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1er novembre 1954 : C’était le début d’une belle révolution
"La lutte pour l’indépendance est glorieuse, ... C’ est l’épopée. Après l’indépendance, c’est la tragédie. ..."
Aimé Césaire
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger
Une fois n’est pas coutume, l’Unique – qui nous avais habitué à des
programmes soporifiques- nous a raconté la Révolution. J’ai eu de ce
fait l’opportunité de revoir quelques filmes sur la Révolution dont le
fameux l’Opium et le bâton du regretté Mouloud Mammeri interprété
magistralement par une pléiade et non des moindre. Rouiched, Mustapha
Kateb et Sid Ali Kouiret et tant d’autres. Le sujet en lui-même parle
en creux du dévouement jusqu’à la mort des milliers de Ali, qui on
redonné par leur sacrifice suprême une dignité que la France avait
piétiné pendant 132 ans . Tous les moyens ont été utilisés pour faire
plier en vain la Révolution.
Il m’a été donné aussi d’écouter une émission sur les débuts de la RTA. J’avais la chair de poule en entendant Abderahmane Laghouati nous expliquer avec des mots simples comment l’Algérie s’est réappropriée sa voix le 28 novembre 1962 à la veille du premier novembre qui ne pouvait pas qui ne devait pas selon Monsieur Abderahmane Laghouati être géré par des fonctionnaires français. Ce fut un moment à la fois pénible que de savoir qu’une bonne partie de 26 pionniers qui ont fait la RTA ont disparu . Ce fut aussi un instant d’émotion quand on apprendre comment les Algériens d’alors-tut entier dévoués à la Révolution ne se posaient pas la question de leur devenir et celle du pouvoir, il fallait réussir le pari impossible celui de réussir la transition d’une télevision reliquat du colonialisme à celle d’une télévision d’un pays libre ; j’ai découvert à cet effet un pionnier en la personne de Aissa Messaoudi qui a marqué de son empreinte toute la génération des années 60-70. Les héros étaient des gens simples qui ont fait leur devoir sans rien attendre en échange et surtout qui n’ont pas fait des mânes de cette révolution encore un fond de commerce au nom d’une « famille révolutionnaire » excluant de ce fait, les autres, les Algériens. A bien des égards eu égard au combat titanesque de ces pionniers qui ont fait démarrer l’Algérie à l’indépendance, nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants.
A l’indépendance nous étions tout feu tout flamme et nous tirions notre légitimité internationale de l’aura de la glorieuse Révolution de Novembre. La flamme de la Révolution s’est refroidie en rites sans conviction pour donner l’illusion d la continuité . Comment peut –on parler de révolution et du « Mach’al du premier novembre à transmettre aux jeunes si ces jeunes sont tenus soigneusement à l’écart du mouvement de la nation ? Il est curieux de constater que la Révolution a été portée à bout de bras par des jeunes pour la plupart et qui ne dépassaient pas la trentaine ! Que doit-on passer d’une famille révolutionnaire qui a pris en otage l’espérance d’un pays et ne veut pas la lâcher au point d’adouber des personnes qui n’apportent aucune valeur ajoutée. Est-il normal que dans l’Algérie de 2008 des « mal-élus » se votent des salaires 20 à 30 fois plus importants que ceux d’universitaires (Bac+ 5 et +) à qui on donne des miettes pour les occuper. Est-il normal que des jeunes (filles et garçons) décident un jour de s’évader du pays ne risquant leur vie pour une vie meilleure ayant définitivement conclus qu’ils n’ont pas leur place en Algérie?
Pour ne pas changer la « famille révolutionnaire » fera des cérémonies où nous verrons toujours les mêmes dans un rituel morne sans épaisseur. Ensuite chacun continuera à vaquer à ce qu’il sait faire jusqu’au prochain évènement où il se montrera devant es caméras de l’Unique qui n’a pas, loin s’en faut épouser son temps engluée dans des combats d’arrière garde visant à imposer une « ‘accabya mythique au sens d’Ibn Khaldoun » moyen orientale et qui n’est pas celle du génie propre des Algériens.
L’Algérie de 2008, qu’est ce que c’est ? Un pays qui se cherche ? qui n’a pas divorcé avec ses démons du régionalisme ?, du népotisme ? qui peine à se déployer qui prend du retard ? qui vit sur une rente immorale car elle n’ est pas celle de l’effort , de la sueur de la créativité . C’es tout cela en même temps ! Le pays s’enfonce inexorablement dans une espèce de farniente trompeur- il est vrai que l’on promet au peuple qu’il n’a rien à craindre qu’il y a de l’argent pour quatre ans, qu’il peut continuer à dormir. Après ce sera le chaos la rente n’étant plus au rendez vous. Le ministère des Affaires sociales sera au chômage il n’y aura plus rien à distribuer . La Révolution a été galvaudée, les seuls à y trouver leur compte émargent à un département ministériel qui dépense plus que l’enseignement supérieur ou plusieurs ministères réunis. Scandale suprême- on ne doit pas cesser d’ne parler parce qu’avec un hold up pareil , c’est l’avenir de l’Algérie qui en prend un coup- , les élus ont refusé une augmentation de la bourse pour le étudiants.. Savons nous qu’un député de base à 300.000 Da a un salaire égal à celui de 400 étudiants ou encore, Le salaire des 500 députés équivaut à 200.000 étudiants, c’est la moitié du nombre d’étudiants ouvrant droit à la bourse ! C’est immoral ! Un comble : on leur refuse une augmentation dérisoire. Le parti des Travailleurs a raison de proposer- sur le tard et sans donner l’exemple- la dissolution de l’Assemblée
Le sociologue Lahouari Addi écrit: «L’Algérie est-elle une société ou une juxtaposition d’espaces domestiques en concurrence pour les biens de subsistance? L’exacerbation des antagonismes entre les intérêts privés impose la formation d’un espace public où l’individu n’est pas un moyen mais une fin. C’est ce passage vers la sphère publique que l’Algérie peine à réaliser (...) Dès lors que les conditions de l’autosubsistance ont été détruites, les individus se procurent la subsistance en dehors des espaces domestiques, dans un contexte de rareté de biens fournis essentiellement par le marché mondial. Interface entre les familles algériennes et le marché international, l’Etat est pris d’assaut par les réseaux de corruption que favorise la structure néopatrimoniale du régime dans laquelle des castes sont au-dessus des lois. Détenir une position dans l’appareil de l’Etat, c’est s’assurer une place stratégique dans le mécanisme de l’économie de rente. Dans l’économie rentière, ce qui est consommé par une famille est retiré à une autre, selon le modèle du jeu à somme nulle (Il n’y a pas de création de richesse, ndlr). C’est ce qui explique la corruption à tous les niveaux de l’Etat...Dépendantes de l’Etat, à travers les prix des biens alimentaires importés, les couches sociales pauvres se mettent à rêver d’un Prince juste qui limitera les libertés pour donner équitablement à chacun sa part. La popularité des islamistes a trouvé son origine dans cette structure distributive des richesses financées par la rente énergétique et exprime, par ailleurs, le niveau de dépendance de la société par rapport à l’Etat.»(1)
Cette Révolution de
Novembre n’intéresse pas la jeunesse de 2008 parque qu’elle est devenue
un fonds de commerce pour tous ceux qui y trouvent leur compte,
notamment «la famille révolutionnaire» dont il faudra bien, un jour,
que l’on nous explique la composition, la clé de cooptation et sa
réelle «valeur ajoutée». La période 54-62 n’est qu’un épisode, certes,
de bravoure de toutes celles et ceux qui ont donné leur vie pour une
Algérie indépendante et de progrès. Pourquoi ne fêterions-nous pas dans
un même mouvement les grandes heures de l’Algérie et conforter le jeune
Algérien, car, en définitive, c’est de lui qu’il s’agit?
S’agissant de l’invasion par la France de l’Algérie,
l’inventaire du passé colonial reste à faire. «Certes, écrit le
professeur Lahouari Addi, tout Etat, aussi démocratique soit-il,
propose une vision édulcorée de la vérité historique. Jusqu’à
récemment, la France des années quarante était considérée comme
majoritairement résistante...L’objectivité historique est difficile à
atteindre lorsque l’on touche aux références fondatrices d’une nation.
Mais la grande différence avec l’Algérie réside dans l’existence d’une
recherche universitaire indépendante...Il ne s’agit pas d’une
entreprise de dénigrement du combat indépendantiste, qui a une
légitimité incontestable puisque la colonisation est la négation de la
civilisation. Mais l’écriture de l’histoire de la guerre de Libération,
telle qu’elle a été écrite en Algérie depuis 1962, est marquée par le
sceau des occultations et des falsifications.»(1)
Pour rappel, l’appel du 1er Novembre fut le détonateur d’une révolte portée par tout un peuple. «A vous qui êtes appelés à nous juger, notre souci, en diffusant la présente proclamation, est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l’indépendance nationale...» C’est par ces phrases que les combattants annonçaient à la face du monde leur volonté de combattre le fait colonial: une poignée d’hommes sans moyens, avec une immense conviction sur la légitimité du combat mirent en oeuvre une révolution qui devait servir de modèle à bien des mouvements de libération de par le monde. Le 1er Novembre 1954 est, à juste titre, le dernier épisode symbolique du combat incessant du peuple algérien pendant plus de 25 siècles.
Combien de jeunes connaissent ce texte fondateur revendiqué d’ailleurs par tous les partis politiques. Combien connaissent les grandes dates de l’histoire, trois fois millénaire, de leur pays. Parlant de l’Algérie de 2007 qui peine à se redéployer, Lahouari Addi écrit: «L’Algérie est-elle une société ou une juxtaposition d’espaces domestiques en concurrence pour les biens de subsistance? L’exacerbation des antagonismes entre les intérêts privés impose la formation d’un espace public où l’individu n’est pas un moyen mais une fin. C’est ce passage vers la sphère publique que l’Algérie peine à réaliser (...) Dès lors que les conditions de l’autosubsistance ont été détruites, les individus se procurent la subsistance en dehors des espaces domestiques, dans un contexte de rareté de biens fournis essentiellement par le marché mondial. Interface entre les familles algériennes et le marché international, l’Etat est pris d’assaut par les réseaux de corruption que favorise la structure néopatrimoniale du régime dans laquelle des castes sont au-dessus des lois. Détenir une position dans l’appareil de l’Etat, c’est s’assurer une place stratégique dans le mécanisme de l’économie de rente. Dans l’économie rentière, ce qui est consommé par une famille est retiré à une autre, selon le modèle du jeu à somme nulle (Il n’y a pas de création de richesse, ndlr). C’est ce qui explique la corruption à tous les niveaux de l’Etat...Dépendantes de l’Etat, à travers les prix des biens alimentaires importés, les couches sociales pauvres se mettent à rêver d’un Prince juste qui limitera les libertés pour donner équitablement à chacun sa part. La popularité des islamistes a trouvé son origine dans cette structure distributive des richesses financées par la rente énergétique et exprime, par ailleurs, le niveau de dépendance de la société par rapport à l’Etat.»(1)
S’agissant de l’université, Lahouari Addi, écrit: « Le combat pour une université digne de ce nom, productrice de savoirs, animée par des enseignants-chercheurs respectés, est un combat qui engage l’avenir. Vous luttez pour que les compétences restent au pays, parce que, dans l’ère de la mondialisation, payer un professeur 400 euros par mois, c’est inciter l’élite intellectuelle à quitter le pays. L’enseignant universitaire est devenu, en quelques années, un employé paupérisé, alors qu’ailleurs, aux USA, en Europe, au Japon, il est une autorité sociale. En Algérie, c’est à peine un petit fonctionnaire luttant pour survivre dans une société où il n’est plus un modèle pour les jeunes, dans une société où l’échelle des valeurs a été bouleversée. Si l’Université est dans la léthargie, cela voudrait dire que la société civile n’en est pas une... »
La réussite (ou l’échec) de notre pays à construire la modernité sera évaluée sur le critère d’élaboration de la société civile. Il est vrai que l’Algérie est le pays des paradoxes: pour avoir la paix sociale en flattant dans le sens du poil les classes dangereuses porteuses de nuisances ou parce que leur débrayage bloque le train-train de l’Etat, pas, on l’aura compris, en termes de performance mais en termes de temps mort. A titre d’exemple, chacun sait qu’une grève à Air Algérie se règle dans la semaine, dans l’opacité la plus totale. Par contre, une grève dans le système éducatif peut durer des mois, cela n’émeut ni les autorités, ni les partis, encore moins les syndicats. Je suis tenté de dire en définitive que l’avenir de ce pays se construira à partir d’un passé admis par tous ses citoyens sans exclusive. Les multiples dimensions devraient être assumées sereinement, et chaque habitant de ce grand pays se doit de revendiquer ses multiples identités non plus à l’état de ghetto honteusement toléré mais par une acceptation sereine et assumée. Notre pays doit retrouver le chemin de la sérénité. Il doit libérer les énergies en réhabilitant les valeurs du travail, de l’effort et du mérite. Il n’y a pas d’autre issue.(2)
Inventons un
nouveau premier novembre mobilisateur qui puisse répondre aux défis du
siècle concernant la sécurité alimentaire, le problème de l’eau des
changements climatiques t pa dessus tout le défi de l’énergie, tant il
est vrai que cette rente n’est pas au service du développement, elle
s’effrite sous forme de Bons du Trésor américain qui rapportent la
moitié de ce que nous perdons dans l’inflation en priant Dieu que
l’Algérie puisse sortir sans trop de casse de cette crise financière.
Il est plus que temps de freiner cette hémorragie et de comprendre que
notre meilleur coffre fort est notre sous-sol
Pour faire court, la Révolution de novembre devra être
réappropriée par la jeunesse à qui on doit donner une perspective de
sortie du tunnel autrement que celle de l’évasion. Une révolution de
l’intelligence est certainement la solution. Seul le parler vrai
permettra à l’Algérie de renouer avec ce nationalisme qui contrairement
n’est pas passé de mode, c’est un puissant stimulant. On l’aura
compris, la mascarade du drapeau par foyer ne peut en rien remplacer le
drapeau algérien que l’on doit accrocher dans nos cœurs et nos tripes
et prouver par nos actes au quotidien que l’on mérite réellement ,cette
merveilleuse Algérie
1.Lahouari Addi: La représentation du 1er novembre 54 à partir de la presse algérienne francophone
2.C.E.Chitour. L’Algérie: Le passé revisité. Editions Casbah. Alger. 2005.
Jeudi 30 Octobre 2008
vdida2003@yahoo.fr
Source: Alterinfo
Bibliothèque nationale [d'Alger] : la musique comme moyen d’expression
La Bibliothèque nationale d’Alger a abrité, dans la soirée de dimanche, une conférence-débat portant sur la musique, moyen de communication entre les civilisations et les cultures arabes, animée par Maya Saïdani. Prévue à 21 h, la conférence ne débutera qu’une heure après
Ce retard accusé était dû en partie à la défection, au dernier moment, du professeur et musicien Ahmed Serri, lequel devait animer conjointement avec Maya Saïdani la rencontre. Dans une courte communication, la musicologue Maya Saïdani a, d’emblée, précisé que la musique est un thème vaste qui ne faut être débattu en deux heures de temps. Toutefois, la musique a pour principal objectif de faire appel à la paix. l’intervenante s’est posée plusieurs questions dont : Si on pouvait considérer toute musique comme un moyen d’expression, qu’elle est le devenir de la musique algérienne au sein de la société ? Que savons-nous de la musique algérienne ? Existe-t-il une ou des musiques algériennes ?
Sur un ton serein, la conférencière a levé le voile sur la problématique des messages véhiculés à travers les différents styles que renferme la musique algérienne dont le raï. Elle n’a pas manqué de souligner que certains musiciens se sont lancés dans la modernisation de la musique, et ce, dans un but lucratif. C’est ce qui explique en partie les mauvais produits qui existent sur le marché national. « L’enfant, dit-elle, doit être bercé, dès son jeune âge par la musique. Une écoute attentive doit se faire au lieu de considérer la musique comme un moyen de divertissement. La musique est un phénomène scientifique qui nécessite avant tout une compréhension. Des parents habituent leurs enfants à écouter une musique de qualité mais je ne sais pas si on va vers une qualité ou une production. » Nos musiques, précise-t-elle, sont des traditions orales. « A mon sens, quelque part, il y a un problème dans nos notes musicales, car il y a rupture entre les traditions orales. »
Actuellement, la structure de la société algérienne ne lui permet pas de suivre un maître précis. Les médias nationaux ont un rôle important dans l’éducation de la musique. Ils se doivent de contribuer d’avantage pour apprendre aux auditeurs et de les éduquer à écouter la musique traditionnelle. La diversité des styles musicaux contribue à l’aboutissement d’une définition précise de la musique. Concernant l’histoire de la musique andalouse, l’interlocutrice a affirmé qu’il faut être prudent sur ce volet. A son avis, la question de la musique andalouse classique reste toujours posée. « Les textes existent certes, mais on ne sait pas qui a fait quoi. Il y a des genèses de la musique. Aujourd’hui, les musicologues hésitent à décider s’ils doivent parler de musique algérienne ou des musiques algériennes », argumente-t-elle.
A la question de savoir ce qu’elle pense sur l’apparition de certains groupes gnawa qui se plaisent à métisser les différentes musiques du monde, elle a argué que la qualité des produits de ces groupes dépend de leur niveau artistique et de leur savoir-faire en matière musicale. Il est à noter, par ailleurs, que Maya Saïdani est actuellement maître-assistante à l’Ecole supérieure de musique. Après des études à La Sorbonne où elle obtient un DEA, elle décroche par la suite un doctorat en histoire de musique et de musicologie. Elle vient tout juste d’éditer aux éditions Casbah un important et volumineux ouvrage, intitulé La musique du Constantinois, contexte, nature, transmission et définition.
Source: El Watan
Edition du 16 octobre 2006
Par Nacima Chabani
Nadia At Mansour, chanteuse, poète et écrivain kabyle
Nadia At Mansur Ikni est née en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Médecin Interne des Hôpitaux de Paris, dermatologue, elle s'oriente, après un post-doctorat à Harvard, USA, vers la psychologie jungienne. Elle travaille alors comme médecin-assistant en psychiatrie en Suisse. Elle a publié de nombreux articles scientifiques et donné des conférences. Elle est également auteur, compositeur, et interprète de l'album Chants soufis de Kabylie.
Biographie
1966. 8 mai. Naissance à Alger de Nadia, fille de Ramdane Ouahès et Colette Ouahès née Paulmier
1982. Etudes de médecine à Paris
1983. Entreprend l’apprentissage du berbère en traduisant, avec l’aide de son père, les chansons de Aït Menguellet
1989. Interne des hôpitaux de Paris, spécialité dermatologie, elle quitte Paris pour les Etats-Unis et occupe un poste de chercheur à Harvard (Boston)
1997. Médecin psychiatre en Suisse, elle s’initie à la psychologie junguienne
1999. Abandonne la médecine pour se consacrer à la psychologie des profondeurs
2001. Première représentation sur scène, à la Maison pour tous de Chatou, dans la région parisienne, des Chants soufis de Kabylie dont elle est l’auteur, le compositeur et l’interprète.
2002. Mariage avec Hakim Ikni et premier spectacle au Théâtre de la Vieille Grille à Paris.
2003. Le 10 juin, participe avec d’autres artistes à la première partie du spectacle de Aït Menguellet à l’Olympia. Dix jours plus tard, naissance de sa fille Rosa.
2004. Abandon de la scène après un dernier spectacle donné, à l’occasion de la fête de la musique, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris.
2005. Parution de son ouvrage A la recherche de l’âme, interprétation d’un conte kabyle initiatique.
Elle exerce aujourd’hui la psychanalyse junguienne à Paris.
A la recherche de l'âme : Interprétation d'un conte kabyle initiatique (Essai) - Éditions Edisud, Paris ISBN : 2-7449-0550-X, 2005
Présentation
L'auteur s'intéresse ici au sens psychologique profond d'un conte kabyle ancien, véritable mine de sagesse, intitulé " Aïni ". En suivant le cheminement du héros à la recherche de la femme aimée, le récit raconte la voie qui mène à la réalisation intérieure, illustrant remarquablement le processus d'individuation décrit par C.G. Jung. Au fil des pages, le lecteur pourra puiser des éclairages passionnants sur la signification profonde de cette quête immémoriale de l'être à la recherche de son âme.
C'est un véritable apprentissage de l'amour, qui s'accomplit dans toute sa plénitude après des épreuves initiatiques dont l'auteur dégage le sens. Avec des siècles d'avance, le conte anticipe le développement de la vie maritale vers un lien individuel régi par le sentiment. Il vise donc au développement psychique et à l'accroissement de conscience, et son message est toujours d'une grande actualité. Il est démontré par ailleurs, grâce à de nombreuses amplifications, sa dimension éminemment universelle, ainsi que ses liens avec le soufisme.
C'est la première fois que la psychologie des profondeurs est appliquée à l'analyse de la symbolique d'un conte kabyle, surtout de cette qualité exceptionnelle. L'écriture se veut simple et concrète afin que les concepts psychanalytiques utilisés soient accessibles au grand public. Le présent ouvrage apporte une valeureuse contribution à la restauration du féminin dans un monde encore dominé par les valeurs masculines.
Le Soir d'Algérie - 10 mai 2007
Jung par ici
C’est pour le moins un parcours et une position atypiques qu’a fait et qu’occupe Nadia At Mansur dans l’univers des idées et de la culture. Fille des mélanges assumés, il n’est pas étonnant qu’elle embrasse le mysticisme couplé à Jung, qui se rencontrent dans l’introspection et le besoin de subvertir en création les interrogations de l’âme et de l’esprit. Poète, musicienne, médecin, psychanalyste, Nadia At Mansur exprime, en fait, toujours la même chose.
Qu’elle chante, écrive ou parle, il s’agit toujours de dire cette lumière de sagesse et de sérénité qui fait habiter un monde parallèle au brutal monde concret et qui peut lui apporter cette part de quiétude qui fait si cruellement défaut. Nadia At Mansur a renoncé aux vanités du monde, à ses brillances superfétatoires, aux ambitions sociales, pour se consacrer à ce qui, au fond de chacun de nous, brûle d’un feu plus pérenne que tous les autres, le désir de se connaître pour mieux partager. Les ancrages identitaires, nationaux, ne sont pas une fin en soi pour elle. Ils sont juste la marque du départ pour mieux asseoir en elle et autour d’elle ces synthèses du monde qui font circuler dans l’universalité les sentiments et les idées. En allant vers Jung, Nadia At Mansur va en fait vers elle-même, c'est-à-dire vers nous tous.
