Auteurs algériens: guide bibliographique
Soumya Ammar Khodja : "Rien ne manque" Le Reflet, 2003
Parfois, parler de littérature journalistique peut n'être pas une critique. La réalité que vivent les Algériens peut les amener à vouloir témoigner à chaud. La nouvelle est alors le médium idéal. Témoigner. La litanie des manques, des terreurs, des privations, des humiliations est ce qui rappellera le plus le reportage. Ensuite, plus secrètement, l'écriture fait remonter la part incompressible de noblesse, qui, toutes les littératures issues de l'oppression le confirment, continue d'accompagner l'être humain soumis à des conditions de vie dégradantes. C'est ce que dit l'expression "rien ne me manque" que les Algériennes prononcent dans un sursaut d'humour et de dignité lorsqu'elles se sentent toucher le fond.
Ici, ce sont les femmes, humiliées par les humiliés, qui tiennent haut le flambeau. Leur parole n'est pas entachée par les compromissions que les hommes ont dû concéder aux Molochs successifs. Leur incorruptibilité s'enracine dans une culture plusieurs fois millénaire, qu'elles semblent maintenir intacte pour qu'elle puisse resservir demain. L'histoire le martèle : reconstruire une société est une affaire de femmes.
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Kébir Ammi : "La fille du vent" L'Aube, 2002
Voici l'histoire de Hania, la petite prostituée morte sous les coups de ses proxénètes. Mais ce n'est pas possible que la vie soit aussi horrible, aussi terrible : aussi Hania, avant d'être précipitée dans les feux de l'enfer, sera sauvée par un ange qui l'emmène à tire d'aile dans un lieu sûr... d'où elle voit le monde et raconte son histoire.
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Salim Bachi :
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"Le chien d'Ulysse" Gallimard, 2001
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"La Kahena" Gallimard, 2003
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Argos, vieux chien fidèle, est dans l'Odyssée le seul qui reconnaisse son maître, Ulysse, à son retour de Troie. De même le chien du narrateur lorsque celui-ci rentre chez lui, petit matin, après une hallucinante virée, : saisis de paranoïa, les siens lui tirent dessus, le prenant pour un membre du GIA : exit le chien.
Salim Bachi se place dans l'héritage bien digéré de Kateb Yacine. Comme son grand aîné, il embrasse une totalité sociale et culturelle qui plonge ses racines dans la longue histoire, particulièrement celle de Cyrtha, la ville numide dont il fait un emblème. Pour ce qui concerne l'histoire récente, le roman réussit tout aussi bien à créer un continuité en dénouant l'intrication de trois générations dans l'usage de la haine : les pères fondateurs, ex-moudjahidine reconvertis dans la lucrative lutte anti-terroriste, leurs fils aux ailes brisées et petits-fils chômeurs hashischi.
Mais il y a aussi beaucoup d'amour dans ce livre écrit dans une langue lumineuse, sensuelle, sinueuse, saturée d'images torrentueuses et authentiquement poétique. Le trait d'humour macabre resserre encore le filet jeté sur le lecteur. Il faut lire cet auteur et ne pas oublier son dernier ouvrage La Kahena paru chez Gallimard.
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Rabah Belamri :
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"Regard blessé" Gallimard, 1987
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"L'olivier boit son ombre" Edisud, 1989
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"L'asile de pierre" Gallimard, 1989
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"Femmes sans visage" Gallimard, 1992
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"Mémoire en archipel" Gallimard, 1994
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A la veille de l'indépendance, dans un village meurtri par la guerre, Hassan, quinze ans, commence à perdre la vue à la suite d'un décollement de rétine. Devant l'impuissance de la médecine moderne à guérir l'enfant, la mère recourt à la magie noire et aux médecines traditionnelles : marabouts, sorciers et charlatans multiplient les traitements cocasses et dangereux. L'adolescent vit une double tragédie : les progrès implacables de son mal et les échos qui lui arrivent du drame que subit alors son pays. Pourtant, il est des choses vitales et imprescriptibles qui sont toujours à vif en lui : le désir que lui inspirent les jeunes filles qu'il sent vivre autour de lui, la beauté de la nature kabyle, bref, un bruissement sensuel du monde qui, loin de se refermer sur la blessure, s'ouvre au contraire par la grâce de la poésie, de la magie, du rêve.
Ce thème du regard - Belamri était devenu aveugle à l'adolescence -, se retrouvera dans les autres romans, tous marqués au sceau de l'autobiographie, ainsi que dans la poésie. La langue, très belle est le plan où peuvent coexister une réalité proprement abîmer et un imaginaire tourné vers une lumière poétique plus secrète. Ce très grand écrivain est mort dans son exil français en 1995.
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Slimane Benaïssa :
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"Les fils de l'amertume" Plon, 1999
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"Le silence de la falaise" Plon, 2001
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"La dernière nuit d'un damné" Plon, 2003
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En exil en France, cet écrivain et dramaturge (ses pièces sont publiées aux éditions Lansman, spécialiste belge du théâtre contemporain, voire leur site) a décliné sous la forme romanesque l'ambiance et les niveaux de langue de son théâtre. L'humour, la dérision sont ici aussi la seule réponse à l'aveuglement.
Les fils de l'amertume retrace le parcours presque parallèle de deux cousins germains qui se retrouveront finalement de part et d'autre d'un pistolet : l'un, intégriste, appuie, l'autre, journaliste, tombe. Le thème de l'aveuglement terroriste se retrouvera dans les autres romans, dans le dernier notamment, qui est un voyage dans l'enfer intérieur de trois islamistes s'apprêtant à faire exploser un avion. L'un d'entre eux renoncera au dernier moment : c'est le possible chemin vers la rédemption qui laisse espérer une issue...
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Djillali Bencheikh :
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"Mon frère ennemi" Séguier, 1999
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"Voyage au bord de l'enfance" Paris-Méditerranée, 2000
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Deux romans d'initiation d'un jeune algérien, au tout début des années 50. Les troubles d'une sexualité naissante, les rapports conflictuels avec la famille et les rumeurs de la guerre qui commencent à se faire entendre sont les thèmes d'une littérature de la nostalgie, fortement autobiographique. L'auteur vit en exil en France.
