles, innocents, inconscients à la fois pour<br /> lui signifier sa vengeance verbale : « chah ! Chah ! C’est<br /> bien fait pour toi ! Je suis très content que ça se termine<br /> pour toi ainsi. tu m’as donné un coup de pieds, peut être<br /> avais-tu raison de frapper mais tu t’es trompé de victime.<br /> je suis certain que tu n’as pas agi gratuitement mais ton<br /> agresseur ce n’est pas moi, te connaissant tu as dû être<br /> victime d’une confusion., un voyou sans doute t’a mis dans<br /> cet état… »<br /> Saadi avait tout compris. Arezki a du subir une provocation<br /> d’un enfant voyou, ou bien, est-ce que ce qui allait<br /> 17<br /> suivre le concernant pourrait tout expliquer. Peut être inconsciemment<br /> avait il voulu calmer ses nerfs sur un enfant<br /> sans défense, se sachant d’avance perdu pour de bon.<br /> Le lieutenant Pelardi est un homme de corpulence et de<br /> haute taille. Derrière un visage jovial et un regard affable<br /> se cache une brute impulsive aux réactions végétatives<br /> avec des accès de sadismes débridés lui faisant ainsi perdre<br /> toute inhibition de ses instincts charnels. Agissant sur<br /> instruction de ses supérieurs restés dans l’ombre pour<br /> épargner leur postérité, le commandant Favier, son adjoint<br /> Wolf qui l’ont désigné, en raison de sa personnalité et sa<br /> solide conviction de l’Algérie française, ou tout simplement<br /> pour sa propension démesurée à convoiter les<br /> gallons, ne laissant sur son passage que des cadavres encore<br /> chauds de terroristes ou des corps blasphémés de<br /> jeunes filles indigènes sans virginité, seul moyen lui permettant<br /> dans ce contexte de s’assurer une retraite dorée,<br /> pour diriger l’impitoyable section qui aura pour charge de<br /> mater la population d’iferhounene.<br /> Cette section qui compte en son sein des harkis notoirement<br /> connus pour leur violence, a fait beaucoup parler<br /> d’elle, dans le mauvais sens bien sur. Les femmes, les<br /> vieilles, les hommes et les enfants connaissaient Pelardi et<br /> ses hommes de mains. Moi même j’ai eu à maintes reprises<br /> à entendre parler des exploits de ce sinistre individu.<br /> Tenez par exemple lors de notre expulsion du village début<br /> de l’année 1959, le capitaine Favier avait menacé de<br /> mettre à nos trousses sa soldatesque de triste réputation<br /> pour s’adonner sur notre famille, aux exactions et humiliations<br /> dont il en maîtrisait parfaitement l’art et la manière.<br /> Le message était bien perçu puisque il ne nous avait fallu<br /> pas plus de 10 minutes pour quitter nos maisons, au lieu<br /> du quart d’heure qui nous avait été accordé. Nous avions<br /> quitté le village les mains nues, pour ne pas tomber dans<br /> les mains de ces charognards de harkis. La panique a frappé<br /> sélectivement la famille car c’est dans le camp que se<br /> 18<br /> décidaient toutes les actions, en présence bien entendu<br /> d’un effectif nombreux de harkis et de goumiers. Ces derniers<br /> étaient plutôt connus pour leurs violences gratuites<br /> sur des femmes soupçonnées de servir les fellaghas.<br /> Enfants insouciants et innocents, la colère et la trouille<br /> sont devenues notre pain quotidien. En sortant de chez<br /> nous à quelque mètres du barbelé qui cerne le village,<br /> l’impression de liberté que nous avions ressentie est vite<br /> effacée par ces phrases assassines prononcées par des soldats<br /> français de souche européenne, reconnaissables à leur<br /> accent « a yefehounene, aya ats tcham izzan » traduit en<br /> kabyle cela voulait dire « habitants d’iferhounene venez<br /> manger de la merde ! Rien que cela, les leçons que les<br /> harkis ont apprises à ces jeunes français pour nous narguer<br /> comme si la précarité de la vie n’était pas suffisamment<br /> dure à supporter. cette phrase m’avait tué de rage, de sucroit<br /> quand ma mère et mes frères et soeurs comprenaient<br /> bien ce que cela voulait dire d’une part, et, que d’autre<br /> part, elle renseignait, en la circonstance sur le cynisme<br /> sadique du chef de cette horde de mal élevés, de voyous en<br /> uniformes.<br /> La section de Pelardi, peut être au nombre de 8 ou 12<br /> éléments, était là alignée pour s’assurer que les ordres<br /> donnés par WOLF et consorts étaient appliquées à la lettre.<br /> En d’autre termes que ces femmes, ces vieillards et ces<br /> enfants en très bas âge ont obéi aux injonctions de quitter<br /> sans délai, le village.<br /> Apres nous avoir expulsé du village, pour le motif que<br /> nous étions une famille de fellagha, les gradés du camp<br /> d’iferhounene allaient, du moins le pensaient ils, poursuivre<br /> leur entreprise de pacification du village, encouragés<br /> pour cela par certains écervelés de harkis, du genre Mohand<br /> Tizi (ou Mohand Ait El Mouhoub du village de Tizi<br /> guefres) qui continuait même après son arrestation à
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" Il est aussi facile de rêver un livre qu'il est difficile de le faire. "<br /> Honoré de Balzac<br /> <br /> <br /> <br /> " Les troupes du Colonel Amirouche, les chasseurs alpins et les Harkis "<br /> <br /> <br /> <br /> Résumé : 1958. Iferhounène, un village kabyle suspendu dans les airs, face à l’imposant pic d’Azrou n’Thor. Un village, mais aussi un camp militaire français. Les chasseurs alpins d’un côté, les fellaghas de l’autre. Abdenour a alors huit ans. Avec ses yeux d’enfant, il assiste aux exactions dites pacificatrices de l’occupant. Au choix des rebelles. A celui des Harkis. A l’être humain en action…<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Critique : Après « Fils de fellagha » et « La Guerre vécue par un chasseur alpin », Abdenour Si Hadj Mohand poursuit son travail de mémoire en dénonçant une fois encore le cauchemar colonialiste. Toujours aussi vibrant de colère et d’émotion, il apporte une pierre de plus à l’honneur d’un peuple algérien déchiré. Et s’il condamne, il cherche aussi à comprendre. A l’heure où certains veulent vanter les effets bénéfiques du colonialisme, il semble plus que nécessaire de se plonger dans cette leçon d’Histoire.
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