Bachir Agour
L'univers de la sagesse ancestrale
L’imaginaire kabyle est peuplé de contes qui, à la fois, le singularisent et le rattachent au destin universel. Nadia At Mansur Ikni, dans son ouvrage A la recherche de l’âme, sous titré Interprétation d’un conte kabyle initiatique, paru chez Edisud en 2005, nous introduit et nous guide dans cet univers de la sagesse ancestrale. Elle a choisi Aïni, un conte traditionnel kabyle que les vieux racontaient, dans les assemblées de village, aux jeunes hommes désireux de se marier. La légende est ancienne.
Recueillie par l’anthropologue allemand Léo Frobenius au XIXème siècle, elle figure dans un recueil de contes kabyles traduits il y a une dizaine d’années par Edisud. Un conte hors du commun, fort dans son expression, exacerbé dans les sentiments qu’il développe, cruel dans les châtiments qu’il évoque. Il est dit initiatique car il vient éveiller à la connaissance de soi. Dans une première étape, l’auteur nous présente le conte. Elle prend soin de le situer dans son contexte culturel, dressant un tableau lucide et sans concession de la société kabyle traditionnelle :
«Dans la société masculine kabyle, l’émotion authentique est masquée et le domaine des sentiments est particulièrement ombrageux. Ecrire que la susceptibilité est démesurée est encore la sous-estimer. » Le conte restitué, Nadia At Mansur nous en livre l’interprétation. Elle en déchiffre les symboles universels — la clé, la porte, la cire, la colombe, — qui donnent accès aux mille et une facettes de l’inconscient.
«Le conte est l’âme qui se raconte», nous dit l’auteur. Médecin, psychologue junguienne, poétesse, chanteuse, compositeur et interprète de ses propres textes, elle met au service de sa culture originelle sa connaissance de la psychologie des profondeurs. Elle conclut sur l’influence soufie qui, au-delà du conte, imprègne le cœur de la Kabylie. Un conte sur l’amour étonnamment moderne qui nous rappelle que seul l’homme délivré du désir de posséder une femme la possède réellement.
Un livre érudit et pointu mais raconté avec une simplicité et une clarté telles qu’il demeure à la portée de tous.
Meriem Nour
A la recherche de l’âme, Interprétation d’un conte kabyle initiatique,
Edisud, 2005, Collection le sens caché des contes, 143p.
“Nos contes sont des bijoux”
Le Soir d’Algérie : Psychanalyste, médecin, chanteuse dans la tradition soufie, poète, écrivain. Vous êtes tout cela à la fois. Comment s'articulent ces différentes activités ?
Nadia At Mansur : Mon activité actuelle se concentre sur l’exercice de la psychanalyse et l’écriture. J’ai débuté dans la vie professionnelle par un parcours médical classique, une spécialisation suivie d’un post-doctorat en recherche.Par la suite, j’ai totalement quitté ce domaine qui ne me satisfaisait pas, et dans lequel j’étouffais pour tout dire, pour aller vers ce qui m’appelait sans doute depuis longtemps, qui est l’univers de la psychologie. Ma découverte du psychiatre suisse C. G. Jung avait auparavant constitué un tournant dans mon existence.
C’est lui qui m’a procuré les instruments nécessaires à la navigation sur les eaux tumultueuses de l’inconscient, qui m’a ouvert les portes d’une compréhension symbolique des choses de l’esprit, du phénomène religieux. J’ai, depuis, dirigé mes activités dans cette voie junguienne, qui inclut aussi bien l’activité psychanalytique proprement dite, que l’approche psychologique des contes, des mythes, des textes sacrés. Quant à la créativité artistique qui m’a saisie un temps, elle a sans doute voulu exprimer la joie intérieure devant ce qui s’apparentait à une sortie d’Egypte.
Vous êtes née à Alger. Vous avez étudié la médecine à Paris où vous vivez. Vous avez séjourné en Suisse, travaillé dans la recherche aux Etats-Unis, voyagé en Afrique. Quelle est votre quête ?
Le départ pour Paris avait pour objectif les études médicales. Le séjour américain servait mon ambition d’alors, aller auprès des meilleurs dans mon domaine, la dermatologie, tout en observant un certain recul vis-à-vis d’un horizon hospitalo-universitaire parisien étroit que je supportais de moins en moins. Le départ pour la Suisse, par contre, répondait à une exigence intérieure et marquait mon changement d’orientation vers la psychologie. C’était un pèlerinage sur les lieux de vie et d’enseignement de C. G. Jung à Zurich.J’y ai effectué ma psychanalyse personnelle tout en travaillant en tant que médecin-assistant en psychiatrie. Quant à l’Afrique noire, je l’ai découverte à l’occasion d’un voyage au Sénégal qui m’a nourrie et m’a pleinement confirmée dans mon sentiment d’africanité. J’ai eu la chance de pouvoir assister à des cérémonies de désenvoûtement, une célébration dans un mausolée de saint musulman, ainsi qu’à une messe catholique.
J’y ai vu le musulman Mamadou assis en compagnie du chrétien Augustin. La terre sénégalaise est exceptionnelle de douceur et de tolérance. Pour répondre précisément à votre question sur la quête, la connaissance de soi — et son corollaire, la perte des illusions — est pour moi d’une importance vitale et l’objet d’un travail sans fin.
L'Afrique et la Chine ont une place particulière dans votre parcours. Pourquoi ?
Je ressens l’Afrique comme étant la Mère intérieure, mes racines les plus profondes. Au contact des Sénégalais, j’ai pu apprécier à quel point nous autres Algériens étions africains. Les Touareg m’ont fait aussi une forte impression, dans leur enracinement naturel, leur noblesse de caractère.La Chine apparaît dans mes songes comme étant la manifestation d’un territoire psychique inconnu, fort lointain, très éloigné de la conscience et qui représente le But. N’oublions pas qu’elle est la patrie du taoïsme et du célèbre Yi King («Le Livre des transformations ») dans lequel on pourrait puiser tous les jours. J’ajouterais à ces deux contrées la Suisse, pays auquel je dois beaucoup. C’est là que se sont produites les mutations les plus décisives en ce qui me concerne.
Vous-même êtes à la croisée des traditions. Berbère kabyle par votre père et Française de Sologne par votre mère. Quelle place ont l'une et l'autre dans votre vie ?
L’origine berbère a façonné en moi une âme instinctive, proche de la nature et des émotions. Elle me relie au corps, au monde concret. Elle me fait vibrer, chanter, bercer mon enfant et l’allaiter longtemps. Je lui dois ma flamme, mes élans, aussi ma subjectivité la plus partiale.Par ma mère, j’ai hérité d’une tradition spirituelle qui remonte loin dans le temps, celle des Paulmier, humbles pèlerins chrétiens qui s’en allaient à pied visiter le Saint Sépulcre à Jérusalem. A travers elle, m’a été infusé un certain esprit éthéré, un amour prononcé pour l’objectivité et une propension à l’introversion, à la solitude et à l’approfondissement. Ces deux lignées m’ont nourrie de deux tendances vitales aussi contraires que complémentaires et je m’en réjouis tous les jours.
Vous appartenez à la lignée des Aït Mansour Amrouche. Taos Amrouche a-t-elle influencé d'une façon ou d'une autre votre choix artistique ?
Si influence il y a eu, elle aura été inconsciente. «Ma» créativité artistique n’a pas été voulue ni construite. Pour vous en donner une image, c’est un peu comme si votre fenêtre s’ouvrait un beau jour sous le coup d’une forte rafale de vent et que s’engouffrait dans votre salon une nuée de papillons exotiques.En fait, je l’ai plutôt vécue comme l’irruption d’un torrent dans ma maison... Expérience aussi puissante que saisissante. Ceci étant dit, j’ai des affinités sans doute nombreuses avec cette grande dame de la chanson kabyle. Sa musique et la mienne se rencontrent peut-être dans quelque chose comme une tentative de relier terre et ciel. Nos démarches sont toutes deux, je crois, assez originales. Je n’appartiens pas au «main stream», aussi bien en psychanalyse qu’en musique.
Quelle est l'origine de votre intérêt pour les contes berbères kabyles ?
Les contes recèlent des trésors pour qui s’intéresse à la psychologie. Ils apportent beaucoup à la connaissance des structures profondes et universelles de l’esprit. D’autre part, il existe des particularités régionales qui font qu’un conte n’est pas strictement le même s’il naît à Annaba ou à Ajaccio. De la même façon, un récit qui voyage verra se modifier subtilement certains détails de sa narration. Ceci car il est l’expression en miroir de la vie psychique collective sur laquelle il énonce des faits sans détour. Il est donc important de tenter de l’analyser, même si l’essence d’un conte est un mystère qui nous échappera toujours.Vous avez choisi d'analyser le récit initiatique kabyle Aïni. Pourquoi ce choix ?
Le conte intitulé «Aïni» est absolument exceptionnel et nous devons à celui qui l’a recueilli, l’anthropologue allemand Léo Frobenius, de pouvoir le lire aujourd’hui, ainsi que beaucoup d’autres récits anciens d’une grande richesse. «Aïni» est une histoire pour adultes qui raconte une initiation à l’amour, avec toutes les difficultés, les pièges et les rebondissements qui accompagnent ce genre d’aventure.C’est véritablement un conte mature, tout en nuances, délivrant un enseignement symbolique sur la relation entre les sexes à travers l’apprentissage par le héros de la psychologie féminine. Un conte tel que «Aïni» devrait être largement connu car il nous divulgue avec une grande intelligence l’art subtil de l’Amour. Et de la maîtrise de cet art dépendent en grande partie notre sentiment de bonheur, notre capacité à être en paix avec nous-mêmes. Faut-il le dire, le conte finit bien...
Vous allez nous livrer prochainement d'autres contes. Lesquels et pourquoi ?
Mon prochain livre est consacré à l’interprétation du conte kabyle «Le grain magique» (Aâeqqa yessawalen). Celui-ci illustre à merveille la vision objective de la psyché collective sur elle-même, sans fard ni apitoiement. C’est la Kabylie vue de l’intérieur. Une vision dont on a grand besoin. Il y a aussi des retombées concrètes sur le plan individuel pour qui veut se connaître et progresser. Nos contes sont des bijoux. Aujourd’hui, ils doivent être non seulement écoutés et transcrits, mais également compris au meilleur de nos capacités afin d’enrichir notre vécu, d’alimenter spirituellement notre quotidien. Tout comme les rêves, les contes doivent être interprétés. Et leur parole pleine de sens deviendra vie.Propos recueillis par
Meriem NourSource: Dz Lit.free
La « culture nébuleuse » ou l’islam à l’épreuve de la comparaison
Jocelyne Dakhlia EHESS
Le monde arabe, et plus généralement l’Islam, n’a jamais été très présent dans les sciences sociales françaises, mais cette place déjà restreinte est en sensible recul depuis vingt ou trente ans. Si l’on envisage le cas du Maghreb, par exemple, on se souvient que, durant les années de la décolonisation, les noms d’Abdallah Laroui ou de Hichem Djaït pouvaient être familiers à l’honnête spécialiste français en sciences sociales, au même titre que celui de Maxime Rodinson ; de même, nombre d’intellectuels français s’estimaient alors tenus à la lecture d’Ibn Khaldun, voire à une certaine fréquentation de son œuvre, dans une légitime perspective de culture générale. Cet intérêt, pour superficiel qu’il ait été parfois, s’expliquait par le contexte fortement tiers-mondiste de l’époque, qui imposait de porter une égale attention aux productions intellectuelles émanant d’autres cultures, et plus particulièrement aux penseurs maghrébins, issus de la rive sud (et décolonisée) de la Méditerranée.
La décolonisation, et les multiples formes de sympathie ou d’empathie qu’elle suscitait, justifiait ainsi une écoute, une attente, qui n’ont plus cours aujourd’hui. En dehors de la question palestinienne, les mondes arabe et musulman ne suscitent plus guère de sympathies politiques, d’enthousiasmes libératoires. Les seules thématiques aptes à réveiller l’empathie sont aujourd’hui l’immigration et les problèmes liés à l’« intégration » des populations musulmanes immigrées, ou encore la cause des femmes ; à l’inverse, les effervescences islamistes et l’autoritarisme affirmé des régimes politiques néo-indépendants ont durablement édifié, autour du Maghreb comme du monde islamique en général, un écran d’incompréhension et de crainte.
La recherche sur l’Islam a donc massivement investi des questions d’actualité et de sociologie immédiate. La science politique s’est taillé la part du lion, au grand dam des historiens ou des anthropologues, dont les travaux n’apparaissaient pas aussi pertinents ou malléables, efficaces, lorsqu’on les sommait de répondre aux interrogations les plus pressantes de cette actualité. La demande sociale, par ailleurs, a favorisé l’é mergence, au nom de la même immédiateté, d’un type particulier de vulgarisateurs de la culture arabe — voire de la « culture musulmane » — (ce flottement identitaire étant structurel), dont l’abondante production et le succès éditorial visent précisément à restaurer ou entretenir un effet d’affinité, mais sur un mode en passe de devenir plus séductif et sensuel qu’intellectuel[1]. Cette partie du monde se caractérise en effet par un flottement structurel des appartenances, par des formes d’identification culturelle qui ne sauraient être définies de manière rigide ni réduites à une seule expression ; du Maghreb au monde arabe ou à l’islam, le glissement est permanent et structurel (il s’enrichit même d’une référence supplémentaire à l’africanité, dans le cadre de l’amazighité ou revendication berbère). Cette configuration mouvante doit être traitée comme telle par le chercheur, avec toutes ses modalités d’inclusions et de déplacements, ses variations d’é chelles, du contexte national jusqu’à l’Islam dans son ensemble, mais elle justifie du même coup toutes sortes d’approximations scientifiques de la part d’un certain courant de ces spécialistes, pour lesquels la légitimité identitaire, l’expérience intime, induisent une compétence « extensive » et suppléent à la rigueur des catégories.
Tant sous la pression de l’actualité politique que dans une référence apologétique et floue à la grandeur de son passé, l’idée s’est donc imposée que l’Islam était un univers a priori spécifique, où chaque trait culturel, chaque valeur, s’é nonçaient sous le signe de la différence. Or, comme dans le même temps, et à peu d’exceptions près, le monde islamique disparaissait des débats de sciences sociales propres aux communautés scientifiques occidentales, le postulat de la spécificité s’en trouvait tacitement renforcé.
Comment expliquer ce statut de second plan, voire de second rang, actuellement dévolu à la recherche sur le domaine islamique ? Sans viser à l’inventaire, et à partir du cas du Maghreb, il apparaît utile de repérer le ou les moments au cours desquels se produisit un tel évincement, et de dérouler le fil de cette logique ou de ce processus, en montrant au demeurant que les spécialistes du monde arabe en assument partiellement la responsabilité. On peut alors s’interroger sur les conditions d’un dialogue plus égal, sinon de plain-pied, entre les chercheurs de cette aire culturelle et l’ensemble de la communauté des sciences sociales. Le cas des historiens et des anthropologues est à cet égard central, non pas dans une perspective disciplinaire, mais parce que leur pratique les conduit à recourir instamment à la notion de culture et à sans cesse confirmer ou démentir la pertinence des frontières culturelles. L’é cueil de la comparaison transculturelle ou interculturelle s’avère en effet l’horizon de cette « archéologie du repli », qui nous incite aujourd’hui à tenter d’autres formulations ou approches de la limite entre les cultures.
Une restriction française ?
Après avoir bénéficié d’une renommée plus qu’estimable, Abdallah Laroui[2] n’est guère connu aujourd’hui que des spécialistes du Maghreb ou du monde arabe. Edward W. Said[3], en revanche, est demeuré une figure majeure des sciences sociales dans les pays anglo-saxons. Aux États-Unis, notamment, les spécialistes du Moyen-Orient se sont plus sensiblement intégrés aux disputes théoriques des sciences sociales ou aux débats d’idées qu’ils ne le sont en France, même si cette prise en considération peut leur paraître encore insuffisante[4]. La difficulté de cette reconnaissance ou de cette intégration, néanmoins, ne tient pas seulement au huis clos qu’entretiendrait la France avec ses anciennes colonies, mais bien à la césure, la barrière, établies avec l’ensemble du monde musulman. Quel anthropologue, quel historien de l’Islam est aujourd’hui en mesure d’é carter complètement le postulat de la spécificité qui sous-tend, qu’on y adhère ou le combatte, l’é tude des sociétés musulmanes ? Sans même répondre systématiquement à ces dérives politiques que résume la fameuse formule de Huntington, le « choc des civilisations[5] », on doit tenir compte, sur le terrain de la recherche scientifique, du durcissement des représentations et de l’accréditation d’un face-à-face culturel entre l’Islam et l’Occident, particulièrement sensible dans la confrontation du Maghreb et de la France.
Les notions d’identité ou de frontière culturelles s’en trouvent considérablement renforcées, quand bien même la recherche récente s’attèle aussi, et par réaction, à réhabiliter l’é tude des transmissions, des passages et, en un mot, des influences culturelles[6]. Or, pour des raisons multiples — le contexte politique, la faible représentation des chercheurs spécialistes de l’Islam dans l’ensemble de la communauté scientifique... — , ce dernier courant de la recherche, de même que l’histoire comparée, est loin de produire tous les effets d’affinité et de rapprochement intellectuel qui en étaient escomptés.
Les termes dans lesquels on conçoit et conceptualise le face-à-face de l’Islam et de l’Occident, évoqué plus haut, se sont en effet figés depuis deux, voire trois décennies. En dépit de deux publications marquantes : Islam Observed, de Clifford Geertz, et surtout Orientalism d’E. W. Said, qui traitaient, quoique sans lien entre elles, de la différence culturelle et de la confrontation des cultures, la réflexion anthropologique sur le monde arabe s’est, depuis, remarquablement peu intéressée au problème de la limite des cultures et de la pertinence des frontières culturelles entre l’Europe et le monde arabe[7]. Les unes comme les autres semblent données, une fois pour toutes. Le célèbre ouvrage de E. W. Saïd, tout en suscitant, dans le monde arabe, une lecture nationaliste qui a eu pour effet d’accréditer la frontière, a sans doute une responsabilité marquée dans la manière dont cette question est généralement évacuée, renvoyée à des effets de regards croisés et de représentations en miroir. Confronté à cette critique, l’auteur a récemment défendu une position sans doute intéressante et stimulante, mais qui ne résout en rien le problème, puisqu’elle consiste à refuser la substantialisation des cultures et rejette le principe même de la distance culturelle [8]. La notion de culture a peut-être fait son temps, dit-il en résumé[9]; la grande avancée de la théorie moderne de la culture serait d’avoir montré que les cultures sont hybrides et hétérogènes[10].
Néanmoins, rétorque James Clifford — et l’on souscrit ici à cette position — , « quelle que soit la façon dont on remplace le concept de culture, il doit se voir substituer un ensemble de relations qui préserve les fonctions différentielles et relativistes du concept, et qui évite ainsi le postulat cosmopolite et la référence aux communs dénominateurs de l’humanité[11] ». Une explicitation différentielle de la culture est a fortiori attendue lorsque le monde arabe, ou l’Islam dans son ensemble, sont concernés, tant perdure le postulat d’une hypercohérence culturelle, enracinée soit dans la langue, soit dans la religion ou l’histoire.
Bien que fondé sur une approche radicalement différente, et avec un impact sensiblement plus discret, Islam Observed avait produit, d’une certaine façon, les mêmes effets élusifs quant au problème des limites culturelles : au sein d’une démarche comparatiste, culturaliste et substantialiste, qui entend se situer au cœur d’une culture — les Indonésiens, les Marocains... — , l’accent n’est mis par principe que sur les différences culturelles entre ces deux sociétés islamiques, si bien que la question du point où elles se rencontrent, et où, éventuellement, elles se confondent, n’est à peu près jamais soulevée[12].
Pourtant, ce qui fait difficulté, dans une comparaison interculturelle, n’est peut-être pas tant de déterminer et de formuler la différence que de concevoir l’identité, la « non-différence ». Cette question de la continuité des cultures, des lieux, des places où elles se rejoignent, tend désormais à être traitée, dans la recherche et, plus largement, dans les débats sur les relations euro-arabes, sous l’angle presque exclusif du transfert culturel, du passage et de l’emprunt. Cette approche a pour elle toute la légitimité historienne concevable ; elle rejoint d’ailleurs un courant récent de la recherche comparative, développé notamment autour des travaux de Michaël Werner et Michel Espagne, qui développent une analyse comparée des relations franco-allemandes à partir des transferts culturels[13]. Autant l’on peut appeler de ses vœux l’é panouissement d’un courant de recherches aussi fécond dans le contexte du monde arabe et musulman, autant il paraît improbable qu’une telle démarche suffise, dans cette configuration, d’une part à résoudre la question de la contiguïté ou de l’identité des cultures, d’autre part à éviter les effets retors que la notion même d’« emprunt » ou de transfert culturel entraînerait pour le monde arabe dans le contexte politique actuel. Le cas de l’appartenance à l’Islam n’est peut-être alors qu’une illustration extrême des limites du comparatisme et des effets culturalistes inhérents à la comparaison, lorsque celle-ci s’inscrit dans un tel contexte politique.
Il ne s’agit pas, dans cette perspective, de se demander si la comparaison est bonne à penser ou pas, et s’il faut ou non la pratiquer : le comparatisme est de toute façon, de manière explicite ou non, notre horizon de travail permanent ; consciemment ou inconsciemment, nous pratiquons en permanence le transfert de notions, de problématiques ou d’objets déjà testés dans un autre contexte et dont l’essor et le développement ont conduit notre réflexion sur le domaine d’é tudes qui nous est propre. La difficulté est plutôt de prendre la mesure de ces effets induits de la comparaison : elle réitère le postulat de la différence culturelle en raison même des termes dans lesquels elle se trouve énoncée. Dès lors que, de surcroît, elle s’é labore entre des milieux scientifiques qui ne partagent pas la même histoire et ne parlent pas la même langue conceptuelle, il y a fort à parier que cette discordance ne se résolve par le constat d’une différence culturelle.