- Anouar Benmalek :
- "L'amour loup" Pauvert, 2002
- "Les amants désunis" Calmann-Lévy, 1998
- "L'enfant du peuple ancien" Pauvert, 2000
- "Ce jour viendra" Pauvert" Pauvert, 2003
C'est un des écrivains importants de la
génération née pendant la guerre. Pas étonnant que l'histoire soit le moteur
et la toile de fond de ses romans. Une manière qu'a la littérature, selon son
expression, de prendre la réalité à bras-le-corps. L'amour loup : un
an avant les manifestations d'octobre 1988, un algérien s'éprend d'une
palestinienne. Sa quête le mènera de Moscou à Beyrouth, en passant par l'Asie
centrale et retour. Chaque étape de ce livre dépeint une fracture : les
premières révoltes contre le pouvoir en Algérie, la désespérance sans fin
des Palestiniens piégés dans les camps de réfugiés au Liban, la répression
en Syrie... Le roman décrit un monde qui se termine et un autre qui commence,
le passage d'un enfermement à un autre. Ce livre traite de la
"malédiction" d'être arabe à la fin de ce XXè siècle.
L'enfant du peuple ancien creuse l'histoire
algérienne du XIXè. Les premières révoltes anti-coloniales conduisent des
hommes en déportation en Nouvelle Calédonie. Là, ils seront embauchés comme
auxiliaires pour chasser le canaque. Vérité chez soi... Autre exemple, Les
amants désunis, une histoire d'amour qui se noue pendant la guerre de
Libération et se détériore au même rythme que la société
post-indépendance.
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Latifa Ben Mansour :
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"Le chant du lys" La Différence, 1995
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"La prière de la peur" La Différence, 1997
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"L'année de l'éclipse" Calman-Lévy, 2001
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Après l'histoire de Mériem, d'une enfance à Tlemcen sur fond de guerre d'indépendance, dans Le Chant du lys et du basilic, voici dans La prière de la peur, celle Hanan, jeune algérienne vivant à Paris, qui décide de regagner définitivement l'Algérie. Un attentat à l'aéroport d'Alger lui emportera les deux jambes. Elle se réfugie chez ses ancêtres, à Aïn et Hout, accompagnée de l'aïeule, Lalla Kenza qui lui transmettra un trésor : la culture ancestrale des Berbères sous la forme de contes et de poésies que Hanan couche sur le papier, avec acharnement, jusqu'au bout, tandis que s'approche son terme... Le dernier roman revient sur la question des femmes comme dépositaires de l'espoir et du renouveau : Hayba s'est réfugiée à Paris après avoir perdu un mari et une fille dans un attentat. C'est l'enfant qu'elle porte qui sera le socle sur lequel elle tentera de se reconstruire.
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Maïssa Bey :
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"Cette fille là" L'Aube, 2001
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"Entendez-vous dans les montagnes ?" L'Aube, 2002
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"Au commencement était la mer" L'Aube, 2003
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"J'ai tout simplement envie de dire ma rage d'être au monde, ce dégoût de moi-même qui me saisit à l'idée de ne pas savoir d'où je viens et qui je suis vraiment. De lever le voile sur la société dans laquelle le hasard m'a jetée, sur des tabous, des principes si arriérés, si rigides parfois qu'ils n'engendrent que mensonges, fourberie, violence et malheur."
Ce thème des origines est traité de manière opiniâtre, dès ses premières nouvelles et tout au long de ses romans. Dans le contexte de l'Algérie en guerre civile, cela prend un relief encore plus terrible : orphelines de la guerre d'indépendance, esclaves, femmes violées cherchant à avorter, la liste est longue des turpitudes qu'elles subissent.
Entendez-vous dans les montagnes ? imagine la rencontre dans un train de la fille d'un combattant du FLN mort sous la torture et d'un homme qui y participa. Maïssa Bey, dont le père, un instituteur, est mort dans un centre de torture, est mal à l'aise avec la filiation : ce héros est un absent, tandis que le système qui le célèbre tue, pille, asservit. L'écriture devient alors arme et catharsis.
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Fayçal Chehat :
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"Hommes perdus au pays du cul du diable" Paris-Méditerranée, 2000
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"Celle qui n'aimait pas les hommes" Paris-Méditerranée, 2003
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Dans un train, deux jeunes gens sont saisis par un coup de foudre, mais n'osent ni ne peuvent se toucher : "voici qui résume l'irrémédiable séparation des femmes et des hommes dans toutes les sociétés arabes et musulmanes. Je pense que celui qui n'a pas vécu ne pourra jamais se représenter cette sorte d'apartheid qui existe entre les deux parties de l'humanité dans nos sociétés. Je crois que tous les maux en résultent." dit Chehat en parlant de son roman "Hommes perdus..." où, au soir de sa vie, le narrateur, Ali, cloué dans un fauteuil roulant, retrace le destin de ses trois amis : Hamid, Kader et Malik. Au menu : désillusions, trahisons, mensonges et toujours tant de frustrations dans le champ amoureux.
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Abdelkader Alloula (1939-1994):
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"Les généreux" Actes Sud, 1995
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"Les sangsues" Actes Sud, 2002
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"Le pain" Actes Sud, 2002
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"La folie de Salim" Actes Sud, 2002
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"Les thermes du bon dieu" Actes Sud, 2002
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Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fait des débuts en 1969 avec Les sangsues, une fresque humoristique sur l'univers bureaucratique, et Le pain, où défilait déjà sur scène le petit peuple d'Oran, héros ordinaires ballottés entre inquiétude et espoir, Alloula sera dans le même temps l'interprète à succès de La folie de Salim en 1972, sa propre adaptation du Journal d'un fou, de Nicolas de Gogol. Poursuivant ses réflexions sur le théâtre populaire, il interroge la forme traditionnelle de la halqa (la ronde des spectateurs autour d'un conteur, sur les places de marché au Maghreb) qui préfère selon lui "le récit, le dire, à la figuration de l'action."
Drôle et truculent, l'arabe populaire d'Alloula a la vitalité de la langue parlée et la rigueur de la langue écrite, comme en témoigne la trilogie, tout à la fois épique et, réaliste, des Généreux, composée de Les dires, Les généreux et Le voile.
Les balles qui l'ont couché le 10 mars 1994, n'ont pas su le couper de ces petites gens d'Oran qui avaient trouvé en lui une voix, comme le témoignera son enterrement, où ils étaient des milliers.
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Tahar Djahout (1954-1993) :
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"Les chercheurs d'os" Seuil, 1984
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"L'invention du désert" Seuil, 1987
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"Les vigiles" Seuil, 1991
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"Le dernier été de la raison" Seuil, 1994
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L'évolution stylistique du romancier (qui se considérait davantage comme un poète qui écrit aussi des romans) porte la trace du tournant pris par l'Algérie au lendemain de l'indépendance. Dans Les chercheurs d'or, la phrase est plus ample, la description des montagnes de Kabylie où l'on cherche des dépouilles des héros de la guerre est lyrique. Si une fêlure sonne déjà, c'est dans les romans suivants, urbains, qu'elle se fait jour, tandis que l'écriture devient hachée, haletante. Les vigiles met en scène un personnage qui a inventé un génial métier à tisser et qui tente de le proposer au service des brevets. Mais quelqu'un qui invente dans un monde de trabendistes corrompus, est forcément dangereux : les vigiles auront le dernier mot, comme l'a eu leur bras armé le 26 mai 1993. Dernier mot ? pas certain...
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Youcef Sebti (1943-1993): "L'enfer et la folie" Bouchêne, 2003
Du poète assassiné le 22 décembre 1993, Jean Sénac disait : "Ce brasier fraternel, s'arc-boute à la dénonciation, la colère, la profanation des tabous, une ironie grinçante. Révolte en forme de bistouri qui, d'abcès en abcès, s'achemine vers un hypothétique santé." A lire, aujourd'hui, ce recueil de poèmes écrits entre septembre 1962, au lendemain de la guerre de libération et octobre 1966, seize mois après le coup d'état de Boumediene, le chemin de cette santé hypothétique paraît introuvable.
"Sa poésie est sans concession ni lyrisme, la haine, née du colonialisme, de la guerre, de la bureaucratie, des interdits, de l'injustice, celle faites aux femmes et aux miséreux, devient ici sauvagement nourricière. Lus après les années meurtrières qui ont ensanglanté l'Algérie, les mots libèrent de terribles et prémonitoires images, exhalent des visions hallucinées, mais restent toujours dans la quête du sens." (M. Harzoune, Peuples et migrations)
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Aziz Chouaki :
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"L'étoile d'Alger" Balland, 2002
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"Les oranges" Mille et une nuits, 1998
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Les oranges, souvent repris au théâtre, fait défiler 170 ans d'histoire algérienne par la conscience d'un personnage, sorte de marabout, que viennent habiter des dizaines d'autres. L'étoile d'Alger, c'est Moussa, musicien funambule, rêvant de succès international. Avec talent et énergie pour tout bagage, il promène son fol espoir entre les boites douteuses et les producteurs véreux en se vivant en héritier du rock et chantre de sa Kabylie dressée contre l'arabo-islamiste au nom de son passé. Mais dans un entourage où peu à peu s'imposent les valeurs de l'islamisme radical, il est progressivement marginalisé. Ses amis musiciens émigrent un à un, Canada, Paris... Rattrapé par la misère quotidienne, largué par sa fiancée, il se laisse aller, came, alcool. Peu à peu la santé mentale vacille et un jour, l'altercation avec un barbu moraliste se termine avec la mort du susdit. La prison, on y réfléchit, on se sent moins seul avec le Coran : le saut dans la gueule de Dieu, l'adhésion à ce qui le révulsait le plus, lui, le Kabyle.
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Vincent Colonna : "Yamaha d'Alger" Tristram, 1999
Inspiré d'un personnage réel, le truculent Hocine Dihimi, dit Yamaha, assassiné en 1995, ce roman suit le périple de Maurice, un obscur journaliste français débarqué un jour à Alger pour un reportage. Il va croiser la figure du jeune Yamaha, une star locale, animateur du fan club de l'équipe de foot du quartier Belcourt, histrion génial, inachetable, capable de faire gagner son équipe et chantre d'une Alger des pauvres.
Maurice tente de reconstruire la vie et l'oeuvr de Yamaha. C'est à la fois une aventure initiatique où la carotte est un belle beurette du nom de Souad, et une prise de conscience de la réalité d'Alger qui, derrière les stéréotypes colportés par la presse, montre un double visage : sourire et révolte.
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Mohammed Souheil Dib :"La quête et l'offrande" Marsa, 2003
Chargée par son père de lui rapporter des feuilles de l'arbre qui guérit la nostalgie, Mathilde recherche ce qui reste du domaine familial de Kistara, abandonné par les siens lors du terrible départ de 1962. Elle se retrouve dans un univers bouleversé par les soubresauts de l'histoire et que la logique est incapable de déchiffrer. Nous n'en saurons pas plus de cette quête ; peut-être est-elle justement le motif principal de l'écriture de ce roman dont le sujet est l'instance même de l'écriture qui se retourne sur elle-même pour créer son propre univers et devenir... l'offrande ?