Dans le contexte du Maghreb, comme dans d’autres cas de figure, on constate souvent, qui plus est, un net décalage dans le temps des thématiques en travail, émergentes. L’un des rares débats sur la notion de culture auxquels ait donné lieu le monde arabe sur la scène scientifique internationale fut ainsi centré sur l’œuvre de Alfred Louis Kroeber, dans ses applications directes ou indirectes à l’Islam, et ce quand l’anthropologie culturelle kroeberienne ne se déclinait déjà plus qu’au passé dans le reste du monde. Entre 1973 et 1978, ce débat mit en scène des chercheurs aussi éminents que Gustav E. von Grünebaum, Abdallah Laroui ou Jacques Berque, et, plus tardivement E. W. Said. Tous se référaient alors, de manière directe ou indirecte, à A. L. Kroeber, une référence aujourd’hui jugée, à peu d’exceptions près, insignifiante, voire caduque[14].
Il apparaît donc utile de revenir sur les termes mêmes de ces échanges et d’é clairer cet épisode théorique en particulier. D’une part, l’atonie actuelle de notre réflexion lui confère une forme d’actualité sous-jacente, de permanence tacite, d’autre part, il recèle peut-être des éléments de réponse à une question véritablement actuelle : celle de la pertinence d’une vision discrète, discontinuiste, voire pointilliste, du fait culturel, que ne saurait épuiser la seule thématique de la « négociation » et de l’emprunt.
Une comparaison en boucle
En raison de l’articulation subordonnée de la recherche sur le monde arabe au contexte scientifique français, la comparaison constitue pour eux, nolens volens, un cadre de travail et un outil conceptuel permanent. Qu’elle soit explicite, argumentée, inscrite dans des programmes de travail ou, plus fréquemment, qu’elle demeure implicite, elle s’impose toujours, d’une certaine façon, dans la référence. Quoique à des degrés divers, les spécialistes du Maghreb, en particulier, dans leur face-à-face immédiat avec l’Europe, regardent tous ailleurs, et cette tension vers d’autres lieux, d’autres domaines de la pratique scientifique, si elle est éventuellement salutaire, résulte aussi d’une crise.
Si la conjoncture est défavorable aujourd’hui au monde arabe, tous les spécialistes de l’Islam souffrent d’une situation politique qui focalise toutes les attentes sur les seuls travaux susceptibles d’é clairer et de rendre intelligible l’actualité du monde musulman. Qu’ils ne suscitent qu’un faible écho théorique en dehors de leur domaine de compétence ne saurait être résolu par le seul argument, facile et rapide, de l’ethnocentrisme ou de l’européo-centrisme des autres spécialistes (des historiens notamment, moins spontanément enclins que les anthropologues à la comparaison[15] ). La question est loin d’ê tre aussi simple. Il n’est que de songer, par exemple, parmi les historiens de la France ou de l’Europe, à l’é cho théorique des travaux sur l’Océanie, avec la figure du capitaine Cook, ou plus encore sur l’Inde, avec le modèle des castes, et sur l’Afrique, avec celui de la royauté sacrée. Il suffit ainsi de citer les noms de Marshall Sahlins, Maurice Godelier ou, plus récemment, celui de Gananath Obeyesekere[16], pour mesurer à quel point, par contraste, la recherche sur l’Islam offre peu d’attraits théoriques. À peine peut-on aujourd’hui évoquer le nom de C. Geertz pour ses travaux sur le Maroc, mais on le connaît principalement en France pour ses écrits sur Bali.
Il avait semblé pourtant, avec l’avènement d’une science sociale décolonisée, que la lecture des spécialistes d’autres aires culturelles engagerait nécessairement un dialogue de plain-pied. Ainsi les islamisants ont-ils pratiqué la comparaison, quand ils ne l’ont pas envisagée d’une manière quelque peu militante[17]. Cette ouverture résultait d’une volonté de rompre avec la clôture de l’orientalisme ; elle figurait une condition de salut. Mais avec quelques années de recul, c’est sans doute un constat d’é chec qui s’impose : dans ce contexte d’attente, la démarche comparatiste ne s’est guère révélée productive, et une auto-critique semble aussi sur ce point nécessaire.
Nous entendions en effet intégrer notre objet d’é tude à une réflexion plus universelle, voire universaliste. Or, à l’inverse, se renforce aujourd’hui un rapport d’inégalité et de subordination ; si nous empruntons des concepts, on ne sollicite pas, ou très peu, nos modèles, notre réflexion, qui ne semblent pas transposables. Ce constat est bien connu et il ne s’agit pas, ou plus, de se lamenter mais de commencer à cerner plus méthodiquement les limites de la comparaison et ses effets pervers, en renonçant à la parer de toutes les vertus. Dans quelles conditions est-elle réellement heuristique, productive, et quand ne l’est-elle pas, ou plus ?
Que l’on sollicite une comparaison, ou que l’on soit requis à cet effet, on ne saurait tenir le comparatisme pour une opération engageant des partenaires nécessairement égaux. Dans le cas du Maghreb et de la France, si le stade d’une quête permanente des équivalents — prouver l’É tat-nation au Maghreb — est dépassé, l’ancien rapport de domination incite toujours à se positionner, de manière réactive et dénégative au besoin, par rapport à des modèles injonctifs français. En second lieu, les conditions mêmes du travail scientifique rendent l’opération comparative quelque peu fictionnelle et irréaliste : en raison de la disproportion des ressources et de l’information scientifiques et de l’inégale accumulation des travaux.
Le dynamisme de certains secteurs de la recherche au Maghreb pâtit, de surcroît, d’une forme de décalage dans le temps avec la recherche occidentale. C’est ainsi que les études sur la sainteté, tant du point de vue historique qu’anthropologique ou sociologique, ont constitué, depuis une ou deux décennies, l’un des courants scientifiques les plus féconds qu’ait connu le sud de la Méditerranée, mais dans un moment où cette thématique s’essoufflait en Europe. Il ne s’agit nullement d’un retard historiographique, mais d’une combinaison entre une maturation propre des problématiques, laquelle, dans ce cas précis, s’apparentait bien souvent à la levée d’un tabou, et d’un effet-retour, réinterprété, de l’anthropologie historique de la sainteté dans le monde chrétien. Le développement plus récent encore des études sur la sainteté en Égypte donne à penser que cette forme de décalage est encore appelée à s’accentuer.
On pourrait ainsi multiplier les exemples : une réflexion sur l’archive orale s’est engagée au Maghreb depuis moins d’une décennie, soit vingt ou trente ans après que l’on eut refermé le dossier, ou peu s’en faut, dans d’autres contextes scientifiques ; les premières études d’histoire (et non pas de sociologie) des femmes commencent à voir le jour. Comment comparer dans ces conditions ? Même en admettant que l’on échappe à toute forme de paternalisme scientifique, il est illusoire de prétendre s’abstraire de ce décalage chronologique et de cette inégale élaboration de l’objet pour le saisir dans sa quintessence. Quand bien même la production d’une tradition nationale serait en cause et justifierait la comparaison, on mesure tous les malentendus et les obstacles qui résultent d’un dialogue scientifique souffrant d’un tel déséquilibre.
Plus généralement, la comparaison est à la limite toujours bancale, dès lors qu’elle se porte d’un lieu à un autre ; la parité dans ce cas de figure n’est jamais absolue. Sans doute l’inégalité des savoirs est-elle au cœur de la démarche : on a du mal à s’aventurer très loin sur le terrain de l’autre, il se trouve toujours un point au-delà duquel on doit se contenter d’en rester à des impressions, des intuitions, ou passer le relais aux spécialistes patentés, pour compenser ou équilibrer les compétences. Pourtant, la formulation même de l’objet de la comparaison est bien souvent l’occasion d’une distorsion de ce rapport. On s’empare, en effet, d’un objet déjà constitué, déjà là, et l’on va voir ailleurs, au-delà d’une borne, ou d’une frontière, si l’on en trouve l’é quivalent. Autrement dit, on impose, ou l’on appose, une histoire déjà advenue à une autre[18]. Ainsi établit-on a priori l’existence d’une frontière. Que l’on débouche sur le constat de la similitude ou sur celui de la différence, la frontière a été posée comme un principe. La comparaison, sous cet angle, peut apparaître à bon droit comme annexionniste, ethnocentrée.
Dans le cas plus général de l’Islam, il faut aussi prendre en compte un effet d’é cran plus fort que pour d’autres aires culturelles, une réticence, une opacité. Le problème qui est ici exposé, en effet, ne se confond pas avec celui de l’ethnocentrisme ; c’est au contraire le problème de notre attrait comparatiste différentiel selon les aires culturelles. Le tropisme comparatiste est de fait inégal. Certaines cultures, à l’instar de l’Inde avec le modèle des castes, attirent la comparaison de manière presque trop systématique ; d’autres, à l’inverse, rebutent la comparaison, ne sont presque jamais sollicitées dans cette perspective, ou sous le seul postulat de leur spécificité.
L’enjeu est donc moins celui d’une reconnaissance institutionnelle des spécialistes de l’Islam, qui ont une place « assignée » dans la communauté scientifique, que celui d’une prise de conscience et d’une élucidation de ce caractère supposé intransposable de la culture et de la civilisation islamiques. Plutôt que l’Islam lui-même, cette opacité, ce frein à la comparaison sont spécifiques. L’Inde, qui occupe une place plus restreinte encore que l’Islam arabe dans la formation des historiens de la France ou de l’Europe, exerce sur eux un attrait bien plus considérable. Que l’on songe au rayonnement de Louis Dumont[19], dont Homo hierarchicus demeure une référence théorique centrale pour nombre d’historiens français[20]. En regard, l’anthropologie segmentariste d’un Gellner, par exemple, n’a suscité aucun écho d’importance, hors l’aire culturelle concernée, pas même il y a vingt ans, à l’é poque où Gilles Deleuze et Félix Guattari usaient du modèle segmentaire dans Mille plateaux [21]. Le rapprochement de Gellner et Dumont paraît se justifier dans la mesure où l’un comme l’autre, et dans les mêmes années, ont été contestés par des spécialistes locaux issus de l’aire culturelle qu’ils étudiaient, et sur des bases similaires : l’argument de l’artefact notamment. Mais leur écho respectif au-delà de ce domaine d’é tude est sans commune mesure. Lorsque Alain Boureau, par exemple, dans une étude sur la royauté sacrée, s’inspire de la théorie de la segmentarité, sa référence est l’œuvre maîtresse de Evans-Pritchard, Les Nuer, et non celle, pourtant plus récente et proche, de E. Gellner, Saints of the Atlas, ouvrage consacré au Maroc et qui a inspiré l’un des courants les plus féconds de la recherche maghrébine [22]. La segmentarité se plie d’ailleurs, dans cette étude, au modèle hiérarchique de L. Dumont. On pourrait dire de manière plus générale que l’introduction de ce dernier à l’é dition française des Nuer, parue en 1968, constitue une référence sans doute plus marquante en France que l’œuvre même de Evans-Pritchard[23]. Il convient donc de prendre la mesure d’un profond clivage intellectuel, que ne dément pas même la relation d’empathie personnelle ou de familiarité toujours entretenue avec le monde arabe par de nombreux intellectuels et universitaires français notamment avec le Maghreb, mais celle-ci ne suffit pas à fonder un langage scientifique commun et des pratiques paritaires.
Pour envisager le problème d’une manière plus positive, et sans se complaire dans l’amertume, sans doute les spécialistes de l’Islam pourraient-ils tout d’abord se montrer plus réceptifs à la demande comparatiste qui émane des « occidentalistes », pour reprendre cette illusoire terminologie spéculaire qu’a notablement accréditée la réception, dans le monde arabe, d’Orientalism [24]. Ils ont en effet l’impression, en certains cas, de n’ê tre sollicités qu’en tant que chercheurs à l’exotisme de commande. La discussion thématique, théorique, peut donc être subsumée par cette assignation culturelle. Mais, par delà ce que l’on est en droit de juger parfois comme un simple effet de « chic », s’exprime une vraie demande qui pourrait constituer l’occasion d’un dialogue plus égal. Les historiens du monde occidental s’enquièrent en effet d’un regard plus anthropologique sur leur propre domaine d’é tude, non pas seulement celui de l’anthropologie historique, qui demeure interne à l’espace d’une même culture, mais un regard plus externe et globalisant. Ils sont aussi en quête d’auto-définitions culturelles, que leurs interlocuteurs, en raison de leur propre situation périphérique, tendent à ignorer. La demande d’é coute et de reconnaissance pourrait donc se révéler plus équilibrée qu’il n’y paraît à première vue.
Toutefois, les conditions mêmes dans lesquelles s’effectue la comparaison, pour le monde arabe ou musulman, et le mode de légitimité auquel, ce faisant, peuvent prétendre les chercheurs, produisent cet effet qu’elle ne démontre, le plus souvent, que la réalité de la frontière et la différence des cultures.
Le repli sur les concepts
Très souvent, pour ne pas dire presque toujours, l’attente effective, au terme de la comparaison, lorsqu’elle s’effectue dans le cadre d’un tel dialogue de culture à culture, s’avère le constat de la différence, et non pas celui de la similitude. De manière tendancielle, cette différence est notre horizon démonstratif dominant. La cause en pourrait être une extrême focalisation sur les concepts et les notions comme objets et échelles de la comparaison. Celle-ci privilégie massivement une base conceptuelle ; il est tant de rencontres scientifiques au cours desquelles on entreprend ponctuellement, homothétiquement, de rechercher un équivalent au concept de « patrimoine », d’« autorité » ou de « profane », alors même que cette échelle conceptuelle est la plus propice à engendrer des situations d’impasse[25]. Cette démarche est particulièrement fréquente chez les spécialistes du monde arabe, mais elle vaut également pour ceux du monde turc, par exemple.
La raison en est tout d’abord qu’à partir d’un terme et de la recherche de son équivalent en une autre langue, une autre culture, s’engagent aussitôt des batailles linguistiques et philologiques sans fin. Une extrême attention au sens des mots, à leur histoire et à leur variation au fil du temps est indispensable, mais la moindre nuance linguistique n’est pas nécessairement pertinente à toutes les échelles, ni toujours le meilleur moyen pour aborder toutes les questions. Ce problème est particulièrement sensible dans un domaine scientifique où la légitimité du chercheur passe par la preuve de sa maîtrise de la langue indigène. Dans le cas du monde arabe, un rapport savant, érudit, des spécialistes à leur langue d’é tude, voire une surenchère dans la quête de ses subtilités et de ses variations, produit cette conséquence que jamais ou presque, comme par principe, on ne trouvera d’exact équivalent à un concept. Des mots dont le sens ne se recoupe pas ne sauraient alors recouvrir une même réalité ou une pratique identique. Certains anthropologues du monde arabe, ou berbère, affirmeront ainsi qu’il n’est pas de terme arabe pour dire « profane » et que, par conséquent, la notion de profane n’existe pas en Islam. Une démarche aussi fortement axée sur les concepts est donc génératrice de situations de repli. Elle débouche sans surprise sur le constat de l’ineffable, de l’incommunicable et de l’irréductible spécificité des cultures[26].
Un autre effet induit de cette approche axée sur les concepts, dans une perspective comparatiste, résulte de leur forte charge emblématique. Nous continuons d’y projeter l’essence même d’une culture, voire son âme, au point de résister à toute opération traductive, dès lors qu’une de ces notions emblématiques est en jeu. Si l’on s’intéresse par exemple à la nation ou à l’É tat, on en arrive très vite à substituer à ces concepts des termes arabes, persans ou turcs, qui demeureront en transcription dans le texte, sanctionnant le renoncement à la traduction — soit une démission — , et entérinant de ce fait un repli assumé sur l’aire culturelle[27]. Que de précautions accompagnent nos réflexions sur le politique : « Non, démontre-t-on à l’infini, dawla n’est pas “ l’É tat” au sens occidental ; la “ nation” n’est pas exactement l’umma; turâth n’est pas le patrimoine. »
Et pourtant, dans certains cas ou contextes, dawla ne signifie rien de plus que l’É tat. La recherche systématique des nuances linguistiques et culturelles n’est pas toujours pertinente ni heuristique, dès lors qu’elles figurent un attendu a priori. Dans un tel repli sur l’ineffable, il faut alors prendre en compte une réaction quelque peu protectionniste ou nationaliste du chercheur indigène lié par une légitimité identitaire à son objet d’é tude. Mais la fierté du spécialiste, dont la légitimité est autre puisqu’elle résulte d’un effort externe d’apprentissage et d’acquisition, produit au bout du compte les mêmes effets, sans concession : « Que nul n’entre ici s’il n’est initié ». Si l’on assume en permanence une telle exigence herméneutique, on ne peut prétendre dans le même temps à la comparaison.
C’est pourquoi, et sans renoncer à la richesse d’un travail réflexif, philologique, sur les concepts, il apparaît bénéfique de faire porter aussi et d’abord la comparaison sur des objets plus amples, plus complexes, moins emblématiques que les concepts, qui seraient par eux-mêmes plus parlants, plus articulés, et sur lesquels il serait moins aisé de projeter rétrospectivement du sens. L’idéal serait en somme de comparer des objets plus densément porteurs de leur propre contexte, qui auraient en un mot plus de « grain », moins d’essence — quand bien même tout investissement projectif ne peut être éradiqué. Tel serait déjà le cas, par exemple, et pour en rester au registre discursif — mais la même opération pourrait être appliquée à des objets matériels — des métaphores, des tropes, dans leur dimension lexicale et discursive (le linguiste y trouvera son compte), et dans leur épaisseur historique et culturelle.
Si l’on établit une comparaison, par exemple à partir de la notion de dawla, on risque de s’enfermer d’emblée dans la perspective d’une spécificité, d’autant plus que les travaux de spécialistes aussi éminents et différents entre eux que Bernard Lewis, Bertrand Badie ou Roy P. Mottahedeh convergent dans ce sens[28]. En revanche, si l’on fait porter sa réflexion sur cette célèbre formule selon laquelle l’Islam est dîn wa dawla (religion et communauté, religion et État), alors on échappe, au moins partiellement, à ce postulat de spécificité.
D’une part, cette sentence renvoie à une problématique générale de la théocratie qui n’a rien de spécifiquement islamique (et à propos de laquelle on souhaiterait précisément aujourd’hui plus de comparatisme) ; d’autre part, l’histoire même de cette formule et de ses usages conduisent à prendre en compte une époque et une culture qui sont antérieures à l’Islam et démentent tout essentialisme islamique. Cette maxime serait en effet d’origine sassanide et elle aurait été reprise par le califat, comme l’avait notamment souligné G. E. von Grünebaum, au cours de la période abbasside[29]. La religion (dîn), à laquelle la sentence se réfère, n’est donc même pas nécessairement l’islam. Alors que la science politique disserte aujourd’hui de manière indécidable sur la valeur inclusive ou exclusive de cette copule qui lie religion et communauté ou État, on pourrait ainsi, par une attention plus marquée à l’histoire de la formule elle-même, prendre mieux conscience qu’elle se réfère aussi au rapport que l’Islam entretient à ce qui n’est pas lui. De surcroît, par l’enchaînement rhétorique, l’assonance, la réminiscence et les analogies formelles de toutes sortes, on peut lui associer d’autres formules, qui ouvrent à leur tour de nouvelles entrées comparatistes ; ainsi celle qui affirme que « l’É tat et la religion sont frères ».
Moins les concepts sont décontextualisés, et moins nous les substantialisons dans l’opération comparative. Cette échelle, déjà contextuelle, vernaculaire, qui est celle du lieu commun ou de la maxime, parce qu’elle réintroduit plus d’histoire dans l’objet lui-même, autorise moins aisément un retrait immédiat sur le postulat de la spécificité ; elle rend peu crédible l’essentialisme des concepts et de la culture, dès lors qu’elle met en lumière des vérités certes consensuelles — ou supposées l’ê tre — mais saisies dans une tension démonstrative, soit en travail.
De même, que l’on peine, ou que l’on échoue à identifier le terme qui signifie « profane » en langue arabe ne permet pas de considérer la question comme réglée : l’approche par les concepts n’est peut-être pas, en ce cas, pertinente ; nul nominalisme ne doit s’imposer a priori [30]. On peut en effet mettre en évidence d’autres formulations du profane que celle restituée par un seul concept ou un ensemble de concepts. Le célèbre « cercle de l’é quité », par exemple, ensemble de maximes en boucle très souvent cité dans la littérature politique islamique, atteste bel et bien une conception séculière du politique, profane, distincte de toute théologie politique[31].
Ces maximes disent en substance, et avec d’é ventuelles variations, qu’« il n’est pas de sultan sans armée, pas d’armée sans impôts, pas d’impôts sans prospérité des sujets, pas de prospérité des sujets sans justice, pas de justice sans sultan... » Ni l’islam ni même la référence à la religion en général n’interviennent dans cette formulation du « bon gouvernement » et de l’é conomie du politique, si bien que l’on est fondé à définir cette longue tradition islamique, présente dans les Arts de gouverner ou dans le genre chronistique, comme l’expression d’une conception profane ou a-religieuse du politique.
Cette même codification argumentaire parcourt l’ensemble du monde islamique tout au long de son histoire, mais avec une intensité variable selon les périodes et surtout les lieux. La référence au cercle de l’é quité s’avère ainsi très forte dans l’Empire ottoman et le monde persan, plus ténue ou plus discrète au Maghreb, y compris dans les Régences ottomanes — ce qui confirme, sur un mode continuiste, et à la différence de celui d’Islam Observed, la pérennité des traditions culturelles locales. L’extension, la floraison de ces tropes, redessine ainsi les contours de « nébuleuses culturelles » qui ne s’inscrivent pas nécessairement dans les limites que nous leur assignerions a priori. C’est pourquoi la notion de lieu commun, entendue en son sens littéral, paraît spécialement décrire cette sorte d’autoconfiguration ponctuelle de la culture : un lieu consensuel, une communauté de sens, où l’on se retrouve et s’y retrouve[32]. A fortiori, la même démonstration serait pertinente avec des objets plus immédiatement concrets.
Une telle perspective débouche sur une vision beaucoup plus nodulaire, ou nodale, de la culture et des cultures que ne le suppose le substantialisme des concepts. La différence ne saurait dans ce cadre s’exprimer en termes de frontière, mais en fonction d’une plus ou moins grande densité. Ainsi, l’invention du cercle de l’é quité est très fréquemment attribuée en Islam à Aristote. Même si cette attribution n’est pas unique et relève d’une invocation générique, cette référence au « Premier des maîtres » (al Mu’allam al awwal) perpétue au fil des siècles un langage et un usage communs à l’Occident et à l’Islam, soit un lieu culturel partagé. On est alors en droit de prendre en compte une forme ponctuelle d’unité culturelle, de continuité, fondée sur cette commune familiarité avec Aristote ou le Pseudo-Aristote. À une certaine échelle au moins, cette référence commune dénote l’identité ; à une autre échelle, elle dénotera la différence.
Encore faut-il s’affranchir, pour percevoir cette unité culturelle, d’un rapport culturaliste à la frontière ou aux frontières, cesser d’envisager aussi communément la culture, dans la comparaison, comme un donné. En effet, soit on se place au centre, au cœur d’une culture, et on la compare à une autre, de part et d’autre d’une ligne de séparation (c’est là la conception la plus organique de la culture, celle qui fait le plus instamment appel à des schèmes structurants relativement intangibles[33] ), soit on se place, au contraire, à sa périphérie, et l’on observe les migrations, la circulation des hommes et des idées, ou des productions matérielles. L’accent porte alors sur la culture comme système ouvert, construction permanente, mais, dans ces deux cas, l’accréditation de la frontière, d’une limite au-delà de laquelle on passe dans un autre système culturel, est inhérente à la comparaison. La tendance récente de la recherche, dans la lignée des travaux de Fredrik Barth en particulier[34], nous conduit sans aucun doute à concevoir de plus en plus une frontière labile, nécessairement mouvante et poreuse, une ligne d’é changes et non pas une barrière : pour labile qu’elle soit, sa réalité n’est pas remise en cause. D’une certaine façon, la frontière est même aujourd’hui renforcée, réaffirmée, et sur des modes très divers, plutôt qu’elle n’est contestée.
Ainsi, dans l’histoire des relations intellectuelles entre le Maghreb et la France, l’é volution de la pensée de A. Laroui sur la notion de culture, envisagée dans ses référents anthropologiques, paraît à cet égard révélatrice et exemplaire d’une réification croissante de la frontière dans les catégories intellectuelles.
Un tarissement du mouvement
En 1974, dans un ouvrage marquant, A. Laroui réfutait avec beaucoup de vigueur et d’intensité les analyses sur l’Islam de G. E. von Grünebaum, ainsi que l’anthropologie culturelle dont celui-ci s’inspirait[35]. À l’approche orientaliste de ce dernier, il reprochait une définition tout à la fois pointilliste, restrictive et réductionniste de la culture, en fonction de grands axes structurants (patterns dans le lexique de A. L. Kroeber) ; un principe d’intégration, et surtout d’é limination, aurait conduit cette démarche. Dans cette perspective orientaliste, les exemples historiques les plus divers et les plus distants dans le temps et l’espace pouvaient être mis à contribution pour accréditer une même vérité culturelle. Le résultat, comme le montrait A. Laroui, était la négation de l’histoire, si les exemples historiques constituaient une référence matricielle et permanente ; l’essentialisme fusionnait en une même réalité histoire, culture, religion et tradition[36].
L’emprunt, dans cette perspective, figurait un apport que l’on s’appropriait dans une perspective d’auto-définition culturelle contre la culture autre ; il ne constituait pas un point de fusion. Dans sa préface à la traduction française de certains des écrits de G. E. von Grünebaum, texte contemporain de celui de A. Laroui — J. Berque, pourtant beaucoup moins critique que l’historien marocain à l’é gard de cette anthropologie culturelle, plaçait aussi très explicitement cette dynamique de l’emprunt sous le signe du conflit permanent :
L’immense variété de situations qu’embrasse l’Islam ressortit [...], selon von Grünebaum, à une psychologie de l’é change et du conflit fondée sur des données aussi tranchées que permanentes. Tout sujet s’attache à travers l’emprunt et en fonction des rapports de forces, à se maintenir sa propre estime, et à combattre l’intrus avec les armes qu’il lui emprunte de bon ou de mauvais gré [37].
Or, à la source immédiate de cette inspiration, se trouvait l’un des textes les plus étonnants de A. L. Kroeber, centré sur la notion d’« œkoumène » et sur une vision diffusionniste de l’histoire culturelle[38]. A. L. Kroeber, dans cet article publié en 1946, ne trouvait pas alors de mots assez durs pour décrire l’Islam, allant jusqu’à comparer son expansion avec ce qu’aurait été la domination allemande sur le monde si le projet d’Hitler avait abouti[39]. L’exceptionnelle cohésion et l’uniformité culturelle de l’Islam, en dépit d’une aussi vaste diffusion, l’auraient désigné, en effet, comme un cas exemplaire de la dynamique des cultures, en même temps que comme un cas particulier. La clé du succès de Muhammad et de l’Islam aurait été la formation d’une structure vide, pauvre, fondée sur la restriction et le refus, sur l’opposition, une entreprise de réduction des sociétés qu’ils avaient peu à peu conquises. C’est en raison de cette identité « rétractile », selon l’expression de A. L. Kroeber, que la culture islamique se révèlerait particulièrement apte à l’emprunt et à l’expansion territoriale[40]. L’Islam manifesterait ainsi une incomparable capacité de cohésion et d’unité, sans rien apporter de spécifique à l’humanité, sans rien avoir créé ou presque en fait d’innovations culturelles[41].
Cette démonstration pour le moins tranchante était censée illustrer un principe d’expansionnisme des cultures qui justifiait la notion d’œkoumène, c’est-à-dire l’idée, selon A. L. Kroeber, qu’une culture est à la fois distincte, individualisable par des paradigmes spécifiques, interconnectée aux autres, et tissée dans une histoire qui n’est faite que d’é changes et d’emprunts [42].
L’Islam n’é tait donc mis en exergue, au bout du compte, que pour son exceptionnelle cohérence ; dans un ouvrage posthume plus généralement consacré à l’histoire, A. L. Kroeber éludait cette référence agressive à l’Islam et proposait de manière plus théorique et métaphorique, une illustration de ce même problème : comment la spécificité d’une culture, ses schèmes culturels (cultural patterns), son principe structurant (master plan) s’accommodent-ils de la dynamique d’une histoire faite d’emprunts et d’interactions permanentes[43] ? Chaque civilisation, répondait-il, est plus que la somme des éléments qui la composent (tout comme un mur est plus qu’un millier de briques), tout le problème étant, selon lui, de déterminer ce « plus que », ce « principe de coordination, ce plan plus ou moins unifiant »[44]. Or, chaque civilisation tendrait vers une cohésion croissante, à mesure que se densifient les éléments épars, atones, qui la composent initialement, et son apogée correspond au moment où son principe structurant s’est pétrifié et n’a plus de capacité d’absorption[45].
Cet aboutissement sur une thématique de l’apogée et du déclin constitue à elle seule un point essentiel de la lecture opérée par G. E. von Grünebaum des écrits de A. L. Kroeber, et l’on conçoit toute la vivacité de la réponse de A. Laroui à ces constructions théoriques dès lors qu’elles s’appliquent à l’Islam[46]. Sa réfutation vise A. L. Kroeber et l’anthropologie culturelle plus que la démarche de G. E. von Grünebaum sur laquelle, au demeurant, son analyse apparaît plus nuancée que ne le laisse paraître le ton général de l’argumentation[47].
Ainsi A. Laroui fait-il état de la difficulté des chercheurs maghrébins ou musulmans eux-mêmes à saisir le caractère touffu de l’histoire, la dispersion et le disparate des composantes de la culture. Autant il refuse « la réduction de l’histoire réelle (foisonnement d’é vénements de différents ordres, de différentes significations dans un temps vécu unique) à la culture », autant l’histoire islamique donnerait elle-même l’impression que « la temporalité culturelle est pendant une certaine époque dominante ». « Nous sommes presque poussés, écrit A. Laroui, à nous servir de la notion de système articulé, elle s’impose presque d’elle-même[48] ». Alors qu’il met en cause le réductionnisme historique propre à ce courant de l’anthropologie culturelle, il admet aussi un effet culturaliste endogène, dont l’exposé critique mérite une lecture attentive :
Bien entendu, on ne soulignera jamais assez qu’à ce propos l’histoire de l’Islam est séduisante et dangereuse. Séduisante parce qu’elle appelle le système et la structure ; tout nous est donné d’emblée dans le cadre de la culture et de l’idéologie : nous avons une théorie de la religion et peu de témoignages sur la religion vécue, une théorie de la politique et peu de documents politiques précis, une théorie de l’histoire et peu d’é vénements datés, une théorie de la structure sociale et peu d’« actes » individualisés, une théorie de l’é conomie et peu de séries chiffrées, etc. [49].
Une telle situation de déficit des recherches historiques, de l’inventaire factuel, expliquerait le repli des sciences sociales du monde arabe sur la norme :
Le danger est qu’on risque à chaque instant de confondre théorie et fait, puisque l’une est disponible, tandis que l’autre exige à la fois recherche et élaboration. C’est cette situation qui donne aux analyses culturalistes leur apparence de vérité, car la temporalité qu’elles postulent concorde avec celle que la tradition islamique elle-même a imposée. Nous sommes nous-mêmes condamnés, à un moment ou à un autre, à être ou à apparaître comme des culturalistes, mais notre rôle précisément est de ne jamais oublier que cette temporalité, celle de la tradition et celle de l’analyse culturaliste, qui semble si bien lui convenir, n’est qu’une élaboration, n’est pas la réalité nue [50].
À ces constructions normatives, à cette quête d’un axe structurant, A. Laroui suggère la substitution d’un principe d’analyse qui ferait une place à la dispersion, à l’aléa et qui ne se confondrait plus, de ce fait, avec la recherche d’un « plan unifiant »[51] :
Ce refus de réduire l’histoire à sa théorie, tout en légitimant les systématisations partielles, aboutit à une différence conceptuelle : la structure n’est pas a priori une réflexion isomorphique ; la culture n’est pas le choix primordial entre des développements possibles, mais elle est l’ensemble des œuvres culturelles, qu’elles soient au présent toutes systématisables ou non ; la correspondance ou la réduction symbolique n’est pas une détermination : c’est la limitation par un élément déterminant étranger à la culture qui rend compte de cette correspondance [52].
C’est donc dans l’interaction culturelle et le contact qu’une cohérence entre diverses productions culturelles peut se faire jour, mais dans cette configuration discrète, le départ ou la différence entre les cultures peut s’avérer « presque imperceptible[53] ». À ce stade de l’analyse, A. Laroui rend hommage à l’approche de G. E. von Grünebaum :
C’est à ce niveau qu’on peut reprendre beaucoup d’analyses de von Grünebaum où sa grande culture fait merveille. Car cette démarche seule permet d’é chapper à nos maux endémiques : l’éclectisme et l’identification immédiate à la subjectivité du passé [54].
L’argumentation de A. Laroui, qui réfute tant l’é clectisme, le pointillisme, que l’essentialisme de la culture, propose ainsi, quoique sur un mode suggestif et abstrait, une conception plus légitimement éparse de la culture, et elle admet par là même l’é ventuelle imbrication des cultures, ou la difficulté de leur identification en regard l’une de l’autre.
Or, en l’espace de dix à vingt ans, cette perspective va considérablement s’infléchir et se rigidifier. La parution d’Orientalism, entre autres facteurs, joue alors un rôle déterminant dans le durcissement des conceptions du rapport interculturel. De manière significative, dans sa lecture du texte de A. Laroui sur G. E. von Grünebaum, E. W. Said passe sous silence les nuances que l’auteur apportait à sa critique et, plus grave encore, élude la dimension « autocritique » de cette analyse : cet effet de connivence que A. Laroui mettait en relief entre l’essentialisme orientaliste et l’essentialisme vernaculaire[55]. Le texte est réduit à une réfutation pure et simple de l’orientalisme et de l’anthropologie culturelle[56].
A. Laroui lui-même, qui plus est, dans un texte sur « la dimension culturelle du dialogue euro-arabe », publié en 1986 en conclusion de Islam et modernité, développe une vision de la culture qui est désormais fondée sur un principe d’opposition[57]. D’une part, les catégories saïdiennes — « orientalisme », « occidentalisme »... — impriment leur marque à l’analyse, d’autre part, toute idée d’indistinction ou d’aléa a fait long feu. Le rapport culturel de l’Europe et du monde arabe est décrit comme interactionnel, mais sur la base d’un « principe de complémentarité », auquel A. Laroui va jusqu’à conférer une formulation mathématique. Ces deux cultures ne se définiraient qu’en s’opposant l’une à l’autre ; dans un système fini de solutions, le choix, par l’une, d’une option a suppose, pour l’autre, par souci de différenciation, le choix de l’option b[58].
L’antagonisme des cultures et leur construction antithétique passent donc au premier plan de son analyse historique des rapports entre le nord et le sud de la Méditerranée ; cette frontière régirait chaque domaine de la vie sociale et culturelle[59]. On débouche sans doute ainsi sur une vision de la culture comme négociation permanente, pour reprendre ce nouveau poncif des sciences sociales, mais au sein d’un processus de rigidification constante[60]. Au réductionnisme de l’essence, initialement réfuté par A. Laroui, s’est donc substitué un réductionnisme réactionnel, ainsi qu’une vision communautariste. La légitimité de tout élément disparate aléatoire, dans la culture, qui faisait l’originalité de sa critique de l’orientalisme, n’est plus de mise. Pour sortir de la crise qu’instaure la clôture de ce face-à-face, A. Laroui prône simplement le refus de l’exclusivisme, soit l’ouverture à d’autres cultures et à l’universel — et il suggère notamment au Maghreb, de manière assez peu réaliste, une ouverture vers le Japon[61].
Cette position n’est pas loin, en définitive, du repli et de la redynamisation interne aujourd’hui prônés par des intellectuels arabes dans la mouvance de Mohamed Al Jabri, par exemple[62]. Le choix du non-dialogue est clair dans ce dernier cas ; il n’exclut d’ailleurs pas la comparaison, mais dans le cadre d’un processus endogène de régénération[63]. La fermeture matérielle des frontières, avec la politique de restriction des visas de séjour des États européens, est assurément pour beaucoup dans ce processus de rupture et de mise à distance. En d’autres cas, cependant, le renforcement de la frontière peut résulter d’une démarche qui se voulait, à l’inverse, transculturelle. À éclairer de manière trop exclusive les phénomènes de transmission et d’é change, il arrive en effet que l’on produise les mêmes effets de réitération de la distinction des cultures.
Pour une culture de l’aléa
C’est sous le label de la transculturalité que l’on promeut aujourd’hui de grandes figures historiques, tels Averroès ou Ibn Rushd. Depuis quelques années, nombre d’intellectuels arabes appellent à la résurrection de « l’esprit de Tolède », par exemple, évoquant avec nostalgie les grandes périodes de synthèse culturelle, ce creuset que fut l’Islam dans certains contextes de son histoire, ainsi que la sagesse et la science des Grecs transmises à l’Occident par son intermédiaire... On célèbre ainsi un âge d’or de l’Islam fait de tolérance, d’ouverture aux autres — préfiguration du « droit à la différence » ? La dimension pédagogique de cette démarche, dans le contexte politique actuel, est évidente.
Elle n’en recèle pas moins des effets pernicieux, d’abord parce que le concept de tolérance entérine en soi la différence là où l’historien pourrait prendre en compte une réalité d’emblée plus complexe et métissée, et ensuite parce que le métissage lui-même, quels qu’en soient les vertus et le pouvoir de fascination, ne saurait constituer en soi un critère de valeur.
L’apologie de la mixité, toute généreuse qu’elle soit dans ses intentions, a simplement pour effet de faire reculer quelque peu la frontière, ou de révéler une « zone tampon », avec cette conséquence prévisible qu’elle confirme la subordination d’une culture à une autre. Celle de l’Islam ne vaudrait en somme que pour avoir transmis une part de la sagesse universelle et constitué un relais culturel, ou pour avoir autorisé l’é panouissement de cultures plurielles en son sein. Ainsi va-t-on sélectionner, dans cette perspective, de « bons » moments de son histoire, des personnages exemplaires, au détriment d’autres figures et périodes, plus radicalement rejetées dans l’ombre, de l’autre côté de la « vraie » frontière.
Or cette perspective du « tri » culturel n’est pas sans rapport avec les thèses de Kroeber sur le développement des cultures, non seulement pour sa vision expansionniste de l’histoire culturelle, centrée sur la détermination de « climax » ou d’apogées, mais pour sa définition en « nébuleuse » de la culture, à certains stades de son histoire tout au moins[64]. Et c’est précisément cette idée que J. Berque, lui-même continûment préoccupé par le problème du « chatoiement » de la culture, de la tension entre continuité et discontinuité, emprunte à A. L. Kroeber dans un article paru en 1970[65].
Sans doute J. Berque fait-il état de réserves quant à la philosophie de l’histoire de A. L. Kroeber, « influencée de Splengler et Toynbee », telle qu’elle est développée dans An Anthropologist Looks at History[66]. Sa lecture est critique, et ces « “ constellations” susceptibles de “ déclin” et d’“ apogée” », que A. L. Kroeber tente de mettre en évidence, J. Berque les interprète pour sa part sans concession à l’é volutionnisme :
Une idée importante nous paraît ressortir de ces travaux : celle du plus ou moins de densité dans le regroupement des différents traits d’un ensemble. Il se peut que nous tenions là un critère de diversification entre sujets, et dans l’espace et la durée de chaque sujet pris à part [67].
Dans la même perspective, et dans un autre texte contemporain de celui-ci, sa préface à L’identité culturelle de l’Islam, J. Berque affirme son admiration pour la méthode de G. E. von Grünebaum, et, à travers lui, pour l’anthropologie culturelle, dans ce qu’elle a, similairement, de chatoyant :
C’est à cette méthode peut-être qu’il doit le goût de l’induction énumérative, qui fait jaillir la thèse d’une accumulation de cas significatifs prélevés sur toute l’é tendue du champ. Cela pourrait entraîner une dislocation du sujet que l’on étudie, ou du moins sa rupture en tant que personne. Mais l’on va aussitôt le reconstruire selon les axes sélectivement dégagés [68].
De cette méthode, et en résonance avec sa propre démarche, Berque retient plus particulièrement une aptitude à nuancer le trait jusqu’à l’inverser :
Le lecteur de ce volume appréciera cette aisance magistrale, et la complémentarité d’une approche par menues touches avec une synthèse aussi ferme. Il est vrai que, par une procédure qui lui est chère, von Grünebaum finit par envelopper le direct de ses constats et par rétablir l’ambiguïté de la vie dans un discours où la nuance modifie constamment la couleur, où l’allusion infléchit le propos, le voile, ou même le conteste [69].
C’est bien cette idée de la dispersion, de la contradiction, de « systèmes partiels », comme l’é crivait A. Laroui, qu’il faudrait aujourd’hui porter au premier plan, plutôt que celle de la transmission ou du passage. S’il est entièrement légitime, en effet, et même impérieux, de développer notre connaissance des processus d’é changes, de transmission, d’influences réciproques, il apparaît qu’à mettre trop systématiquement l’accent sur ces modalités de l’acculturation réciproque, on risque de s’enfermer à nouveau dans une thématique qui n’a que trop durablement influencé les représentations de l’Islam : la thématique de l’emprunt, celle-là même que A. L. Kroeber reprend de manière si caricaturale dans son article sur l’œkoumène[70].
Par ce biais, de surcroît, on réactive une problématique de la quête constante des origines et du diffusionnisme, qui peut sans doute produire des effets bénéfiques dans d’autres contextes épistémologiques, mais qui, appliquée au monde arabe dans le présent contexte politique, nourrit souvent des réactions nationalistes plus ou moins ambiguës. Cette approche, enfin, coupe court à toute comparaison, puisqu’elle se réduit à la détermination d’une antécédence. Sans doute la question de l’origine n’est-elle pas, en soi, une question inutile — dans une perspective historique tout au moins — , mais elle produit souvent des effets assez vains et s’é puise en batailles idéologiques pour départager l’héritage.
Pourquoi ne pas revendiquer alors plus méthodiquement, sur cette scène présumée de la confrontation des cultures (mais aussi, peut-être, à l’é chelle microcosmique de la cité) une forme de droit à la non-différence, à « l’indifférence » ou, mieux encore, à l’indistinction ? Il y a de l’irréductible dans toute culture, sans quoi elle n’aurait plus de sens, mais le problème, dans ce contexte tout au moins, devient à l’inverse d’ê tre capable d’identifier et d’é noncer ce qui n’est pas spécifique. Sans récuser — et quel historien y prétendrait ? — une approche par les filiations et les passages, il s’agirait ainsi de concevoir d’emblée ce qui est déjà commun, de prendre en compte ce qui est déjà partagé. Cela conduirait à s’imprégner d’une vision plus ponctuelle, relativisée, moins pérenne, de la frontière. Dans certains cas, sur certains points ou à certaines époques, une différence culturelle entre le nord et le sud de la Méditerranée, pour en rester à cet exemple simple, n’est pas avérée ni pertinente, et, pour concevoir cette identité, au sens du même et non pas du semblable, il n’est pas besoin de passer nécessairement par Cordoue et l’Andalousie, ou par la Sicile et Palerme. Il en est de même à l’intérieur du monde musulman lui-même.
Le pointillisme de l’approche de G. E. von Grünebaum ou celui, plus ambigu encore, que conceptualisait A. L. Kroeber, prenaient sens dans la référence intangible à des « axes structurants » ; la composition disparate des cultures et leur intrication n’é taient, dans cette perspective, qu’une phase ou une apparence. Un « plan unifiant » assurait la réinterprétation et la régulation de l’emprunt. Nous mettrions aujourd’hui un accent sensiblement moins marqué sur ce « plan unifiant », renonçant par-dessus tout à l’image kroeberienne du mur de briques, au profit d’une vision plus discontinuiste et discrète de la culture. Nous pourrions ainsi concevoir une définition plus nodulaire ou ponctuelle de la frontière, qui révèlerait, d’un ensemble culturel à l’autre, des configurations communes, d’ampleur certes variable, mais sous le signe de l’identité : l’identité, non la similitude ou la coïncidence ; la continuité, et non pas nécessairement l’influence culturelle ; le même, non le semblable. Ce serait certes un « bricolage » méthodologique, mais qui pourrait constituer une solution de moyen terme entre l’universalisme utopique de la science sociale et le repli — frileux ou militant — sur l’a priori de la culture.