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Mourad Djebel : "Les sens interdits" La Différence, 2001
"La complexité arborescente est avant tout la mise en mots d'un désir littéraire obsédant [...] où le baroque déploie toutes les possibilités de la mémoire. La structure romanesque épouse le labyrinthe où s'enferme Maroued, qui veut comprendre le sens (interdit) de la disparition de Yasmina, dont il fut l'amant. Comme Proust, Mourad Djebel se voue à la remontée obsessionnelle du temps. Récit en abîmes, son roman possède son fil conducteur. L'Algérie est ici réalité historique, fable, énigme, métaphore du suicide planétaire et, peut-être, acharnement d'une fatalité humaine où la mort serait plus forte que la vie. L'image essentielle est un pont de Constantine. Avec ses amis Larbi et Nabile, Maroued déplie les couches successives d'un mystère qui dépend outrageusement de l'histoire particulière de l'Algérie mais, comme chez Kafka, bute sur l'inaccessible secret de notre solitude. Plus qu'un témoignage historique, Les sens interdits (le titre doit être saisi à travers les multiples implications) entremêle tous les registres de l'écriture : récit, enquête, méditation, poème, mélopée, lancinante interrogation..." (Hugo Marsan, Le Monde)
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Abdelkader Djemaï
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"Sable rouge" Michalon, 1996
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"Mémoires de nègre" Michalon, 1999
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"Dites-leur de me laisser passer" Michalon, 1998
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"31 rue de l'Aigle" Michalon, 2000
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"Un été de cendres" Michalon, 2001
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"Camping" Seuil, 2002
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"Gare du Nord" Seuil, 2003
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Ce journaliste exilé en France a choisi de dire la vie quotidienne en Algérie par le biais du conte, en unités narratives closes où la réalité s'est condensée puis enfermée dans une forme inquiétante de fantastique. Un été de cendres par exemple : Sid Ahmed est fonctionnaire à la direction générale des Statistiques. Tombé en disgrâce pour avoir contesté un chiffre officiel, il survit dans un cagibi qui lui sert de domicile depuis que sa femme est morte. Pour se préserver de la folie ambiante, il est maniaque... à la folie. Dans son abri, il survit en observant l'univers urbain se gangrener lentement, une autre folie prévaut...
Dans Sable rouge on trouvait ce thème du camp retranché où, face à l'invivable présent, on fait remonter un passé aux couleurs de l'enfance (Camping et son univers à la Tati). Mémoires de nègre revient au conte à l'orientale. Golo (Tiens...) est un richissime vieillard obsédé par la question de la postérité. Pour la résoudre, deux décisions : épouser une jeune beauté, Nadia, et demander un plumitif débutant d'écrire l'épopée de son clan, où lui, Golo, apparaîtra en majesté, guerrier, saint et mâle dominant comme disent les anthropologues. Mais très vite, le scribouillard ne pense plus qu'à la jeune épouse, au corps de la jeune épouse, un virus qui déclenche une fièvre durable.
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Nabile Farès :
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"Yahia pas de chance" Seuil, 1971
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"Un passager de l'Occident" Seuil, 1971
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"Le chant des oliviers" Seuil, 1972
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"Mémoire de l'absent" Seuil, 1974
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"L'exil et le désarroi" La Découverte, 1976
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"La mort de Salah Baye" L'Harmattan, 1980
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L'œuvre romanesque s'articule autour des thèmes du déplacement, de la migration, des exils et des ruptures. Par les femmes il gardera la proximité de la parole, de la langue berbère, du chant, des contes et des mythes millénaires, bref, de la culture de l'oralité. Enfant de la guerre, il adhère au FLN à 20 ans en 1960, poursuit ses études de philosophie, d'anthropologie et enseigne en université.
Son travail d'écriture repousse les techniques narratives, les procédés de la confession (c'est le sujet même du premier roman, Yahia pas de chance : la guerre est inracontable cas la langue de "l'Organisation" ne connaît pas la vibration de la nature, des mythes), ou quelque forme de réalisme que ce soit, qui, selon lui, sont trop proches de la littérature officielle. Son écriture participe ainsi d'un travail "d'élaboration secondaire" par laquelle émerge sa propre parole.
Ainsi se cuisine une esthétique propre, subjective, une écriture de bris, d'éclats, de télescopages, d'anamnèses, de dissémination du récit, de circulation entre langues (l'écrit français et l'oralité arabe, berbère ou même espagnole) qui ont plus à voir avec des façons de poète. L'humour, le recours fréquent au calembour ne sont pas un jeu gratuit mais renvoient au colonisateur sa violence en minant la sacralité de sa langue. De même s'emploie-t-il à travers les mythes, comme ceux de l'ogresse ou de la Kahena, à travers les éléments naturels, comme la terre, le fleuve, l'obscurité, la lumière, à rendre compte de la circulation des symboles et de leur recyclage dans de nouveaux contextes politiques.
L'œuvre de cet écrivain majeur dans l'espace maghrébin est malheureusement occultée au prétexte "d'hermétisme", alors qu'il faudrait l'accueillir comme on l'a fait des grands auteurs sud-américains avec qui il partage cette séduisante instabilité que donne la marche sur les lignes de fracture culturelles. (Cet article sur un auteur peu présent en librairie emprunte à Nourredine Saadi)
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Mélina Gazsi : "L'armoire aux secrets" L'Aube, 1999
Farida - Mélina Gazsi, nous sommes dans une pure autobiographie - est née à Paris en 1955, au début de la Guerre d'Algérie, d'une mère bretonne marchande des quatre-saisons et d'un homme parti sans laisser d'adresse. La jeune femme se lancera par petites touches, à la recherche de ce père disparu mystérieusement et dont la mère ne parle jamais. Sa quête le conduira à Alger où elle finira par le découvrir en 1992, chargé de lourds secrets. Émouvantes retrouvailles, très vite gâchées par de nouveaux silences. Ce rendez-vous impossible avec son enfance lui fera découvrir l'Algérie d'aujourd'hui, celle qui est à nouveau en proie à la guerre.
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Salima Ghezali : "Les amants de Shahrazade" L'Aube, 1999
Fin des années 1990, une maison dans un douar où vivent shahrazade, veuve, ses deux fils, la belle-fille enceinte. Allers-retours entre présent et passé, deux époques que tout oppose Shahrazade qui vécut l'indépendance comme un fol espoir et subit le présent comme un tourment. Cette femme est la conscience de l'Algérie : elle a subi les militaires français, les perquisitions de l'armée algérienne sous la dictature, à présent celle des unités anti-terroristes. Mais Algérie elle l'est d'autant plus que, de ses deux fils, l'un islamiste radical, l'autre un laïc épris de justice. Dans une ambiance cauchemardesque - incendies, massacres, nuits de veille à attendre parfois un raid des terroristes, parfois une perquisition de l'armée, deux maux dont on ne sait quel est le pire -, Shahrazade tentera de ne pas perdre la tête et de protéger celle qui porte l'espoir, sa bru, enceinte de deux jumeaux.
Salima Ghezali montre combien l'horreur s'origine dans une sexualité masculine mal vécue, c'est à dire hors l'amour. On en ressort éclairé et conscient que le salut ne viendra d'aucun camp, la machine qu'ensemble ils constituent est en mécanique ce que l'on appelle un couple : ça entraîne un tas de pièces tant qu'on lui fournit du carburant.
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Ghania Hammadou :
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"Le Premier Jour d'éternité" Marsa, 2001
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"Paris, plus loin que la France" Paris-Méditerranée, 2001
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Dans cette intrigue, évolue une ronde de personnages dont l'âme est marquée par la guerre de libération nationale. Au centre de ce petit monde se trouve Zahra, la mère, mais aussi figure emblématique, symbole d'une permanence et d'une certitud qui la désigne comme l'incarnation du pays. Devenue veuve, elle choisira, avec sa fille qui s'acharne à entretenir vivant le souvenir du père absent, l'émigrant en France.
Le voile de la fiction romanesque s'effiloche souvent au cours de la narration pour laisser entrevoir une réalité que les femmes perçoivent plus intensément : les femmes du monde arabe qui écrivent sont dans un corps à corps avec la mémoire, avec ce qu'elle sont, ce que la société voudrait qu'elles soient et qu'elles rêvent de devenir.
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Abdelmajid Karouah :
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"Le nœud de Garonne" Autre temps, 1999
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"L'ombre du livre" Noir et Blanc, 1999
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"Par quelle main retenir le vent" Noir et Blanc, 2000
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La violence a poussé hors d'Algérie le poète, avec toutes ses meurtrissures. C'est le temps de la séparation et de l'exil, il est journaliste en région toulousaine. Le nœud de la Garonne est une sorte de journal poétique, à la fois pérégrination solitaire en terres nouvelles et voyage douloureux dans la mémoire. C'est aussi le flot de la parole algérienne sur les berges d'un fleuve attentif. De la Casbah au pays Cathare, les hommes ont en partage la souffrance et l'espérance.
Son recueil Par quelle main retenir le vent, préfacé par Tahar Djaout en 1986n évoque ce qu'aurait pu être l'Algérie si les poètes avaient eu la parole.
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Dalila Kerchouche : "Mon père, ce harki" Seuil, 2003
Elle a découvert à l'adolescence que son père avait été harki, donc, à ses yeux, un traître. Interrogé, le père se murait dans le silence. Alors elle part à la recherche du passé, et ce roman est le récit de cette quête. Tout d'abord, le parcours en France, camps après camp, lui permet de mesurer l'étendue de l'humiliation faite, puis traversant la Méditerranée, elle va tenter de découvrir les origines du drame. Voyage risqué dans le douar parental où un maquis islamiste sévit sans être inquiété. L'appréhension de la dramatique histoire familiale se fait en même temps que celle de l'Algérie contemporaine.
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Ameziane Kezzar : "La fuite en avant" Paris-Méditerranée, 2002
Fraîchement débarqué de sa Kabylie où il enseignait les sciences physiques à l'université d'Azazga, et où ses idées berbéristes et son comportement résolument "moderne" lui valurent d'être mis à pied, Akli erre sans papiers dans un Paris indifférent ou, côté police, franchement hostile. La découverte de la réalité française est une douche froide qui déclenchera un repli sur les moments heureux de son passé. Devant l'échec prévisible de la migration, il est conduit à s'interroger sur les raisons qui l'on poussé à quitter femme et enfants. Jusqu'à la veille du départ , il a mis en balance ce qu'il quittait et ce qu'il espérait trouver. C'est une jeunesse algérienne (amours, révoltes, espoirs nés du printemps berbère...) qui défile sous les yeux du lecteur, une jeunesse, semble nous dire l'auteur, qu'il est de la responsabilité du pays d'accueil de ne pas gâcher davantage...
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Aïssa Khelladi :
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"Peurs et mensonges" Seuil, 1997
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"Rose d'abîme" Seuil, 1998
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"Spoliation" Marsa, 2001
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"Le Paradis des fausses espérances" Marsa, 2001
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Les romans de Khelladi sont des tentatives pour exorciser le cauchemar en le mettant en scène. Dans Peurs et mensonges, un journaliste rédige une confession-réquisitoire à la demande d'un juge, dépassé par l'absurdité de son rôle. Comment départager assassins et victimes dans cette mêlée confuse, , ce suicide collectif d'une nation qui semble replonger dans la nuit des temps ? A voix basse, l'auteur décrit une descente aux enfers où ne survivent ni chagrin, ni pitié.
Rose d'abîme se place du point de vue d'une femme, Warda, mariée malgré elle à un fanatique de Dieu qui entraînera, comme dans une fatalité, toute sa famille dans un monde d'horreur. Ici aussi, le réquisitoire dissèque les instincts brutaux, le fanatisme des hommes, l'enfermement des femmes.
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Waciny Larêej :
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"Le miroir des aveugles" Gollias, 1998
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"Fleur d'amandier" SIndbad, 2001
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"La gardienne des ombres" Actes Sud, 2002
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"L'impasse des invalides" Aden, 2002
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"Les balcons de la mer du nord" Actes Sud, 2003
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Ayant perdu dans des circonstances atroces la femme qu'il aimait Salah craint de voir se réaliser la sinistre malédiction frappant les Beni Hilal : leur lignée est menacée d'extinction à moins qu'un être "au cœur brûlant d'amour" ne parviennent à engendrer une descendance. A ce malheur s'ajoutent les difficultés quotidiennes, celles des humbles qui, dans une région abandonnée de Dieu et du gouvernement, sont obligés de se livrer à la contrebande. Fleurs d'amandiers mêle la geste hilalienne à la réalité contemporaine pour mettre le doigt sur déréliction des descendants des conquérants arabes.
Yacine, le sculpteur des Balcons de la mer du nord, s'est reclus dans l'attente d'une probable fatwa lancée à son encontre. Une invitation à Amsterdam est l'occasion d'entamer une remontée vers le jour, au long d'un parcours initiatique qui refermera une boucle.