NOTES
[1] Sur ce type de littérature, voir notamment l’essai critique de Katia ZAKHARIA, « Usage des concepts psychanalytiques dans l’é tude du monde arabo-musulman. Réflexion critique », Arabica, XLII, 1995, pp. 235-279.
[2] Abdallah LAROUI, Islam et modernité, Paris, La Découverte, 1986.
[3] Edward W. SAID, L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Le Seuil, [1978] 1996.
[4] Voir, par exemple, Charles LINDHOLM et John A. HALL, « Les États-Unis sont-ils en train de se désintégrer ? », Le débat, 97,1997, pp. 4-184, ici pp. 168-184.
[5] Samuel P. HUNTINGTON, « The Clash of Civilizations ? », Foreign Affairs, 72-3,1993, et The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York, Simon & Scheister, 1996 (trad. fr., Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997). Voir notamment la réponse de Roy P. MOTTAHEDEH, « The Clash of Civilizations : An Islamicist’s Critique », Harvard Middle Eastern and Islamic Review, 2-2,1995, pp. 1-26.
[6] Cf. Henri BRESC et Christiane VEAUVY (dir.), Mutations d’identités en Méditerranée. Moyen  ge et époque contemporaine, Paris, Bouchene, 2000.
[7] Clifford GEERTZ, Islam Observed, New Haven, Yale University Press, 1968 (trad. fr., Observer l’islam. Changement religieux au Maroc et en Indonésie, Paris, La Découverte, 1992) ; Edward W. SAID, L’orientalisme..., op. cit. Dans la conclusion de cet ouvrage, l’auteur rend un bref hommage à l’approche de l’islam qui est celle de C. Geertz.
[8] E. W. SAID, Postface à L’orientalisme..., op. cit., p. 375.
[9] Ibid., p. 332.
[10] Voir notamment Homi K. BHABHA, The Location of Culture, Londres-New York, Routledge, 1994.
[11] Cf. James CLIFFORD, On Orientalism, Cambridge, Harvard University Press, 1988, « In the Predicament of Culture », pp. 255-276, ici pp. 274-275.
[12] Ce point a été abordé sous un autre angle dans Jocelyne DAKHLIA, « Le terrain de la vérité », Enquête, 1,1995, pp. 141-152.
[13] Voir notamment, pour une présentation de l’é tat de la question, Michel ESPAGNE, « Sur les limites du comparatisme en histoire culturelle », Genèses, 17,1994, pp. 112-121.
[14] En 1978, E. W. Said soulignait d’ailleurs cette atonie du milieu scientifique, depuis G. E. von Grünebaum, et la rareté des critiques — A. Laroui faisant exception — qu’il s’é tait vu opposer. Dans sa postface à L’orientalisme..., op. cit., comme dans ses interviews récentes, il est plus sévère encore ou désabusé à l’é gard de la recherche dans le monde arabe (voir par exemple son entretien avec H. Arfaoui et S. Hadidi dans MARS-Le monde arabe dans la recherche scientifique, 4,1994, pp. 7-22).
[15] Cf. Marcel DETIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 2000.
[16] Cf. Medusa’s Hair, Chicago, The Chicago University Press, 1981 ; The Cult of the Goddess Patini, Chicago, The Chicago University Press, 1983.
[17] Leurs travaux attestent à cet égard une gamme de lectures et une érudition souvent remarquables, mais ces comparaisons esquissées sont aujourd’hui plus rares qu’elles ne l’é taient il y a trente ans, où l’on se référait plus volontiers à des maîtres — devenus universels — tels que Claude Lévi-Strauss, Louis Dumont ou Georges Balandier.
[18] Sur la fossilisation des oppositions, se reporter à M. ESPAGNE, « Sur les limites du comparatisme... », art. cit.
[19] Louis DUMONT, Homo hierarchicus, Paris, Gallimard, 1979.
[20] Voir récemment Emmanuel LE ROY LADURIE et Jean-François FITOU, Saint-Simon ou le système de la Cour, Paris, Fayard, 1997.
[21] Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, Mille plateaux : capitalisme et schizophrénie, Paris, Éditions de Minuit, 1980.
[22] Alain BOUREAU, « Un obstacle à la sacralité royale en Occident : le principe hiérarchique », in A. BOUREAU et S. INGERFLOM (éds), La royauté sacrée dans le monde chrétien, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992, pp. 29-37. Ernest GELLNER, Saints of the Atlas, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1969. Cette importance de l’œuvre de Ernest Gellner a été néanmoins soulignée par Jean-Claude Schmitt dans une note critique sur la sainteté (« La fabrique des saints », Annales ESC, 39-2,1984, pp. 286-300).
[23] Cf. Louis DUMONT, préface à E. E. EVANS-PRITCHARD, Les Nuer, Paris, Gallimard, 1968, pp. I-XV.
[24] Se reporter à James G. CARRIER (éd.), Occidentalism. Images of the West, Oxford, New York, Clarendon Press/Oxford University Press, 1995.
[25] Voir par exemple Dominique SOURDEL, Janine SOURDEL et George MAKDISI (éds), La notion d’autorité au Moyen  ge : Islam, Byzance, Occident, Paris, PUF, 1982 ; ID., La notion de liberté au Moyen  ge : Islam, Byzance, Occident, Paris, Les Belles Lettres, 1985 ; Maurice DUVERGER (éd.), Le concept d’empire, Paris, PUF, 1980.
[26] Sur cette question, voir notamment Abdou FILALI-ANSARY, L’Islam est-il hostile à la laïcité ?, Casablanca, Le Fennec, 1997, chapitre I, « Conflit de cultures ou conflit de “ notions” ? ».
[27] Cf. Sylviane RÉMI-GIRAUD et Pierre RÉTAT (éds), Les mots de la nation, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1996.
[28] Cf. Bernard LEWIS, Le langage politique de l’islam, Paris, Gallimard, 1988 ; Bertrand BADIE, Les deux États : pouvoir et société en Occident et en terre d’Islam, Paris, Fayard, 1987 ; Roy P. MOTTAHEDEH, Loyalty and Leadership in an Early Islamic Society, Princeton, Princeton University Press, 1980.
[29] Cf. Gustav E. von GRÜ NEBAUM, L’identité culturelle de l’Islam, Paris, Gallimard, [1969] 1974.
[30] Cf. A. FILALI-ANSARY, L’Islam est-il hostile à la laïcité ?, op. cit., « Sécularisme, laïcité, ladini, ’ilmani », p. 19.
[31] Cette argumentation est développée dans Jocelyne DAKHLIA, Le divan des rois, Paris, Aubier, 1998.
[32] Bernard LEPETIT (dir.), Les formes de l’expérience : une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995.
[33] Selon la formule de G. E. von GRÜ NEBAUM, L’identité..., op. cit., p. 1 : « On peut définir une culture comme un système clos de questions et de réponses se rapportant à l’univers et au comportement humain, en toute occasion où la société reconnaît une norme impérative. »
[34] Fredrik BARTH, « Introduction », in ID., Ethnic Group and Boundaries : The Social Organization of Culture Difference, Bergen-Oslo, Universitetsforlaget, 1969, pp. 9-38.
[35] Cf. Abdallah LAROUI, « Les Arabes et l’anthropologie culturelle. Remarques sur la méthode de Gustav E. von Grünebaum », in La crise des intellectuels arabes, Paris, Maspéro, 1974, pp. 59-102. Voir également, du même auteur : « Pour une méthodologie des études islamiques : l’Islam au miroir de Gustav E. von Grünebaum », Diogène, 83,1973, pp. 4-141, ici pp. 16-42.
[36] A. LAROUI, La crise..., op. cit., voir notamment p. 82.
[37] ID., p. X.
[38] Cf. Alfred Louis KROEBER, « The Ancient Oikoumenê as a Historic Culture Aggregate », The Huxley Memorial Lecture for 1945 (1946), Journal of the Royal Anthropological Institute, 75, 1946, pp. 9-20 ; repris in The Nature of Culture, Chicago, The University of Chicago Press, 1952, pp. 379-395. Ce texte a été récemment relu et discuté par Sidney MINTZ, cf. « Enduring Substances, Trying Theories : The Caribbean Region as Oikoumenê », Journal of the Royal Anthropological Institute, 2-2,1996, pp. 89-311.
[39] A. L. KROEBER, « [...] Islam lacks some of the most significant features of other great civilizations. It had no infancy and no real growth, but sprang up Minerva-like full-blown with the life of one man, something as German world dominance would have sprung with the will of Hitler if it had become realized. », p. 381 de la deuxième publication (The Nature of Culture, op. cit.).
[40] Évoquant le déclin historique du Proche-Orient au VIIe siècle, A. L. Kroeber formule l’argument suivant : « [...] There was a chance for a reduced, retractile civilization, an anti-Hellenic, anti-Sassanian, anti-Christian civilization, to throw off the foreign cultural yoke and to establish its own free society — without art, without much intellectual curiosity or profundity, without many of the aspirations customary in civilizations — but fervid over its new autonomy and well satisfied at being at last able to impose its culture on others once more — no matter at what level — instead of having their culture and influence imposed on it. », ibid., p. 381.
[41] Même la transmission par les Arabes de la science grecque est considérablement minimisée par A. L. KROEBER (ibid., p. 383).
[42] Voir également Alfred Louis KROEBER, Configurations of Culture Growth, Berkeley, University of California Press, 1944.
[43] Alfred Louis KROEBER, An Anthropologist Looks at History, Berkeley, University of California Press, 1963.
[44] Ibid., p. 23.
[45] « We can then construe a civilization as something that achieves a degree of unity, that works from a star of more or less randomness toward increasing coherence, and that moves from amorphousness towards definiteness, from fumbling trials to decision. Any civilization will tend to move in this direction on the way towards its culmination; and its peak or apogee can be considerd to be the point beyond which the master plan no longer shows any increase in plastic coordination, but begins to fall apart, or to harden into rigidity, or both. » (Ibid., p. 23).
[46] Voir A. LAROUI, « Les Arabes et l’anthropologie culturelle... », art. cit., p. 77.
[47] Ibid., pp. 64,66,67.
[48] Ibid., pp. 89-91.
[49] Ibid., p. 92.
[50] Ibid., p. 92.
[51] Cf. A. L. KROEBER, « An Anthropologist... », art. cit., p. 23.
[52] A. LAROUI, « Les Arabes et l’anthropologie culturelle... », art. cit. p. 93.
[53] Ibid., p. 93.
[54] Ibid., p. 93.
[55] Cf. E. W. SAID, L’orientalisme..., op. cit., pp. 333-334.
[56] Ibid., pp. 332-334.
[57] A. LAROUI, Islam et modernité, op. cit., pp. 153-168.
[58] ID., pp. 155-156.
[59] « J’ai la conviction que le fait de complémentarité a présidé aux choix qu’ont fait au cours d’un millénaire Arabes et Européens dans des domaines aussi variés que la théologie (trinitarisme contre unitarisme), la métaphysique (immanence contre transcendance), l’esthétique (figuration contre abstraction), l’art militaire (infanterie contre cavalerie), l’architecture (maison ouverte contre maison fermée), urbanisme (rues orthogonales contre rues concentriques) ; je ne cite pas le costume, la toilette, la cuisine, le maintien que chacun peut encore détecter du premier coup d’œil. », A. LAROUI, Islam et modernité, op. cit., p. 156.
[60] Cf. J. CLIFFORD, On Orientalism, op. cit., p. 273.
[61] « Pour les Européens, c’est un acquis à conserver, pour les Arabes, c’est un programme à réaliser », A. LAROUI, Islam et modernité, op. cit., p. 167.
[62] Traduit en plusieurs langues européennes, Al Jabri ne l’a été que récemment et partiellement en France : cf. Mohamed AL JABRI, Introduction à la critique de la raison arabe, Paris, La Découverte, 1994. Sur l’é volution de la pensée de ces deux auteurs, voir l’article récent de Mohamed M OUAQIT, « L’horizon du post-salafisme dans la pensée de Laroui et d’al Jabri », Naqd, 11,1998, pp. 59-68.
[63] Pour une vision synthétique de ce type de position des intellectuels maghrébins au sein du monde arabe, voir par exemple Hisham SHARABI, Le néopatriarcat, Paris, Mercure de France, [1988] 1996 ; Penseurs maghrébins contemporains, Tunis, Cérès Productions, 1993.
[64] De manière moins formalisée, et plus pointilliste, cette conception est reprise par G. E. von Grünebaum. Cf. A. LAROUI, « Les Arabes et l’anthropologie culturelle... », art. cit., p. 67.
[65] Cf. Jacques BERQUE, « Qu’est-ce qu’une identité collective ? », in Échange et communication. Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss, Paris-La Haye, Mouton, 1970, pp. 467-485. Repris dans Jacques BERQUE, De l’Euphrate à l’Atlas, Paris, Sindbad, 1978, vol. I, pp. 15-36. Cette question est plus longuement traitée dans Jocelyne DAKHLIA, « Du “ polygone étoilé” au “ tapis maghrébin” : retour sur le motif », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 83/84-1/2,1997, pp. 125-134.
[66] J. BERQUE, « Qu’est-ce qu’une identité collective ? », art. cit., p. 483.
[67] Ibid., p. 483.
[68] Jacques BERQUE, « Préface », in G. E. von GRÜ NEBAUM, L’identité culturelle..., op. cit., p. IX.
[69] Ibid., p. IX.
[70] A. L. KROEBER, « The Ancient Oikoumenê... », art. cit.
Source: Cairn
Idir, l’espace kabyle et les grands espaces
Le mercredi 09 juillet 2008
![]() L'auteur-compositeur-interprète kabyle Idir est le parrain des 22e Nuits d’Afrique. |
La Presse
La Kabylie, cet espace berbère d’Algérie, a sa langue propre, ses valeurs propres, ses revendications propres, ses artistes, ses poètes, ses chantres. S’il faut nommer un seul chanteur kabyle, Idir vient en tête. Le parrain des 22e Nuits d’Afrique a la stature d’un Gilles Vigneault, d’un Félix Leclerc ou d’un Richard Desjardins.
La carrière de cet auteur-compositeur-interprète, né en 1949, remonte à son adolescence alors qu’il se destinait vers des études de géologie. Après un premier tube (Rsed A Yidess) diffusé à Radio Alger en 1973, Idir signait chez Pathé Marconi en 1975 et lançait un album réalisé à Paris: A Vava Inouva, dont la chanson-titre allait devenir un succès planétaire, c’est-à-dire distribué dans 77 pays et traduit en 15 langues.
«J’ai commencé à 17 ans, ça m’a toujours fait bizarre de voir des gens beaucoup plus âgés venir me demander conseil à partir des mots que j’écrivais dans mes chansons. Je crois qu’on m’attribuait des choses qui dépassaient de loin ma compétence. C’était l’effet du succès… C’était être là au moment où il fallait, avec les mots qu’il fallait dire à l’époque. C’est vrai que j’ai vite occupé une place à part, il ne faut pas faire de fausse modestie. Je suis un privilégié, je dépasse le cadre d’un simple chanteur.»
Le sociologue français Pierre Bourdieu, d’ailleurs, a déjà fait observer qu’Idir n’était pas un chanteur mais un membre de chaque famille qui possédait ses disques.
«À travers la tradition dont je suis tributaire, en révélant qui je suis, mes fans retrouvent une tranche de leur histoire dans la mienne.»
Jamais Idir, d’ailleurs, n’a cessé de cultiver une saine proximité avec son public kabyle, qu’il fréquente toujours : «Il est tout à fait normal pour moi d’aller chez les gens comme ça, simplement. Sans eux je ne suis rien, déconnecté, mal à l’aise, je ne peux évoluer comme il le faut. Ce sont les petites gens qui m’attirent, souvent âgées, qui ne savent ni lire ni écrire. Je suis bien en leur compagnie car on évite le superflu. On va tout de suite à l’essentiel.»
Issus d’une tradition orale jusqu’à une période encore récente, les Kabyles algériens n’ont quand même pas peur des mots, bien au contraire.
«Chez nous, la valeur du mot est énorme. Avant la modernité, les tribus kabyles en guerre faisaient s’opposer leurs poètes dans des joutes oratoires. Toutes les tribus se rendaient à l’évidence des mots les plus extraordinaires… et la guerre finissait ! Même les personnes âgées qui vivent encore d’aujourd’hui et qui n’ont pas eu d’éducation veulent d’abord savoir ce que raconte une chanson.»
Chantre de l’identité kabyle dans les années 70, Idir s’identifie aussi à l’espace berbère, qui s’étend des îles Canaries à l’Égypte, du Tchad à la Méditerranée. «On y retrouve la même base linguistique que dans la langue kabyle explique le chanteur. C’est passionnant de voir comment une civilisation qui a couvert un territoire aussi immense a pu résister dans certaines poches stratégiques. Les montagnes, le désert…»
Idir, lui, résiste en région parisienne, bien qu’il retourne très souvent en Algérie où vit encore sa vieille maman de 93 ans. Il explique sa migration: «Dans ma langue maternelle, je n’étais pas reconnu de fait en Algérie. Je n’arrivais pas à m’épanouir. J’en étais même venu à me demander si la société occidentale n’avait pas eu raison de moi, si je ne courais pas après un pays qui s’éloignait chaque jour un peu plus. L’espace kabyle subit l’arabisation à outrance, l’idéologie a pris le pas sur le reste de la vie. On a uniformisé cette région avec un chômage énorme… Je crois qu’on ne veut pas d’une région qui puisse être une conscience, une matière grise, car ça fait peur aux gens qui sont en face.»
Outre le kabyle qui constitue son premier véhicule linguistique, le français est aussi une langue d’expression pour Idir. En témoigne La France des couleurs, un album de 17 titres réalisé l’an dernier avec une foule de jeunes artistes français issus tous horizons raciaux et culturels. Jeudi soir, il compte d’ailleurs présenter un répertoire bilingue au public des Nuits d’Afrique.
«J’ai été nourri au biberon de Brel, Brassens, Ferré, Vigneault et Leclerc. Des enregistrements québécois chez moi à l’époque? Bien sûr. Nous étions des enfants de l’indépendance, nous étions ouverts, nous recevions Fidel Castro et le Che. Nous avions réussi notre révolution, nous étions le phare du Tiers-Monde, champion du non alignement. Toute l’Afrique était en marche vers la décolonisation, tu imagines la fierté d’un lycéen algérien de 17 ans? C’était une période très porteuse», souligne-t-il, sans cacher son bonheur de parrainer un festival qui célèbre l’Afrique dans toutes ses couleurs.
Cela étant, Idir ne semble plus retrouver tous ses repères dans le nouveau paysage culturel de Kabylie «Les chanteurs des plus jeunes générations, pense-t-il, font plus dans l’illustration et dans le folklorisme. Je suis profondément kabyle dans l’âme mais ça ne m’empêche pas de venir au Québec, de m’imprégner de l’Autre. Or, j’ai l’impression que là-bas, on s’en tient au kabylo-kabyle. Et ça m’énerve un petit peu. Ce n’est pas la Kabylie qui doit l’emporter chez un artiste kabyle, c’est son art. Si je te regarde, je préfère te débusquer dans ton clin d’œil, dans ta manière de sourire. Ça me renseignera plus sur toi que tes idées.»
Pour Idir, en fait, l’art est un combat du profane sur le sacré, c’est le pouvoir de dire non et donc le pouvoir de plaire, d’attirer des gens juste par la beauté du mot et d’une belle mélodie.
«En vieillissant, confie-t-il en concluant, je me suis rendu compte que la musique était quelque chose d’essentiel à mon travail. Mais j’ai longtemps cru que la musique était un prétexte pour dire un mot. Oui, j’aurais fait des joutes oratoires si j’avais vécu au 19e siècle. Et j’aurais remporté des victoires!»
Source: La Presse
Portrait: Militant de la cause nationale, historien
Mouloud Gaïd (1916-2000). Militant de la cause nationale, historien
L’instituteur, le syndicaliste et l’historien
« L’histoire est un roman qui a été. Le roman est de l’histoire qui aurait pu être car l’histoire est ce riche trésor des déshonneurs de l’homme.. »
Les Goncourt A Rome, il a acheté des pinces coupantes destinées à la ligne Morice. Auteur de plusieurs ouvrages, Mouloud était profondément imprégné de l’histoire ancestrale de notre pays. Son frère cadet Tahar a aussi été tenté par l’écriture. Ancien ambassadeur, il a à son actif de nombreux écrits, notamment sur l’Islam
Le regard est assuré, la silhouette forte. Ses lunettes à montures qui durcissent son visage anguleux lui donnent l’air d’un instituteur besogneux prêt à sevir. Instituteur et militant, tel était l’homme qui mènera de pair le combat contre l’ignorance et pour les libertés avec la même ardeur, la même détermination. Mouloud Gaïd de son nom de guerre Si Rachid, peut s’enorgueillir de ses combats ininterrompus. Les combats, il a eu à les mener très jeune quand des responsabilités lui furent confiées, alors qu’il n’avait pas atteint l’âge de la puberté. « C’était le pilier de la famille à laquelle il était très attaché. C’était une autorité morale. Il s’est substitué à ses aînés pour être le chef, confie Hadda Saïdi, son épouse. Il s’est occupé de la maison familiale à Timengache, détruite par les colons. C’est lui qui s’est chargé de la restaurer en 1962. Il était sévère, autoritaire mais un exemple de rectitude. »
Ce beau pays des Beni Yala
Son neveu, Mourad Bouchemla, garde le souvenir d’un homme accompli qui a porté à bout de bras toute la famille : « C’est lui qui a accompagné à l’aéroport de Tunis, Abane Ramdane, son ami, pour ce qui allait être son dernier voyage. ‘’Da’’ Mouloud est l’un des derniers à l’avoir vu. Il avait ses hobbies, comme l’apiculture, la botanique. Il aimait restaurer les tableaux de peinture. Mais c’est un féru d’histoire. Il était curieux et voulait tout savoir toujours en quête d’identité. C’est lui qui a mis à jour l’arbre généalogique de la famille. C’est dire son attachement aux racines. » Il est né à Guenzet, ce beau pays de Beni Yala, creuset du sacrifice et du militantisme qui a enfanté de dignes fils de l’Algérie depuis El Hachemi Bel Mouloud, Cheikh Saïd Salhi jusqu’aux martyrs de la liberté dont le premier dans ces contrées, Arezki Kehal, mort à 35 ans en 1939, défiant avec courage l’oppresseur français. Guenzet Beni Yala, que Ben Badis et El Ouartilani visitaient fréquemment, a une longue histoire d’amour et de fidélité envers le nationalisme. Comment peut-il en être autrement pour des gens fiers, pétris dans ce roc des montagnes, rétifs à toute soumission, rudes comme la nature qui les entoure. Une région déshéritée, malgré tout, et qui n’a que rarement bénéficié de l’attention des autorités. On raconte ici, que dans les années 70, Boumediène y fit une visite impromptue s’étonnant que des hommes miséreux vivaient encore dans des grottes. Actuellement, le Dr Benadouda, qui a tant servi à Belcourt, maire de Guenzet, s’attache du haut de ses 83 ans, à redorer un blason terni. Rude tâche mais non impossible. Des hommes et des femmes d’honneur tous issus de cette région, se sont sacrifiés pour Dieu et la patrie : Mouloud Belhouchet, Mohamed Bouguerra, Debbih Chérif, Abdi, Temani, Zeroual, Mohamed Zekkal, Zouaoui Lahcène, Makhlouf Zenati, Dekar Boualem, Malika Gaïd, fille de Tamengacht, infirmière diplômée de Sétif, tombée au champ d’honneur à 24 ans.
La moudjahida Khiar issue elle aussi de la région en parle avec une infinie tendresse. Si Malika, sœur cadette de Mouloud était « une révolutionnaire romantique », selon l’expression de la moudjahida Annie Steiner, Mouloud était un pragmatique. Toute sa vie a été un combat pour les siens, pour les libertés, mais aussi une quête identitaire continuelle qui transparaît à travers ses multiples ouvrages sur l’histoire, sa passion. Après une année d’école primaire à Timengache, il se retrouve à l’école Causemille de Belcourt où le père, Mohamed Amokrane, avait emmené la famille car exercant au CFRA, ancêtre de la RSTA. Mouloud passe le certificat d’études en juin 1929, puis est transféré au collège du champ de manœuvres (El Idrissi). Il passe avec succès le brevet élémentaire et supérieur en 1935 et est admis au collège de Médéa où il est diplômé en 1938. A sa sortie, il est mobilisé et rejoint les 5e tirailleurs de 1938 à 1940. Démobilisé il est nommé instituteur à Ifren (Bougie) puis est muté à Guenzet. Là, il fut déclaré « anti Français et envoyé par mesure disciplinaire au Sud, à Djrid, école réservée surtout aux nomades « qui viennent y séjourner quelques temps. » Durant l’année 43/44 il est nommé à l’école de Bou Ayachen, commune mixte des Bibans. « Ce fut là que je connus Si El Mouhoub Ouel Mouhoub, un grand savant qui fut secrétaire particulier du sultan Abdelhamid de Turquie de 1916 à 1919, puis il fut nommé consul de France à Djeddah (le premier algérien à avoir occupé cette fonction). Mouloud connut par la suite Bencheneb Saadedine et Mokdad. »
À la tête de l’UGTA
De nouveau mobilisé en avril 1943 aux 7es tirailleurs de Héliopolis (Guelma)il est démobilisé une année après pour cause de maladie. Il est nommé directeur de l’école de Zemoura. (Bibans), puis muté à Bordj Bou Arréridj. Il est membre du comité central de l’UDMA. Dès 1955, l’école est fermée, il est muté en qualité de surveillant général au collège technique de Sétif. Il est en contact avec Kaci, responsable politique de la wilaya III. Il activa d’abord dans sa région natale, premier bastion du colonel Amirouche, avec lequel il devait entretenir des relations suivies jusqu’à la mort de ce dernier au Djebel Thameur près de Bou Saâda. Au demeurant, c’est dans la maison familiale à Timengacht que se sont effectués les premiers regroupements des dirigeants de la lutte armée à quelques jours seulement du congrès de la Soummam qui devait se tenir non loin de là.
Féru d’histoire
En décembre 1955, Si Rachid tient une réunion avec Rebah Lakhdar, Abas Torki et Abane Ramdane à Djenane Bendenoune à Kouba dans le domicile qu’occupait cheikh Bachir El Ibrahimi pour hâter la naissance de l’UGTA. Mouloud est désigné adjoint de Aïssat Idir. Il fut chargé de présenter la candidature de l’UGTA à la Confédération internationale des syndicats libres dont le congrès eut lieu à Bruxelles, Aïssat ayant été arrêté quelques jours auparavant. Puis Mouloud se déplace en Tunisie pour représenter la centrale syndicale auprès des organisations internationales. En décembre 1956, il est désigné par le CEE membre de la délégation FLN à la Conférence des pays indépendants d’Afrique aux côtés de M’hamed Yazid et Benyahia. Il est chef de la délégation syndicale à la réunion des syndicats arabes au Caire, puis chargé de mission à Rome, Madrid, Tanger, Rabat, Genève, Bonn. Le 20 août 1957, il était présent à la réunion du CNRA au Caire, comme consultant de Krim en dehors des séances - C’est à cette période qu’il apprit sa condamnation par le tribunal d’Alger à 20 ans de travaux forcés par contumace. En 1958, Mouloud participe à l’exécutif du CISL à Bruxelles, ensuite au Congrès de Tunis. Puis il conduit la délégation de l’UGTA à la Conférence régionale des syndicats africains à Accra (Ghana), puis à celles de Tanger et de Tunis. En 1959, Mouloud devait être désigné à Rome, mais n’y restera qu’un mois, le représentant algérien en place ne voulant pas céder sa place et préservant coûte que coûte son poste. Mais ce mois fut riche en enseignements. Mouloud rencontra le célèbre Mateï, homme politique italien qui a élaboré la politique énergitique et industrielle de son pays d’après-guerre.
Le délégué algérien l’a sollicité pour aider les résistants algériens à transiter librement en pays transalpin. « Mateï n’y vit aucun inconvénient, sauf qu’il nous a démandé de faire une déclaration officielle, condamnant les agissements de la France, qui venait de signer des contrats avec les Américains à propos de l’exploitation des gisements de pétrole. Il craignait, qu’à l’indépendance, l’Algérie liée à des puisssances étrangères ne laisserait aucune possibilité au géant pétrolier italient ENI. » Ferhat Abbas fit la déclaration officielle condamnant tout ce qui pouvait porter atteinte à la souveraineté de l’Algérie indépendante… Mateï ne savoura pas longtemps cette bonne nouvelle puisqu’il ne tarda pas à succomber à l’attentat perpétré par la CIA. Quand le GPRA fut proclamé le 19 septembre 1958, Mouloud fut choisi par Mohamedi Saïd en qualité de directeur de cabinet. A l’indépendance, il est élu député à l’assemblée constituante (62-64). Après un passage à Air Algérie en tant que directeur commercial (1966), il retourne à l’enseignement où il est inspecteur des enseignements élémentaire et moyen. Il fait valoir ses droits à le retraite en 1971. Mais il est de nouveau sollicité en 1973 pour occuper le poste de directeur général de l’entreprise communale du Grand Alger jusqu’en 1978. Mouloud se consacre alors, à son hobby : l’écriture de l’histoire qu’il avait entamée au début des années soixante-dix avec Aguallids et Romains en Berberie (1971), L’Algérie sous les Turcs (1973), puis Histoire de Bougie et sa région (1976), Chronique des beys de Constantine (1980) Les Beni Yala (1989), Les Berbères dans l’histoire (1990), Mokrani (1993), Les Berbères en Espagne, les Berbères au service des Fatimides. De l’UDMA au FLN jusqu’à sa disparition en 2000, sa vie n’a été qu’une succession de luttes pour les libertés et l’émancipation et une quête renouvelée pour l’identité dont son combat pour la réhabilitation de la dimension amazigh. Il en était tellement imprégné et convaincu qu’il rejoint à 80 ans, en 1995 le haut commissariat à l’amazighité. L’un de ses collègues de l’époque, M. Tessa, « tire un chapeau bas à ce grand monsieur à l’enthousiasme juvénile que l’âge n’a pas émoussé. Ce monument d’intégrité, cet authentique patriote, s’est totalement dévoué à l’idéal qu’il a épousé dès sa tendre jeunesse. Son itinéraire parle pour lui. » « Ecrire et enseigner l’histoire dans le strict respect de la vérité, c’est assurer à l’égard de nos ancêtres et des générations montantes notre devoir de mémoire », aimait-il à répéter. Il était constamment en quête de cette vérité, tentant de dénouer tous les fils, laissant derrière lui une œuvre appréciable, mais hélas inachevée…
Parcours
Né en 1916 à Guenzet, il fit ses premières classes dans sa ville natale avant de les poursuivre à Alger, où la famille a rejoint le père employé dans les transports algérois. Très jeune, il s’intéresse au sort des autres. Il entre au syndicat et représente l’UGTA au Congrès de Bruxelles, étant l’adjoint de Aïssat Idir. Il a été membre du comité central de l’UDMA au congrès de Blida en 1946. Très proche de Krim Belkacem, de Abane Ramdane et du colonel Amirouche. Chargé de mission du FLN dans de nombreuses capitales étrangères, condamné par le tribunal d’Alger à 20 ans de travaux forcés par contumace en 1957. Directeur de cabinet de Mohamedi Saïd. Député à l’Assemblée constituante en 1962. Après avoir été directeur à Air Algérie, il retourne à l’enseignement en 1968. Il prend sa retraite en 1978. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire ancienne de l’Algérie éternelle.
Par Hamid Tahri
Source: El Watan ==> Edition du 10 juillet 2008
Emblèmes et chronologie sur l'Algérie
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Beylerbeys (Ottoman governors)
1516 - 1518
Aruj
1518 - 1520
Khair ad-Din (Barbarossa)
(b. c.1474 - d. 1546)
(1st time)
1525 - 1535
Khair ad-Din (Barbarossa)
(s.a.)
(2nd time)
Khalifahs
1535 - 1543
Hasan Aga
(b. c.1487 - d. 1545)
(acting for Barbarosa)
1543 - 1544
Beshir Pasha
(acting for Barbarosa)
1544 - 1546
Hasan Pasha (1st time)
(d. 1572)
(acting for Barbarosa)
Beylerbeys (Ottoman governors)
1546 - 1551
Hasan Pasha (2nd time)
(s.a.)
1551 - 1552
Khalifa Saffah (acting)
1552 - 1556
Salah Raïs
1556 - 1557
Hasan Corso (acting)
(d. 1557)
1557
Mehmed Tekkelerli
(d. 1557)
1557
Yusuf (acting)
1557
Yahya (acting)
1557 - 1561
Hasan Pasha (3rd time)
(s.a.)
1561 - 1562
Hasan Khüsro Aga (acting)
1562
Ahmad Pasha Qabia (acting)
1562 - 1567
Hasan Pasha (4th time)
(s.a.)
1567 - 1568
Mehmed Pasha (1st time)(acting)
1568 - 1577
Ölj Ali Pasha
(el-Euldj 'Ali)
1568 - 1570
Mehmed Pasha (2nd time)
(acting for Ölj Ali Pasha)
1570 - 1574
Arab Ahmed
(d. 1578)
(acting for Ölj Ali Pasha)
1574 - 1577
Qa'id Ramadan
(acting for Ölj Ali Pasha)
Pashas
1577 - 1580
Hasan Pasha Veneziano (1st time) (d. af.1588)
1580 - 1582
Jafer Pasha
1582
Qa`id Ramadan
1582 - 1588
Hasan Pasha Veneziano (2nd time) (s.a.)
1588 - 1589
Deli Ahmed Pasha
1589 - 1592
Khizr (or Haydar) Pasha
(d. 1605)
(1st time)
1592 - 1594
Shaban Pasha
1594
Mustafa Pasha (1st time)
1594 - 1596
Khizr Pasha (2nd time)
(s.a.)
1596 - 1598
Mustafa Pasha (2nd time)
1598 - 1599
Hasan Pasha Bu Risa
1599 - 1603
Süleyman Pasha
1603 - 1605
Khizr Pasha (3rd time)
(s.a.)
1605 - 1607
Köse Mustafa Pasha (1st time)
1607 - 1610
Rizvan Pasha
1610 - 1613
Köse Mustafa Pasha (2nd time)
1613 - 1616
Shaykh Huseyin Pasha (1st time)
1616
Köse Mustafa Pasha (3rd time)
1616
Süleyman Katanya
1617 - 1619
Shaykh Hüseyin Pasha (2nd time)
1619 - 1621
Sherif Koça
1621
Khizr Pasha (4th time)
1621
Mustafa Pasha
1622
Khüsrev Pasha
1622 - 1626
Murad Pasha
1627 - 1629
Hüseyin Pasha (1st time)
1629 - 1629/30
Yunus
1629/30 - 1634
Hüseyin Pasha (2nd time)
1634 - 1636
Yusuf Pasha
1636 - 1638
Abu'l-Hasan Ali Pasha
1638 - 1640
Shaykh Hüseyin Pasha
1640 - 1642
Abu Djamal Youssef Pasha
1642 - 1645
Mehmed Brusali Pasha
1645
Ali Biçnin (Bijnin) Pasha
1645 - 1647
Mahmud Brusali Pasha
1647 - 1650
Yusef Pasha
1650 - 1653
Mehmed Pasha
1653 - 1655
Ahmed Pasha (1st time)
1655 - 1656
Ibrahim Pasha (1st time)
1656 - 1658
Ahmad Pasha (2nd time)
1658 - 1659
Ibrahim Pasha (2nd time)
1659
Ismail Pasha
Aghas
1659 - 1660
Khalil Aga
(d. 1659)
1660 - 1661
Ramadan Aga
(d. 1661)
1661 - 1665
Shaban Aga
(d. 1665)
1665 - 1671
Ali Aga
(d. 1671)
Deys
1671 - 1682
Muhammad I
1682 - 1683
Hassan I Baba
(d. 1683)
1683 - 1686
Hüseyin I "Mezzo-morte"
(d. 1701/02)
1686 - 1688
Ibrahim I
1688 - 1695
Sha'ban
1695 - 1698
Ahmed I
1698 - 1699
Hassan II Chavush
1699 - Oct 1705
Mustafa I
Oct 1705 - Apr 1706 Hüseyin
II Khoja
Apr 1706 - Mar 1710 Muhammad
II Bektash
Mar 1710 - 17 Jun 1710 Ibrahim II
17 Jun 1710 - 4 Apr 1718 Ali II Shavush
(d. 1718)
4 Apr 1718 - 18 May 1724 Muhammad III
(b. 1682 - d. 1724)
18 May 1724 - 1731
Kurd 'Abdi
(b. c.1665 - d. 1731)
1731 - Nov 1745
Ibrahim III "the Old"
Nov 1745 - Feb 1748 Kücük
Ibrahim IV
Feb 1748 - 11 Dec 1754 Muhammad IV "El
Retorto" (b.
c.1684 - d. 1754)
11 Dec 1754 - Feb 1766 Ali III
(d. 1766)
Feb 1766 - 11 Jul 1791 Muhammad V
(b. 1688? - d. 1791)
11 Jul 1791 - Jun 1798 Hassan III
(d. 1798)
Jun 1798 - 1 Jul 1805 Mustafa II
1 Jul 1805 - 15 Nov 1808 Ahmed II
15 Nov 1808 - Feb 1809 Ali IV ar-Rasul
Feb 1809 - Mar 1815 Ali
V
(d. 1815)
Mar 1815 - 11 Apr 1815 Muhammad VI
11 Apr 1815 - 2 May 1817 Omar
(b. 1771 - d. 1817)
2 May 1817 - 1 Mar 1818 Ali VI Khoja
(d. 1818)
1 Mar 1818 - 5 Jul 1830 Hüseyin III
(b. 1767 - d. 1848)
Military Commanders
5 Jul 1830 - 12 Aug 1830 Louis, comte de Chaisne de
(b. 1773 - d. 1846)
Bourmont
12 Aug 1830 - 21 Mar 1831 Bertrand, comte Clauzel
(b. 1772 - d. 1842)
21 Mar 1831 - 6 Dec 1831 Pierre, baron Berthezène
(b. 1775 - d. 1847)
6 Dec 1831 - 29 Apr 1833 René Savary, duc de
Rovigo (b. 1774 - d. 1833)
22 Nov 1832 - Dec 1843 Abd-el-Kader -Emir
of Mascara (b. 1808 - d. 1883)
(Amir al-Mu´minin [also styled Sultan],
in rebellion [to 23 Dec 1847 in exile in Morocco])
29 Apr 1833 - 27 Jul 1834 Théophile, baron Voirol
(b. 1781 - d. 1853)
Governors-general
27 Jul 1834 - 8 Jul 1835 Jean Baptiste,
(b. 1765 - d. 1844)
comte Drouet d'Erlon
8 Jul 1835 - 12 Feb 1837 Bertrand, comte Clauzel
(s.a.)
12 Feb 1837 - 13 Oct 1837 Charles-Marie Denys,
(b. 1793 - d. 1837)
comte de Damrémont
11 Nov 1837 - Dec 1840 Sylvain Charles,
comte Valée (b. 1773 - d. 1846)
22 Feb 1841 - 27 Sep 1847 Thomas Robert Bugeaud,
(b. 1784 - d. 1849)
marquis de la Piconnerie,
(from 1844) duc d'Isly
1 Sep 1845 - 6 Jul 1847 Louis Juchault de Lamoricière
(b. 1806 - d. 1865)
(acting for Bugeaud)
6 Jul 1847 - 27 Sep 1847 Marie-Alphonse Bedeau
(b. 1804 - d. 1863)
(acting for Bugeaud)
27 Sep 1847 - 24 Feb 1848 Henri Eugène Philippe Louis
(b. 1822 - d. 1897)
d'Orléans, duc d'Aumale
24 Feb 1848 - 29 Apr 1848 Louis Eugène Cavaignac
(b. 1802 - d. 1857)
29 Apr 1848 - 9 Sep 1848 Nicolas Anne Théodule
Changarnier (b. 1793 - d. 1877)
9 Sep 1848 - 22 Oct 1850 Viala, baron Charon
(b. 1794 - d. 1880)
22 Oct 1850 - 10 May 1851 Alphonse Henri, comte d'Hautpoul
(b. 1789 - d. 1865)
10 May 1851 - 11 Dec 1851 Aimable-Jean-Jacques Pélissier
(b. 1794 - d. 1864)
(1st time)
11 Dec 1851 - 31 Aug 1858 Jacques Louis César Alexandre,
(b. 1795 - d. 1871)
comte de Randon
Ministers for Algeria and the colonies
31 Aug 1858 - 21 Mar 1859 Prince Napoléon Bonaparte
(b. 1822 - d. 1891)
21 Mar 1859 - 24 Nov 1860 Prosper, comte de Chasseloup-Laubat(b.
1805 - d. 1873)
Governors-general
24 Nov 1860 - 22 May 1864 Aimable-Jean-Jacques Pélissier,
(s.a.)
duc de Malakoff (2nd time)
Minister for Algeria and the colonies
22 May 1864 - 1 Sep 1864 Édouard de Martimprey
(b. 1808 - d. 1883)
Governors-general
1 Sep 1864 - 27 Jul 1870 Patrice Maurice de Mac-Mahon
(b. 1808 - d. 1893)
27 Jul 1870 - 23 Oct 1870 Louis, baron Durrieu (acting)
(b. 1812 - d. 1877)
23 Oct 1870 - 16 Nov 1870 Jean Louis Marie Walsin-Esterhazy
(b. 1804 - d. 1871)
(acting)
Extraordinary Commissioners (and prefects of Oran)
16 Nov 1870 - 8 Feb 1871 Charles du Bouzet
(b. 1817 - d. 1883)
c.Nov 1870 - Mar 1871 Romuald Vuillermoz
(Mayor of Algiers and Head of the
Committee of Defense, in rebellion)
8 Feb 1871 - 29 Mar 1871 Alexis Lambert
(b. 1829 - d. 1877)
Governors-general
29 Mar 1871 - 10 Jun 1873 Louis Henri, comte de Gueydon
(b. 1809 - d. 1886)
10 Jun 1873 - 15 Mar 1879 Antoine Eugène Alfred Chanzy
(b. 1823 - d. 1883)
15 Mar 1879 - 26 Nov 1881 Albert Grévy (acting)
(b. 1834 - d. 1899)
26 Nov 1881 - 18 Apr 1891 Louis Tirman
(b. 1837 - d. 1899)
18 Apr 1891 - 1 Oct 1897 Jules Cambon
(b. 1845 - d. 1935)
1 Oct 1897 - 26 Jul 1898 Louis Lépine
(b. 1846 - d. 1933)
26 Jul 1898 - 3 Oct 1900 Édouard Laferrières
(b. 1813 - d. 1901)
3 Oct 1900 - 18 Jun 1901 Charles Célestin Jonnart
(1st time)(b. 1857 - d. 1927)
(acting)
18 Jun 1901 - 11 Apr 1903 Paul Révoil
(b. 1856 - d. 1914)
11 Apr 1903 - 5 May 1903 Maurice Varnier (acting)
(b. 1851 - d. 19..)
5 May 1903 - 22 May 1911 Charles Célestin Jonnart
(2nd time)(s.a.)
(acting)
22 May 1911 - 29 Jan 1918 Charles Lutaud
(b. 1855 - d. 1921)
29 Jan 1918 - 29 Aug 1919 Charles Célestin Jonnart
(3rd time)(s.a.)