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Leïla Marouane :
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"Ravisseur" Julliard, 1999
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"La fille de la Casbah" Julliard, 1999
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"Le châtiment des hypocrites" Seuil, 2001
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Répudier pour une faute inexistante, la marier à un voisin complaisant en s'assurant qu'il la répudiera luis-même trois mois plus tard, n'est pas une démarche ordinaire pour un père de sept enfants. En organisant cette farce, Monsieur Zeitoun a le sentiment de respecter tous les codes moraux que la société algérienne lui impose. Il est l'époux, sévère mais juste, qui châtie la femme coupable, le père irréprochable qui veille à la pérennité et à l'exemplarité de son foyer, le croyant sincère qui respecte pieusement les lois de DIeu. Ravisseur, le premier roman de Leïla Marouane avait opté pour la farce drolatique pour mieux enfoncer le clou.
Dans le second, la peinture de mœurs à la façon d'un film néo-réaliste italien couvre de plus en plus mal le pessimisme. Une femme tente de se libérer de l'emprise familiale, religieuse et étatique qu'elle subit comme une torture en se jetant dans les bras d'un affairiste qui ne lui donnera que de brèves illusions : mais où est donc l'amour ? Le ton du dernier roman s'aggrave encore. Fatima, enlevée et séquestrée dans un maquis islamiste, est relâchée après avoir subi tous les sévices. De retour à Alger elle tombe dans la zone la plus noire avant une remontée qui s'achèvera dans l'exil. Trois récits proches du roman noir pour dire le peu d'illusions restantes.
- Rachid Messaoudi : "Un Algérien au Paradis" Le Toit, 2000
Alger, le 26 mai 1993, Tahar, journaliste et écrivain, sort de chez lui pour se rendre à son travail. Les balles l'atteignent en pleine tête. Plongé dans le coma, il revit les moments forts de sa vie qui se confondent avec l'histoire de son pays. Ce livre est roman-document construit autour du personnage Djaout, figure emblématique de toute une génération avide de démocratie. Des photos de Francine Bajande, prises en Algérie entre 1997 et 1999, ponctuent ce récit. Le livre se ferme sur une interview de Arezki Metref, qui fut l'un des proches de Tahar Djaout.
- Jean-Pierre Millecam :
- "Et je vis un cheval pâle" Gallimard, 1978
- "Un vol de chimère" Gallimard, 1979
- "Une légion d'anges" Gallimard, 1980
- "Choral" Gallimard, 1982
- "La quête sauvage" Calman-Lévy, 1985
- "Ismaël et le chien noir" Al Manar, 1998
Ce pied-noir qui s'engagea contre l'Algérie coloniale n'a pas pu quitter sa terre, qu'il a trouvée prolongée au Maroc où il vit et enseigna. C'est un écrivain pour happy few, dont l'œuvre romanesque s'ancre dans l'histoire du Maghreb. Les romans "algériens" constituent une vaste fresque qui se situe pendant et après la guerre d'indépendance, et mettent aux prises des protagonistes - de toutes races et confessions - que seuls les évènements séparent, tandis que la fraternité vraie transcende les cultures et se réalise dans une même précarité face à l'histoire.
Il est recommandé de lire ce très grand styliste de la langue épique, aux accents qui raviront les amateurs d'Hemingway.
- Malika Mokeddem :
- "Les hommes qui marchent" Grasset, 1990
- "Le siècle des sauterelles" Ramsay, 1992
- "L'interdite" Grasset, 1993
- "Des rêves et des assassins" Grasset, 1995
- "La nuit de la lézarde" Grasset, 1998
- "N'Zid" Seuil, 2001
- "La transe des insoumis" Grasset, 2003
Elle est parmi les nomades du grand erg occidental, et ses premiers romans témoignent de cette culture assez peu présente dans les lettres algériennes. La forte trame autobiographique ne masque pas les incursions descriptives dans un univers fascinant où le passage de l'histoire contemporaine a laissé autant de plaies qu'ailleurs dans le pays. Plusieurs récits (Les hommes qui marchent, Le siècle des sauterelles) nous montrent les ravages que la guerre d'indépendance fit chez ces héritiers d'Abd el-Kader.
Mais la narratrice a des aspirations qui dépassent ce cadre, dont elle subit les pesanteurs et les contraintes dans sa vie de femme. Ce désir d'émancipation prend racine dans une tradition orale qui se transmet par les femmes. Aussi, face aux dénis qui les frappent, à la destruction de leur univers social, dont sont responsables la guerre, mais aussi les nouveaux maîtres, et malgré tout l'attachement à la splendeur et à l'harmonie du mode de vie, elle décide d'aller étudier la médecine. Oran puis Paris, le pas est fait, une autre vie commence...
Une autre littérature aussi, qui, sans oublier le substrat qui fait les grands écrivains, intègre des formes narratives et des thèmes plus "occidentaux". N'Zid marque ce virage. Une femme émerge lentement d'une perte de conscience. Elle se découvre seule à bord d'un voilier qui dérive. Voici encore le thème de l'identité à conquérir, mais en même temps elle l'inscrit dans le sillage homérique.
Le dernier titre alterne la remontée dans l'enfance, découverte de la lecture sous la tente, là-bas, et le présent du récit, ici, marqué par la fuite de l'homme aimé.
- Mohamed Mokeddem :
- "Fils de ta mère" Nadeau, 1999
- "Nuit afghane" Philippe, 2002
- "Mémoire de la chair" Albin Michel, 2002
Sa mère, veuve de guerre sans pension (pour quoi faire ?) en vient à la prostitution. Lui, le fils, apprend à se battre pour survivre physiquement. Il deviendra documentaliste de cinéma et sera envoyé couvrir la guerre Iran-Irak. Sa vision des choses ne plaît pas, à son retour d'Algérie, il est menacé de mort et échappe de peu à un attentat. La nuit qui suit est une nuit afghane : c'est, en Algérie, une nuit d'angoisse dans l'attente de tous les dangers. Il se jette dans le premier avion pour la France où il vit depuis. Deux romans pour le raconter avec des mots d'une très grande force, pour se libérer d'une histoire fantastique, incroyable, mais devenue presque banale dans ce pays.
- Fadela M'rabet : "Une enfance singulière" Balland 2003
Quel psychiatre nous dira la terreur de la naissance répétée d'une petite fille ? Elle souffrira toute sa vie de cet accueil sans youyous, réservés aux garçons et éprouvera constamment le besoin de se faire pardonner. Comme si elle se sentait toujours de trop. Comme si elle se sentait toujours de trop. Comme si elle devait une reconnaissance éternelle à son père de ne pas l'avoir enterrée vivante à la naissance.