(acting)
29 Aug 1919 - 28 Jul 1921 Jean Baptiste Eugène Abel
(b. 1863 - d. 1921)
28 Jul 1921 - 17 Apr 1925 Théodore Steeg
(b. 1868 - d. 1950)
17 Apr 1925 - 12 May 1925 Henri Dubief (acting)
12 May 1925 - 20 Nov 1927 Maurice Viollette
(b. 1870 - d. 1960)
20 Nov 1927 - 3 Oct 1930 Pierre Louis Bordes
(b. 1870 - d. 1943)
3 Oct 1930 - 21 Sep 1935 Jules Gaston Henri Carde
(b. 1874 - d. 1949)
21 Sep 1935 - 20 Jul 1940 Georges Le Beau
(b. 1879 - d. 1962)
20 Jul 1940 - 16 Jul 1941 Jean Charles Abrial
(b. 1879 - d. 1962)
16 Jul 1941 - 20 Nov 1941 Maxime Weygand
(b. 1867 - d. 1965)
20 Nov 1941 - 20 Jan 1943 Yves Charles Chatel
(b. 1865 - d. 1944)
20 Jan 1943 - 3 Jun 1943 Marcel Peyrouton
(b. 1887 - d. 1983)
3 Jun 1943 - 8 Sep 1944 Georges Catroux
(b. 1877 - d. 1969)
8 Sep 1944 - 11 Feb 1948 Yves Chataigneau
(b. 1891 - d. 1961)
11 Feb 1948 - 9 Mar 1951 Marcel Edmond Naegelen
(b. 1892 - d. 1978)
12 Apr 1951 - 26 Jan 1955 Roger Léonard
(b. 1898 - d. 1987)
26 Jan 1955 - 1 Feb 1956 Jacques Émile Soustelle
(b. 1912 - d. 1990)
Resident ministers
1 Feb 1956 - 9 Feb 1956 Georges Catroux
(s.a.)
9 Feb 1956 - 13 May 1958 Robert Lacoste
(b. 1898 - d. 1989)
13 May 1958 - 1 Jun 1958 André Mutter
(b. 1901 - d. 1973)
13 May 1958 - 23 May 1958 Jacques Massu
(b. 1908 - d. 2002)
(president of the Committee of Public
Safety, in rebellion)
23 May 1958 - 7 Jun 1958 Jacques Massu
(s.a.)
+ Sid Cara
(b. 1902 - d. 1999)
(presidents of the Central Committee
of Public Safety, in rebellion)
Delegates-general
7 Jun 1958 - 12 Dec 1958 Raoul Albin Louis Salan
(b. 1899 - d. 1984)
12 Dec 1958 - 23 Nov 1960 Paul Albert Louis Delouvrier
(b. 1914 - d. 1995)
23 Nov 1960 - 19 Mar 1962 Jean Morin
(b. 1916)
21 Apr 1961 - 25 Apr 1961 Directorate (in rebellion)
- Maurice Challe
(b. 1905 - d. 1979)
- André Zeller
(b. 1898 - d. 1979)
- Edmond Jouhaud
(b. 1905 - d. 1995)
- Raoul-Albin-Louis Salan
(s.a.)
High commissioner
19 Mar 1962 - 3 Jul 1962 Christian Fouchet
(b. 1911 - d. 1974)
Chairman of the Provisional Executive
3 Jul 1962 - 25 Sep 1962 Abderrahmane Farès
(b. 1911 - d. 1991) FLN
Chairman of the National Constituent Assembly
25 Sep 1962 - 27 Sep 1962 Ferhat Said Ahmed Abbas
(b. 1899 - d. 1985) FLN
Presidents
27 Sep 1962 - 19 Jun 1965 Mohamed Ahmed Ben Bella
(b. 1918)
FLN
(head of state as prime minister to 20 Sep 1963)
19 Jun 1965 - 27 Dec 1978 Houari Boumedienne
(b. 1932? - d. 1978) Mil/FLN
(chairman Revolutionary Council to 11 Dec 1976)
27 Dec 1978 - 9 Feb 1979 Rabah Bitat (interim)
(b. 1925 - d. 2000) FLN
9 Feb 1979 - 11 Jan 1992 Chadli Bendjedid
(b. 1929)
FLN
11 Jan 1992 - 14 Jan 1992 Abdelmalek Benhabyles
(b. 1921)
FLN
(chairman Constitutional Council)
14 Jan 1992 - 31 Jan 1994 High State Committee
- Khaled Nezzar
(b. 1937)
Mil
- Ali Haroun
(b. 1927)
FLN
- Tedjini Haddam
(b. 1921 - d. 2000) Non-party
- Ali Kafi
(b. 1928)
FLN
(chairman from 2 Jul 1992)
- Mohamed Boudiaf
(b. 1919 - d. 1992) PRS
(16 Jan - 29 Jun 1992)(chairman)
- Redha Malek (from 2 Jul 1992) (b. 1931)
Non-party
31 Jan 1994 - 27 Apr 1999 Liamine Zéroual
(b. 1941)
Non-party/RND
(Head of State to 27 Nov 1995)
27 Apr 1999 -
Abdelaziz Bouteflika
(b. 1937)
Non-party
Presidents of the Provisional Government of the Algerian Republic
(in Tunis exile to 3 Jul 1962)
19 Sep 1958 - 27 Aug 1961 Ferhat Said Ahmed Abbas
(s.a.)
FLN
27 Aug 1961 - 27 Sep 1962 Benyoucef Ben Khedda
(b. 1920 - d. 2003) FLN
Prime ministers
27 Sep 1962 - 20 Sep 1963 Mohamed Ahmed Ben Bella
(s.a.)
FLN
8 Mar 1979 - 22 Jan 1984 Mohamed Ben Ahmed Abdelghani
(b. 1927 - d. 1996) FLN
22 Jan 1984 - 5 Nov 1988 Abdelhamid Brahimi
(b. 1936)
FLN
5 Nov 1988 - 9 Sep 1989 Kasdi Merbah
(b. 1938 - d. 1993) FLN
9 Sep 1989 - 5 Jun 1991 Mouloud Hamrouche
(b. 1943)
FLN
5 Jun 1991 - 8 Jul 1992 Sid Ahmed Ghozali
(b. 1937)
FLN
8 Jul 1992 - 21 Aug 1993 Belaid Abdessalam
(b. 1928)
FLN
21 Aug 1993 - 11 Apr 1994 Redha Malek
(s.a.)
Non-party
11 Apr 1994 - 31 Dec 1995 Mokdad Sifi
(b. 1940)
Non-party
31 Dec 1995 - 15 Dec 1998 Ahmed Ouyahia (1st time)
(b. 1952) Non-party/RND
15 Dec 1998 - 23 Dec 1999 Smail Hamdani
(b. 1930)
Non-party
23 Dec 1999 - 27 Aug 2000 Ahmed Benbitour
(b. 1946)
Non-party
27 Aug 2000 - 5 May 2003 Ali Benflis
(b. 1944)
FLN
5 May 2003 - 24 May 2006 Ahmed Ouyahia (2nd time)
(s.a.)
RND
24 May 2006 -
Abdelaziz Belkhadem
(b. 1945)
FLN
-
- Emirate of Mascara 1832-1847
Territorial Disputes: Algeria supports the exiled Sahrawi Polisario Front and rejects Moroccan administration of Western Sahara; most of the approximately 102,000 Western Saharan Sahrawi refugees are sheltered in camps in Tindouf, Algeria; Algeria's border with Morocco remains an irritant to bilateral relations, each nation accusing the other of harboring militants and arms smuggling; in an attempt to improve relations, Morocco, in mid-2004, unilaterally lifted the requirement that Algerians visiting Morocco possess entry visas - a gesture not reciprocated by Algeria; Algeria remains concerned about armed bandits operating throughout the Sahel who sometimes destabilize southern Algerian towns; dormant disputes include Libyan claims of about 32,000 sq km still reflected on its maps of southeastern Algeria and the FLN's assertions of a claim to Chirac Pastures in southeastern Morocco.
Party abbreviations: FLN = Front pour la Libération
Nationale/Jabha al Tahrir al Watani (Front for National Liberation, socialist
-only legal party 1958-1989); MSP = Mouvement de la société
pour la paix/Harakat Moudjtamaa As-Silm (Movement of the Society for Peace,
islamist);
PRS = Parti Révolutionnaire Socialiste (Revolutionary
Socialist Party); RND = Rassemblement national pour la démocratie
(National Rally for Democracy, authoritarian); Mil = Military
note: a law banning political parties based on religion
was enacted in Mar 1997.
Oasis, and Touggourt.
two départements (Saoura [Aïn Sefra] and Oasis [Ghardaia
Oasis and Touggourt]).
19 Mar 1962 France agrees to future Algerian sovereignty over the region.
3 Jul 1962
Part of independent Algeria.
Ministers for Sahara (in Paris)
13 Jun 1957 - 14 May 1958 Max Lejeune (1st time)
(b. 1909 - d. 1995)
14 May 1958 - 1 Jun 1958 Édouard Corniglion-Molinier
(b. 1899 - d. 1960)
3 Jun 1958 - 8 Jan 1959 Max Lejeune (2nd time)
(s.a.)
5 Feb 1960 - 24 Aug 1961 Robert Lecourt
(b. 1908 - d. 2004)
24 Aug 1961 - 15 Apr 1962 Louis Jacquinot
(b. 1898 - d. 1993)
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May 1509
Oran a Spanish possession.
1708 - 1732
Annexed by Algiers, part of the Ottoman Empire.
1732
Spanish rule.
Mar 1792
Re-incorporated into the Ottoman Empire.
1831
Conquered by France and incorporated into Algeria.
Governors
1509
Pedro Navarro, conde de Oliveto (b. c.1460 -
d. 1528)
1805? - 1807
Mehmed Bey Makkalas
1509 - 1510
Rui Días Álvares de Rojas
1510 - 1512
Diego Fernández de Córdoba y
Arellano, marqués de Comares
(1st time)
1512 - 1517
Martín de Argote
1517 - 1522
Diego Fernández de Córdoba y
Arellano, marqués de Comares
(2nd time)
1522 - 1523
Luis Fernández de Córdoba,
marqués de Comares (1st time)
1523 - 1525
Luis de Cárdenas
1525 - 1531
Luis Fernández de Córdoba,
marqués de Comares (2nd time)
1531 - 1534
Pedro de Godoy
1534 - 1558
Martín Alonso Fernández de
Córdoba Montemayor y Velasco,
conde de Alcaudete
1558 - 1564
Alonso de Córdoba y Fernández
de Velasco, conde de Alcaudete
1564 - 1565
Andrés Ponce de León
1565 - 1567
Hernán Tello de Guzmán
1567 - 1571
Pedro Luis Galcerán de Borja
y Castrópinos, marqués de
Navarrés
1571 - 1573
Felipe Galcerán de Borja
1573 - 1574
Diego Fernández de Córdoba,
conde de Comares (1st time)
1574 - 1575
Luis de Bocanegra
1575 - 1585
Martín de Córdoba y Velasco,
marqués de Cortes
1585 - 1589
Pedro de Padilla
1589 - 1594
Diego Fernández de Córdoba,
conde de Comares (2nd time)
1594 - 1596
Gabriel Niño de Zúñiga
1596 - 1604
Francisco de Córdoba y Velasco,
conde de Alcaudete
1604 - 1607
Juan Ramírez de Guzmán,
conde de Teba
1607 - 1608
Diego de Toledo y Guzmán
1608 - 1616
Felipe Ramírez de Arellano,
conde de Aguilar de Inestrillas
1616 - 1625
Jorge de Cárdenas Manrique,
duque de Maqueda
1625 - 1628
Antonio Sancho Davila y Toledo,
marqués de Velada
1628 - 1632
Francisco González de Andía y
Irarrazábal y Zárate, visconde
de Santa Clara de Avedillo
1632 - 1639
Antonio de Zúñiga y de la Cueva,
marqués de Flores Dávila
(1st time)
1639 - 1643
Álvaro de Bazán Manrique de Lara
y Benavides, marqués del Viso
1643 - 1647
Rodrigo Pimentel Ponce de León,
marqués de Viana
1647 - 1652
Antonio de Zúñiga y de la Cueva,
marqués de Flores Dávila
(2nd time)
1652 - 1660
Antonio Gómez Dávila Toledo
y Osorio, marqués de San Román
1660 - 1666
Gaspar Felipe de Guzmán,
duque de San Lucar
1666 - 1672
Fernando Joaquín Fajardo de
Requeséns y Zúñiga, marqués
de los Vélez
1672 - 1675
Diego de Portugal
1675 - 1678
Iñigo de Toledo y Osorio
1678 - 1681
Pedro Andrés Ramírez de Guzmán
y Acuña, marqués de Algava
1681 - 1682
Gaspar Portocarrero,
conde de la Monclova
1682 - 1683
Pedro Félix José de Silva y
Meneses, conde de Cifuentes
1683 - 1685
Juan de Villalpando, marqués
de Osera
1685 - 1687
Antonio Paniagua de Loaysa y
Zúñiga, marqués de Santa Cruz
de Paniangua
1687
Diego de Bracamonte, conde de
Bracamonte
1687 - 1691
Félix Nieto da Silva, conde
de Guaro
1691 - 1692
Jean-Louis d'Orléans, comte de
Charny
1692 - 1697
Andrés Copola, duque de Cansano
1697 - 1701
Gonzalo Arias Dávila Pacheco
Coloma y Borja, marqués
de Casasola
1701 - 1704
Juan Francisco Manrique de Araña
1704 - 1707
Carlo Carafa
1707 - 1708
Melchor Avellaneda y Sandoval
Rojas y Ramiro, marqués de
Valdecañas
1708 - 1732
Shabah Bey
(Ottoman [Wali] governor)
1732
Álvaro de Navia Osorio y Vigil,
marqués de Santa Cruz de
Marcenado
1733
Antonio Arias del Castillo,
marqués de Villadarias
1733 - 1738
José Vallejo
1738 - 1742
José Basilio de Aramburu
1742 - 1748
Alexandre de la Mothe
1748 - 1752
Pedro de Algaín, marqués
de al Real Corona
1752 - 1758
Juan Antonio de Escoiquiz
1758 - 1765
Juan Martín Zermeño (1st time)
1765 - 1768
Cristóbal de Córdoba
1767 - 1770
Victorio Alcondolo Bolognino
Visconti, conde de Bolognino
1770 - 1774
Eugenio Fernández de Álvarado y
Perales Hurtado y Colomo
1774 - 1778
Pedro Martín Zermeño (2nd time)
1778 - 1779
Luís de Carajal
1779 - 1785
Pedro Guelif
1785 - 1789
Luís de la Casas y Aragon
1789 - 1790
Manuel Pineda de la Torre y Solís,
marqués de Campo Santo
1790 - 1791
Joaquín Mayone y Ferrari,
conde de Cumbre Hermosa
1791 - 1792
Juan de Courten
Walis (governors)
1792 - 1798/99
Mehmed Bey al-Kabir
1798/99 - 1802
Osman Bey
1802 - 1805
Mustafa Bey al-Manzalah (1st time)
1805? - 1807
Mehmed Bey Makkalas
(d. 1807)
1807
Mustafa Bey al-Manzalah (2nd time)
1807 - 1812
Mehmed al-Reqid
1812 - 1817
Ali Kora Bargli
(d. 1817)
1827 - 1831
Hassan Bey
Qusantina
(Constantine)
1525
Part of Ottoman Empire (Qusantina).
1567
Beylik of Qusantina, subject to Algiers.
1826
Local Kabyle population declares independence.
13 Oct 1837
Conquered by France.
1848
Incorporated into Algeria.
Beys
1567 - 1574
Ramdane Tchulak Bey
1574 - 1588
Djaâfar Bey
1588 - 1608
Mohammed ben Ferhat Bey
1608 - 1622
Hassan Bey
1622 - 1647
Mourad Bey
1647 - 1653
Ferhat Bey
1653 - 1666
Mohamed ben Ferhat Bey
1666 - 1673
Redjeb ben Ferhat Bey
1673 - 1676
Kheireddine Bey
1676 - 1679
Abderrahmane Dali Bey
1679 - 1688
Omar Bey ben Abderrahmane
1688 - 1692
Chaâbane Bey
1692 - 1700
Ali Khodja (Hoça) Bey
(d. 1700)
1700 - 1703
Ahmed Bey ben Ferhat
1703 - 1707
Brahem el-Euldj Bey
1708
Ali Bey ben Hammouda
1708 - 1709
Hussein Chaouch
1709
Abderrahmane Bey ben Ferhat
1710
Hussein Dengizil Bey
1710 - 1713
Ali Bey ben Salah
1713 - 1736
Kelian Hussein Bey Bu Kemia
1736 - 1754
Hassan Bey ben Hussein Bu Hanek (d. 1754)
1754 - 1756
Hussein Bey Zreg Aïnou
1756 - 1771
Ahmed Bey ben Ali el Kolli
1771 - 1792
Salah Bey ben Mostefa
(b. 1725 - d. 1792)
1792
Brahem Bey Bou Sebaâ
1792 - 1795
Hussein Bou Hanek Bey
(d. 1795)
1795 - 1798
Mostefa Bey ben Slimane
(d. 1798)
el-Ouznadji
1798 - 1803
Hadj Mostefa dit Ingliz Bey
1803 - 1804
Osman Bey ben Mohamed el-Kebir Bey
1804 - 1806
Abdallah Khodja Bey ben Smaïl
1806 - 1807
Hossein Bey ben Salah Bey
1807 - 1808
Ali Bey ben Baba Ali
1808
Ahmed Chaouch el-Kebaili
1808 - 1811
Ahmed Tobal Bey
1811 - 1814
Mohamed Naâmane Bey
1814 - 1818
M'Hamed Tchaker Bey
(d. 1818)
1818
Kara Mostefa Bey
1818
Ahmed Bey Ben Abdullah el-Memlouk (d. 1822?)
(1st time)
1818 - 1819
M'Hamed Ben Daoud el-Mili Bey
1819 - Aug 1820
Brahem Khodja el-Gherbi
(d. 1820)
Oct 1820 - 1822
Ahmed Bey Ben Abdullah el-Memlouk (s.a.)
(2nd time)
1822 - 1824
Brahem Critli Bey
1824 - 1826
Mohamed Menamenni Bey ben Khan
1826 - 1848
Ahmed Bey ben Mohamed Chérif
(b. c.1784 - d. 1850)
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c.1750
Kel Ahaggar Tuareg confederation established.
1903
Under French suzerainty.
1962
Confederation not recognized by independent Algeria.
1977
Confederation terminated.
Rulers (title Amenokal)
17.. - 17..
Salah
17.. - 17..
Muhammad al-Khir ag Salah
17.. - 17..
Sidi ag Muhammad al-Khir
17.. - 1790
Yunus ag Sidi
1790 - 1830
Ag Mama ag Sidi
1830 - 1877
al-Hajj Ahmad
1877 - 1900
Aytarel ag Muhammad Biskra
1900 - 1905
Attici ag Amellal
1905 - 1920
Musa ag Amastan
(b. c.1865 - d. 19..)
1920 - 1941
Akhemuk ag Ihemma
1941 - 1950
Meslar ag Amayas
1950 - 1977
Bayy ag Akhemuk
(d. 1977)
1414
Sultanate of Tuggurt founded in southern Algeria.
1854
Abolished by French colonial authority.
Sultans
.... - ....
`Ali II
.... - ....
Mabruk (Mubarak)
.... - ....
`Ali III
.... - ....
Mustafa
.... - ....
Sulayman III
1729
Ahmad III
.... - ....
Muhammad I al-`Akhal
.... - ....
Ahmad IV
.... - ....
Farhat
.... - ....
Ibrahim
.... - ....
`Abd al-Qadir I (1st time)
+ Ahmad V
.... - ....
Khalid
.... - ....
`Abd al-Qadir I (2nd time)
175. - 1759
`Umar I bin Bu-Kumetin
1759 - 1765 Muhammad II
1765 - 1766
`Umar II bin Muhammad
1766 - 1778
Ahmad VI
1778 - 1782
`Abd al-Qadir II
1782 - 17.. Farhat II
1792
Ibrahim II
1804
al-Khazan
1804
Muhammad III
1822
`Amar (`Amir) II
1830
Ibrahim III
1831
`Ali IV bin al-Kabir
1833
`Aisha (Aichouch)(f)
1840
`Abd ar-Rahman
1852
`Abd al-Qadir III
1852 - 1854
Sulayman IV
©2000 Ben Cahoon
Les Berbères - Des tribus juives des Aurès aux mellahs des villes côtières
Les documents en notre possession permettent de penser que ce fut un judaïsme tribal, parfois sédentaire parfois nomade, ses fidèles furent nombreux parmi les tribus des Aurès, ils guerroyaient comme les autres tribus, et n’ont pas eu besoin de créer une langue judéo-berbère.
Les Juifs Berbères
L’histoire des Juifs Berbères se confond et se croise avec celle des Berbères, pour de multiples raisons que nous allons tenter de vous exposer d’après de nombreux travaux de recherche effectués par des spécialistes éminents. Les bases de cette étude passionnante repose essentiellement sur « Les Berbères » de Jean Servier, éditions PUF Que sais-je ? et sur l’admirable « Histoire des Juifs en Afrique du Nord » de André Chouraqui, éditions Hachette.
Les recherches les plus sérieuses penchent en faveur d’une origine Punique et Proche-Orientale des Berbères, de la Cyrénaïque (Lybie) au Maroc.
La langue proche du Cananéen (langue sémitique-nord), le culte plus proche des mazdéens d’Iran, les poteries et les habitats qui évoquent le Proche Orient. Le culte des saints propre au Maghreb berbère évoque également le rattachement aux lignées de prêtres et des familles sacerdotales. Rien semble-t-il , n’empêchait des populations parentes des Hébreux ou même des Juifs plus tard, de rejoindre et de s’apparenter aux populations autochtones installées dans les Aurès, ni les origines linguistiques, ni les origines culturelles. Tout ce qui touche à l’origine et à l’histoire des Berbères concerne aussi l’origine des populations juives d’Afrique du Nord, que nous sachions que des tribus berbères juives eurent existé en nombre, ne nous donne encore pas toutes les clés de compréhension de l’origine de leur existence, ni surtout de leur conversion hypothétiquement massive. Ce dont nous sommes assurés c’est qu’elles ont existé, résisté farouchement, parfois régné, et persisté sur toute l’Afrique du Nord, de la mer aux confins de l’Afrique, certains nomades, d’autres sédentaires, mais tous berbères.