Une enfance singulière est d'abord le récit d'une enfance algérienne. Celle d'une petite fille à qui sa grand-mère , Djedda, dont la maison est un peu celle du bonheur, fait découvrir la vie. A ses côtés, l'enfant apprend le monde - et en particulier le monde des femmes. Oncles et tantes, frères et sœurs, parentèles et voisins, l'univers de la narratrice est simple, chaleureux, même si la cohabitation avec les pieds-noirs n'est pas toujours exempte de sous-entendus.
- Abdennour Nouiri : "Mériem ou la déchirure" Marisi, 1998
Sarah, jeune journaliste suisse, arrive pour la première fois à Alger à la recherche d'une famille qu'elle n'a pas connue. A la veille des évènements d'octobre 88, elle rencontre ses racines mixtes, judéo-arabes et musulmanes, et de multiples drames.
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Zahia Rahmani :"Mose" S. Wiespieser, 2003
Moze est un harki qui a échappé à
la liquidation réservée par le FLN à ceux en qui il ne voyait que des
traîtres. Emprisonné en 1962, il s'évade en 1967 et parvient à gagner la
France avec sa famille. Là, il s'enferme dans le silence, sombre dans l'alcool,
est pris de crises au cours desquelles il terrorise sa famille. Moze a un
secret, mais en travers de la gorge. Le 11 novembre 1991, il salue le monument
aux morts du village et va se jeter dans la mare.
C'est dix ans après que sa fille, la narratrice, l'auteur, tente
d'expliquer et de comprendre. A Moze, tout fut confisquer, dénié. Moze n'a
rien, n'est rien. Moze est mort avant sa mort. Il ne fut pas un père, pas un
soldat, pas un civil, n'eut pas de patrie ; trahir ses frères lui enleva son
ascendance, la trahison du pays qu'il crut servir lui enlève sa descendance.
Moze est dépossédé de tout, même de sa dépossession. Pas de place en
Algérie pour le corps du traître, pas de lieu parmi les morts, pas de place
dans le souvenir des vivants, honte à sa mémoire, lui qui leur avait appris la
honte de leur honte.
Un jour, la fille entend un politicard quelconque dire "nous ne serons pas les harkis de la droite !" Voilà l'insulte que lui a léguée son père, voilà l'accueil que la France réserve au souvenir de ceux dont elle fit ses zombies.
Oui, sans doute, mais quelque chose est sauvé, réparé, ce n'est pas la commission nationale de réparation qui l'a fait, c'est le travail d'une femme devant les instances de la langue que son père, qui la parlait mieux que ses maîtres, lui a donnée. Salut, Moze, longue vie à ta mémoire...
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Alain-Julien Rudefoucault : "J'irai seul" Seuil, 2003
De cette violence là, en Algérie toujours, l'écrivain Alain-Julien Rudefoucault fait la matière de son roman : un livre en forme de reconstitution de la mémoire, un récit vécu comme la dernière chose à laquelle se raccrocher pour penser à nouveau. Car comment vit-on après avoir vu (et participé, parfois) à tant de meurtres ?
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Noureddine Saadi :"La maison de lumière" Albin Michel, 2000
"Il y a une littérature du cru, celle de la nourriture nécessaire, rapide, et la littérature du cuit ; celle-là, a besoin d'un long temps de cuisson dans la mémoire. Mon roman vient de là, engrangeant dans les histoires d'une demeure (bâtie par les Ottomans, habitée par un marchand juif puis par un général français, en déshérence à l'indépendance de l'Algérie), des généalogies de vies obscures qui ont gardé et entretenu les lieux. Pour dire autrement, par le je de la subjectivité, la tragédie de ce merveilleux et douloureux pays que je n'habite plus et qui m'habite toujours,. Un livre que je voulais, hors de toute autobiographie, fait de morceaux de moi-même." (N. Saadi)
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Boualem Sansal
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"Le serment des barbares" Gallimard, 1999
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"L'enfant fou de l'arbre creux" Gallimard, 2000
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"Dis-moi le paradis" Gallimard, 2003
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"Pour être à mille lieues du roman à thèse, Le serment des barbares n'en développe pas moins une idée forte : les malheurs présents de l'Algérie doivent être recherchés dans la falsification de sa mémoire. Il est impossible de construire un avenir commun qui tienne debout en s'inventant un passé gangrené de mensonges. Et Sansal attaque de front la vache sacrée, le grand tabou, le mensonge premier : la guerre d'indépendance présentée comme le récit sans faille de la lutte héroïque du Bien contre le Mal, de la Lumière contre l'Obscurité, etc." (C. Lepape)
L'enfant fou de l'arbre creux reprend ce même thème de la mémoire trafiquée. Dans le bagne de Lambèse, un amitié se noue entre deux condamnés à mort. L'un français, est accusé de meurtre après qu'il a remué les eaux troubles du passé, la guerre d'indépendance, dans un village de sa vraie mère, Algérienne. L'autre est un jeune algérien qui a sombré dans la violence par ennui, désespoir. Dans ce huis clos, un enfant fou, ou prétendu tel, est attaché à un arbre dans la cour de la prison. Mais la simple amitié de ces deux hommes qui se découvrent un destin commun éclaire ce récit et laisse pénétrer la lumière.
Une construction en artichaut fait le cœur de Dis-moi le Paradis ne se trouve qu'une fois la lecture avancée. C'est le portrait d'une tribu qui semble avoir traversé les siècles sans qu'ils l'aient modifiée. L'un des protagonistes, l'une des voix plutôt, raconte comment il la découvrit au cours d'une campagne de prophylaxie. Auparavant on aura visité le Bar des Amis, où on refait quotidiennement le monde ou au moins l'Algérie, connu un ex-souteneur de Barbès, visité une prison et un hôpital sans trop les différencier...
- Leïla Sebbar :
- "La jeune fille au balcon" Seuil, 1996
- "Sept filles" Thierry Magnier, 2003
- "Fatima ou les Algériennes au square" Stock, 1981
- "Shérazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts" Stock, 1983
- "Les carnets de Shérazade" Stock, 1985
- "Le fou de Shérazade" Stock, 1991
- "Le silence des rives" Stock, 1993
- "Je ne parle pas la langue de mon père" Julliard, 2003
Il y a un peu plus de vingt ans, elle publiait Si je parle la langue de ma mère. Son dernier livre a pour titre, Je ne parle pas la langue de mon père. Entre les deux, il y a des histoires de lointaines enfances, de silence, d'exil. Avant, il y a eu des récits de femmes, toujours venues d'un ailleurs. Si étendue que soit la palette de ses thèmes, de la trilogie Shérazade aux récits de guerre, on ne la trahira pas en disant qu'elle est un écrivain de l'exil.
L'exil habite entièrement une pensée tout en choisissant un lieu où il se fixe de préférence : l'enfance, ou la terre, ou les images qui restent après que tout a disparu. Oui, mais l'exil qui la fonde, qui la constitue, c'est celui de la langue qu'elle n'a jamais parlée, la langue de son père devenu de ce fait l'étranger bien-aimé. Il n'est dès lors pas étonnant que ses romans soient peuplés de figures d'étrangers, de Nègres, d'Arabes, de Juifs, de femmes, de tout ceux que l'Occident impérial désigna si longtemps comme les autres.
- Habib Tengour
- "L'épreuve de l'arc" Sindbad, 1997
- "Les gens de Mosta" Sindbad, 1997
- "Le poisson de Moïse" Paris-Méditerranée, 2001
La vie étudiante à Alger, années 1980. Toute la misère sexuelle d'un jeune homme confronté au défaut d'éducation, à la méconnaissance de l'amour. L'épreuve de l'arc, c'est l'odyssée du premier acte amoureux, failli, recommencé jusqu'à ce que se manifeste le sentiment qui conduit à l'abandon de soi et au vrai désir. En filigrane, la critique d'un État et d'une société d'hommes qui n'ont pas su voir que cette haine, cette peur des femmes allaient être le ferment des terribles évènements qui défigurent l'Algérie d'aujourd'hui.
Mostaganem, sa ville natale... En une quinzaine de textes brefs, il évoque le pays et l'enfance, l'exil et le retour, le temps présent et la mémoire qui se mite. Il se souvient du jour où la Mangano est morte, il chercha en vain quelqu'un avec qui partager ce deuil. Le temps du colon avait fait naître un bonheur du combat qui s'est perdu. Pourquoi ?
- Daniel Timsit : "Suite baroque, histoire de Joseph Slimane et des nuages" Bouchêne, 1999
Voici un très beau texte sur la période qui suivit le coup d'État de 1965. L'auteur nous plonge dans le milieu des ultras, que tentent de retrouver l'esprit de la révolution de 1958. Ils se rendront compte qu'ils ont été manipulés par l'armée, dont la réaction et leur échec renforceront définitivement l'emprise sur la société algérienne.
Trois destins qui se croisent, de l'espoir à la désillusion et au renoncement final, et qui sont comme des étoiles dans un ciel : fixes tout en tendant au rapprochement.
- Rachida Titah :
- "Un ciel trop bleu" L'Aube, 1997
- "La galerie des absentes" L'Aube, 1996
Le premier est un recueil de vingt courtes nouvelles qui observent le basculement soudain dans la folie de personnages ordinaires déstabilisés par l'irruption de la barbarie. Certaines mettent en scène des personnages précis : une petite fille fascinée par le bleu de la mer pendant que sa mère est déchiquetée lors d'un attentat ; un bébé naît dans les fourrés du maquis algérien. D'autres évoquent des êtres mal définis en proie au regret ou au remord pour des raisons confuses. D'autres enfin sont des récits allégoriques socio-politiques qui veulent transcender les souffrances d'une Algérie déchirée et celle de son peuple en mutation.
Le second est un essai, ou plutôt une enquête sur la présence de la femme dans la poésie amoureuse, les arts et les chants traditionnels du Maghreb. Curieusement, elle y est en majesté, séductrice, irrésistible ; pas de trace de la femme au foyer. La colonisation la confirmera dans son rôle d'odalisque oisive ou au contraire dans celui de l'épouse mystérieuse et cloîtrée. Ce n'est qu'à l'indépendance que la femme brisera ses clichés et s'imposera comme combattante. Pourquoi dès lors ce repli actuel sur des positions tellement réactionnaires qu même le colon n'adoptait pas ?
- Abderrahmane Zakad : "Trabendo" Marsa, 2001
A Alger dans les années 1990, Malika, une femme divorcée originaire de la Casbah, doit faire vivre ses trois enfants. N'ayant aucun diplôme, mais douée d'un caractère entreprenant et du sens des relations humaines, elle se lance dans le trabendo, ce commerce parallèle, illégal, qui envahit un pays en mal de production et ivre de consommation. Le roman, bien documenté et animé par un agréable verve populaire, nous guide sur les pas de cette femme d'affaires d'un genre particulier et nous fait partager ses tribulations. Trabendo est aussi un voyage à la découverte des paysages de l'Algérie profonde que sillonne Malika, vers l'est en direction du Caire et vers l'ouest en direction de Fès, deux villes envoûtantes où elle vivra aussi les prémices d'un nouvel amour... L'intrusion d'une femme dans un domaine réservé aux hommes est source de drôleries, mais aussi d'une mise en coupe réglée de toutes les formes de domination masculine. Son combat pour l'émancipation, pour la vie, Malika, le mène aussi pour eux.
- Hafsa Zinaï-Koudil : "Sans voix" Plon, 1997
C'est une cinéaste très engagée qui transpose son univers pictural à l'écrit. Elle pratique un cinéma vérité, très réactif aux événements, très proche du documentaire. De même en littérature, elle crée des personnages qui seront des archétypes représentant une posture, une place dans la société, un certain regard sur ce qui se passe. Ainsi Sans voix suit les itinéraires de trois personnages qu'un enlèvement va faire interférer : une jeune femme séquestrée par un groupe de terroristes barbus, un jeune officier de l'armée et un vieux croyant qui ouvre les yeux sur la dérive de sa religion.
Source: Librairie Gaya