Aux légendes et aux traditions orales recueillies qui s’attachent en particulier à Josué, coïncident des récits, des évocations qu’ils soient le fait du Talmud évoquant Rabbi Akiba parcourant le Maghreb et appelant à la révolte contre Rome, Hillel , ou Saint Jérôme et Saint Augustin polémiquant à propos du bon entendement de mots hébreux…etc.. André Chouraqui affirme que ce qui atteste de l’ancienneté de l’installation des Juifs en Afrique du Nord, c’est sans doute, « la persistance d’un milieu juif hébréophone, (…) Partis de la Palestine avant que l’araméen n’y supplante l’hébreu, les premiers colons juifs désormais installés en milieu punique conservaient l’usage de leur langue originelle, comprise par leurs nouveaux compatriotes. Subissant l’attirance du semblable (..)" [1] et ajoutons un accueil favorable de la population qui voyaient en eux des cousins proches.
« L’un des premiers documents qui attestent la présence des Juifs en Afrique du Nord se trouve dans la controverse de Josèphe contre Appion : Ptolémée, fils de Laghus (323-285 av. J.C.), aurait déporté cent mille juifs d’Israël en Egypte, d’où ils seraient passés en Cyrénaïque et de là, probablement, dans les autres pays du nord de l’Afrique." [2]
André Chouraqui rapporte que Saint Jérôme affirmait que les communautés juives formaient une chaîne ininterrompue depuis l’Inde jusqu’aux confins de l’Afrique.
Parentés Cananéennes
1) Monuments et épigraphie : A noter, selon Jean Servier [3] , les similarités entre les monuments tumulaires d’Algérie (Djeddars, Tombeau de la « Chrétienne » ou Medghacen) avec le tombeau dit d’Hérode à Jérusalem ou avec les motifs ornementaux préislamiques gravés dans les pierres des villes nabatéennes du Néguev (Abda, Soubeita) et que l’on retrouve en Afrique du Nord.
2) Récits : Ibn Khaldoun, historien né à Tunis en mai 1332 (1er Ramadan 732) et mort le 16 mars 1406 (le 25 du Ramadan 808), constitue la source principale de connaissance de l’origine des Berbères [4] ; après avoir décrit une population diverse, composée de nomades éleveurs de moutons et de bœufs, parfois de chameaux, parmi ces nomades « la haute classe parcourt le pays la lance à la main ; elle s’occupe également à multiplier les troupeaux et à dévaliser les voyageurs. [5]. Après avoir rapporté toutes les légendes qui circulent à leur propos, il tranche ainsi : (…) « Maintenant le fait réel, fait qui nous dispense de toute hypothèse, est ceci : les Berbères sont les enfants de Canaan fils de Cham, fils de Noé…ils reçurent leur judaïsme de leurs puissants voisins, les Israélites de Syrie. [6]. Ainsi que nous l’avons déjà énoncé en traitant des grandes divisions de l’espèce humaine. Leur aïeul se nommait Mazigh, leurs frères étaient les Gergéséens (Agrikech) ; les Philistins, enfants de Casluhim, fils de Misraim, fils de Cham, leur était apparentés. Le roi chez eux, portait le titre de Goliath (Djalout). Il y eut en Syrie, entre les Philistins et les Israélites, des guerres rapportées par l’histoire, et pendant lesquelles les descendants de Canaan et les Gergéséens soutinrent les Philistins contre les enfants d’Israël. Cette dernière circonstance aura probablement induit en erreur celui qui a fait de Goliath un Berbère, alors qu’il faisait partie des Philistins, apparentés aux Berbères . On ne doit admettre aucune autre opinion que la nôtre ; elle est la seule qui soit vraie et de laquelle on ne peut s’écarter." [7] « Cependant, Gsell attribuait l’origine de cette légende à des clercs chrétiens. [8] M. Marcel Simon y voit plus justement une idée qui serait née et se serait développée dans la littérature hébraïque. Selon le Livre des Jubilés, Cham, fils de Noé, aurait partagé l’Afrique du Nord pour l’attribuer à ses enfants. [9] Ainsi, au premier siècle avant l’ère chrétienne, époque à laquelle fut probablement rédigé le Livre des Jubilés, la légende de l’origine cananéenne des Berbères avait déjà une large diffusion. Josèphe, plus catégorique, déclare que les indigènes d’Afrique du Nord sont mieux que des Chamites, des Sémites descendant directement d’Abraham par Médian, fils de Ketura, la seconde femme d’Abraham. [10] Par la suite, la littérature rabbinique se fera à maintes reprises l’écho de cette légende qui resserre si étroitement les liens entre les Berbères et Israël biblique. [11] Un texte talmudique, considéré comme ancien par la Tossephta du II°siècle, parle de la migration en Afrique des Guirgachéens, l’une des sept peuplades cananéennes au temps de Josué. « …Guirgachi s’en alla (de Palestine spontanément à la demande de Josué) et c’est pourquoi il lui fut donné pour pays un beau patrimoine :l’Afrique… » [12] Un autre texte de la Tossephta reprend le même thème : « Il n’y a pas de peuple plus honnête que les Amorrhéens. La tradition rapporte qu’ils eurent foi en Dieu et se retirèrent de plein gré en Afrique (lors de la conquête de Canaan par Josué)." [13]
« Au Moyen Age, la légende encore présente dans la littérature juive s’enrichit ; ce ne seraient pas seulement des Cananéens mais également des descendants d’Esaü qui auraient donné naissance aux populations du nord de l’Afrique. Le Yossiphon, en effet, prétend qu’un descendant d’Esaü s’échappa d’Egypte pour se réfugier à Carthage et y fonder un peuple. [14] Pour revenir à la littérature chrétienne antérieure, un texte de Saint Augustin est particulièrement révélateur : « Demandez à nos paysans ce qu’ils sont ; ils répondent : « Des Chenani. » Dans leur patois corrompu, une lettre est tombée. Il faut entendre des Cananéens." [15] André Chouraqui poursuit ainsi, « Tels sont les divers échos de cette antique tradition. Son importance est considérable pour notre objet puisqu’elle fait des Berbères des frères de race, de langue, et nous le verrons, de religion avec les Juifs. Rapportée à la fois par des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans, elle ne pouvait être purement et simplement rejetée.(…) La vérité de la légende c’est que, dès le VIII° siècle avant notre ère, l’Afrique du Nord subit ses premières influences sémitiques aux débuts de la colonisation phénicienne." [16]
« Notons, écrit Jean Servier [17] que le nom biblique de Goliath, transcrit en arabe par Djalout, paraît proche du berbère agellid - roi - dont l’origine serait, selon moi, la peau : selon les parlers, aigiu ou ailut. Peut-être la peau d’un animal déterminé porté d’une certaine façon était-elle un insigne de fonction. Pausanias dit que l’égide que portait Athéna était un vêtement des femmes libyennes, que son nom venait d’un mot libyque : pourquoi pas Aigios - égide en grec - Aigiu en berbère ? »
3) Deux groupes ethniques selon Ibn Khaldoun : Toujours selon Jean Servier, Ibn Khaldoun propose une division ethnique des Berbères en - Botr de qui descendraient les At Betroun , une confédération de la Grande Kabylie disparue après la répression de la révolte de 1871, - Branès de qui descendraient les Zénètes nomades puis sédentarisés dans les Aurès avec les Beni Snous à la frontière algéro-marocaine, au sud de Tlemcen.
Les deux grands peuples qui habitaient autrefois les Aurès auraient disparu : les Djarawa et les Harawa, dont il ne resterait que des monuments mégalithes près de Batna. On sait que les tribus juives ou judaisées étaient issues des Branès ou Baranès sédentarisées, dont les Djarawa sont une branche essentielle à laquelle appartenait la Kahéna, reine juive berbère qui opposa une résistance farouche aux conquérants arabes. « Les autres tribus juives étaient les Nefouça, Berbères de l’Ifrikya, Les Fendelaoua, les Mediouna, les Behlouda, les Ghratha et les Fazaz, Berbères du Maghreb el-Akça. On sait que c’est chez les Botr nomades que le prosélytisme juif eut le plus grand succès. Il existait des tribus entièrement juives, et des poches ou des clans juifs à l’intérieur d’autres tribus. A travers les patronymes juifs d’Afrique du Nord parfois déformés ou francisés , on retrouve encore aujourd’hui le nom de leur tribu d’origine (Médioni, Bénichou pour Aït Ichou, Darmon pour Djarmen..)
« Analysant les causes de l’expansion du judaïsme, Marcel Simon, en plus des caractères linguistiques et religieux (…), Depuis la guerre contre Rome et les massacres de Cyrénaïque les Juifs se détournent du monde romain et, dispersés dans le continent africain, se rapprochent des Berbères. De cette époque date la première rupture profonde du judaïsme africain avec les éléments hellénistes de la Diaspora. Autre cause relevée par M. Simon : le philosémitisme des Sévères, « dynastie d’origine africaine, et sémitique de culture et d’affinités ». Par eux, les influences juives se font plus réelles dans tout l’Empire. Cette bienveillance renforce ce particularisme né des événements de Cyrène, et accroît ainsi la solidarité judéo-berbère. (…) La colonisation romaine, avec les Sévères, refoule vers le désert les Berbères nomades, et confisque au bénéfice des colons leurs terrains de parcours. (…) Ainsi, deux des principales tribus Botr, dont les terrains de parcours s’étendaient entre les confins de la Tunisie et de la Tripolitaine, avaient été imprégnées d’influences juives. Toujours selon Ibn Khaldoun, on trouve des Juifs parmi les milieux berbères de Tamina (la Chaouïa actuelle) et du Tadla (sur l’Oum er-Rebia). Dans le Touat enfin, à l’extrême nord, au Gourara, entre Tamentit et Sba Guerrara, les historiens arabes nous rapportent l’existence d’un groupement juif, dans un pays où la langue et la race des Zenata berbères se sont conservées intactes jusqu’à nos jours. Ce « royaume » devait survivre au triomphe de l’Islam et se prolonger jusqu’au XVI° siècle. La recrudescence du sentiment religieux musulman après les grandes expulsions d’Espagne devait y mettre fin par un massacre général en 1492. L’existence des Juifs nomades, dont l’importance fut soulignée par Gauthier, expliquerait ainsi la diffusion du judaïsme au-delà des sphères d’influences carthaginoises, jusqu’aux tribus judaïsées du Maghreb el-Akça (Mediouna) que mentionne encore Ibn Khaldoun, et peut-être même jusqu’en Afrique noire ." [18]
La langue berbère
Soyons simples et directs, nous ignorons encore l’origine du Berbère. « Quelques mots dans Corippe, un poète latin du VI° siècle, et seize noms de figures géométriques dans un manuscrit hébreu du IX° siècle provenant sans doute du sud de l’Espagne et qui n’a jamais été publié, et comme le signale André Basset, [19] des phrases de Baidoq du XII° siècle. » Il reste encore à déchiffrer les inscriptions lybiques, dont deux bilingues (à Dougga), Jean Servier mentionne également les inscriptions martelées volontairement par de jeunes berbères en 1953, dans un souci d’effacer toute trace préislamique, hélas cette tendance se retrouve en Libye pour les inscriptions gravées en libyque. Mais aussi ailleurs dans le monde (Afghanistan pour les Buddhas détruits, sur le Mont du Temple à Jérusalem dans sa partie administrée par les musulmans, etc..)
« Depuis longtemps des linguistes ont cherché à les rapprocher (les parlers berbères) des langues qui l’entourent géographiquement : l’égyptien et les langues sémitiques. Il faut mentionner les tentatives de Bertholon selon qui le berbère viendrait du grec. Un grand latiniste, Schuchardt, s’est demandé si le basque n’était pas le résidu de l’ibère. Dans ce cas, basque et berbère viendraient de la même souche. Le basque étant considéré comme le résidu d’un vaste groupe pré-indo-européen s’étendant jusqu’au Caucase, des linguistes allemands [20] ont envisagé une comparaison directe du caucasique et du berbère. " [21]
Chacun en effet peut être surpris de quelques similarités dans les racines basques et berbères comme celle de Aït, que l’on trouve dans les patronymes ou noms de lieux (par exemple : Aït Ichou en berbère, fils de Joseph, qui a donné le patronyme Bénichou.) Et que dire de cette confusion des esprits à propos de la terminologie employée par exemple dans « La chanson de Roland », lorsqu’il s’agit des barbaresques qui attaquent, sont-ils des basques, des berbères, ou des barbares ? tous ne formant peut-être qu’un seul ?
Cependant, le berbère est classé dans la famille des langues chamito-sémitique- nord qui incluent le cananéen, l’araméen, l’hébreu et semble-t-il le libyque. Le sémitique-sud reprend à son compte le syriaque d’où émerge l’arabe.
Mais pour André Chouraqui, nul doute que les Berbères parlèrent encore plusieurs siècles après la chute de Carthage (-813/-146 av. è.c.), le punique. Il rapporte que d’après Gsell, les autochtones du Maghreb, « par leur langue et par leurs mœurs, étaient devenus des Phéniciens ». (…) Chouraqui précise que les documents puniques les plus anciens connus, datent des IV -II° siècles avant è.c, et proviennent de Malte, de Sicile, de Sardaigne, mais il poursuit ainsi : « Saint Augustin, dans ses sermons, recourt volontiers au punique, manifestement familier à ses auditeurs, pour expliquer les termes hébraïques ou araméens de l’Ecriture. M. Simon verse au débat une nouvelle précision. Saint Augustin signale que les Circoncellions appelaient les gourdins dont ils se servaient pour convertir de force les populations au christianisme du nom d’Israël. Les redoutables sectaires appelaient ainsi les armes de leur propagande d’un nom qui signifie en hébreu « Dieu combat ». De ce détail, M. Simon induit que probablement : « Les Circoncellions et avec eux vraisemblablement de larges masses de la population rurale lisaient et comprenaient la Bible dans sa langue originelle. En cela sans doute réside l’essentiel : l’étroite parenté de l’hébreu et du punique devait, dès les origines, assurer, inévitablement, une profonde interpénétration des Juifs et des Berbères dans le Maghreb. Saint Jérôme, dont l’autorité à elle seule pourrait en la matière emporter la conviction, suivi par Priscien, insiste déjà sur les similitudes des deux langues sœurs. La science moderne confirme l’antique tradition en affirmant l’étroite parenté du punique et de l’hébreu. [22] Ces similitudes, sur lesquelles nul ne saurait trop insister, expliquent l’extraordinaire diffusion d’idées juives en Afrique du Nord préparant la voie au christianisme, puis à l’Islam." [23]
La langue berbère épouse une organisation sociale dans laquelle domine un clan restreint, celui du village, du quartier dans le village, de la famille. Elle ne sera jamais une langue de civilisation, et faute de support écrit favorisant une diffusion homogène, elle se subdivise en une infinité de dialectes (3000 à 5000 selon André Basset [24] ), qui se croisent et s’entremêlent favorisant sa disparition en faveur de l’arabe imposée par une élite citadine. »
Jean Servier note citant André Basset : « Certes, ces parlers, comme bien d’autres langues à l’origine, conviennent à des pasteurs, des arboriculteurs, des cultivateurs. Ils forment une langue concrète (..) d’autant plus fourmillante de mots pour les questions qui les préoccupent qu’ils ont une perception très aiguë des moindres nuances (..), André Basset donnant cet exemple : « un targui emploie deux verbes différents, selon qu’une bête s’accroupit pattes antérieures en avant ou repliées ». Cependant cette appréciation semble réductrice en regard des langues anciennes qui expriment aujourd’hui encore, les concepts du monde moderne (l’hébreu, le grec, le latin, l’arabe..)
La population berbère
Au Maroc, la population est d’origine tamazight - berbère - L’arabe comme langue officielle puis vernaculaire s’est imposée au moment de la conquête par les troupes arabes. Toutefois, deux groupes linguistiques se sont formés, les Irifyen, habitants du Rif dont le territoire s’étend le long de la Méditerranée sur 60 km à l’intérieur des terres et les Imazighen dont les Braber qui habitent les zones montagneuses au centre du Maroc et la partie orientale des chaînes du Haut Atlas, les Shlöh ou Ishelyen qui habitent la partie occidentale du Haut Atlas et la région du Sous, ainsi qu’un territoire limité par Demnat et Mogador, Les Drawa, à l’extrême sud du Maroc, et le dernier groupe regroupant diverses tribus dans les alentours d’Oujda.
Entre les Irifyen et les Imazighen, on ne se comprend pas, il y a une infinité de dialectes à l’intérieur de chaque groupe, due à l’absence d’une langue écrite mais également l’absence de relations sociales entre elles dit Jean Servier.
En Algérie, « une carte de répartition des parlers berbères permet de distinguer environ sept groupes, (…) » qui se sont éteints petit à petit, sur la frontière algéro-marocaine, chez les Beni Snous où en 1954, quelques hommes parlaient encore le Zénète à Beni Zidaz. Disparu aussi celui qui se situait dans la région de Marnia/Tlemcen, alors qu’il était signalé en 1863. A l’est, sur les massifs du Zakkar et de l’Ouarsenis, de la mer à la vallée du Chélif et jusqu’à Miliana, les berbérophones dits Ishenouiyen sont bilingues. Tous les groupes se comprennent. Jean Servier constate l’extinction du Berbère dans les zones isolées ou dans celles dont l’économie dépend des échanges commerciaux avec les villes arabophones, en revanche le maintien du Berbère uniquement en Kabylie en Algérie, « dans les zones de diffusion sur une grande étendue, capables de vivre sur elles mêmes, dont les échanges commerciaux se font avec des villes berbérophones . »
C’est dans la région de la Kabylie Soummam, ou petite Kabylie, au-delà de Bougie, après le Cap Carbon jusqu’au Cap Aokas, sur la côte, une région largement ouverte que le sahara, « qu’autrefois habitaient deux puissantes tribus Zenaga : les Jarawa et les Harawa et les divers groupes jadis convertis au judaïsme comme les Ouläd ‘Aziz ou arabes - venus plus tardivement - comme les Ouläd Ziyan. Ces derniers se sont fixés, venant du sahara où ils nomadisaient. »
En Tunisie, « André Basset a recensé douze villages, six chez les Matmata, (..) caractérisés par leur habitat : des grottes souterraines dans des falaises, un village perché, Tazrit, et cinq villages dans l’île de Djerba. » dans lesquels on parlait le Zénète. Quant au parler de Djerba, disparu de l’île, se retrouverait dans les rues commerçantes de Paris.
« En Libye, les premiers habitants étaient sans doute de souche berbère (..). »
L’opposition berbère aux conquérants
D’une manière générale les citadins en bordure de la côte sont davantage favorables aux conquérants qu’ils furent romains ou arabes, ils apportent stabilité et sécurité, en opposition avec les tribus berbères des massifs montagneux ou en bordure du sahara qui voient leurs activités de pillage et leur indépendance menacées. Lorsque le pouvoir romain s’imposa vers 509 av è.c jusqu’à la conquête vandale en 430, il transforma les propriétés des Puniques et des Berbères en propriété précaire du sol moyennant un tribut des vaincus, le Stipendium. Rome ne se préoccupa pas ni du droit coutumier ni de l’organisation sociale des paysans berbères. Jusqu’en 238, la domination romaine ne fut jamais remise en cause bien que des révoltes éclatèrent vite réprimées, bien qu’un chef berbère Tacfarinas, tint tête aux armées romaines durant sept années (d’après Tacite), c’était en 117 de note ère, sous Tibère). Le sénat romain n’envisagea jamais de centraliser le pouvoir localement et s’appuya sur les igelliden, chefs désignés de village pour une courte durée par le droit coutumier, qui devint un substrat de roi et parfois un chef de guerre. Selon Jean Servier, « la colonisation romaine inaugura tous les systèmes coloniaux que devait connaître l’Algérie( ..). Un problème vint se poser pour la première fois aux Romains, la rencontre de la propriété de colonisation nettement délimitée et individuelle et du terrain de parcours collectif des nomades. La solution devait servir de modèle à toutes les erreurs de l’avenir : l’expropriation des nomades ; Septime Sévère, berbère sédentaire, organisa la lutte ouverte contre le nomadisme. Certains ne se résignèrent pas à la misère sédentaire car, déjà, s’ouvrait le problème des bidonvilles : ceux-là furent rejetés, misérables, aigris et prêts à la révolte, vers le Sahara. » Une insurrection en 253, s’étendit de la Numidie à la Mauritanie césarienne, les terres furent razziées, les villages chrétiens rançonnés, la crise dura dix ans ; les tribus conservèrent alors le « goût de la dissidence ».
C’est un peuple de 80 000 personnes dirigé par Genséric, composé d’Alains, de Vandales et de Goths, dont 15 000 soldats, qui fit irruption en 429, dans l’histoire de l’Afrique du Nord. Il trouva des berbères en révolte, des garnisons romaines en décomposition. On peut s’étonner qu’alors le christianisme ne se fut pas imposé à toute la berbérie, et qu’au moment de la conquête arabe en 642, les troupes trouvèrent des tribus juives d’une certaine importance numérique.
« Les Berbères ont toujours su opposer à leurs conquérants des schismes ou des idéologies issues de la pensée même des vainqueurs. Convertis depuis peu à l’Islam, et après avoir, nous dit Ibn Khaldoun, apostasié douze fois en soixante dix ans, ils n’eurent pas d’autre arme contre l’Islam, que l’Islam lui-même, aussi purent-ils dissimuler la révolte sous le couvert d’un idéal religieux : ce fut le Kharidjisme. » écrit Jean Servier. Au X° siècle, un Imam élu fut placé à la tête du royaume de Tahert qui s’étendait du djebel Nefouça à Tiaret, opposa aux conquérants « un idéal d’ascèse et de dépouillement à une civilisation matérielle trop riche , et considérer l’enrichissement des vainqueurs comme une spoliation, même s’il provient d’une supériorité technique ou d’une organisation sociale plus cohérente. » (…) « Dans l’Aurès au sein des tribus Berghouata. Un de leurs chefs, Salih, revendiquant le titre de Prophète, composa un Coran berbère et édicta une sorte de code religieux. Les historiens arabes ont pieusement passé sous silence ces tentatives sur lesquels nous avons finalement peu de renseignements." [25]
La dynastie Abbasside règne à Bagdad, au Maroc, les Idrissides sont reconnus par toutes les tribus Zénètes de Tanger au Chétif, et de la vallée de la Soummam à Tripoli, règne la dynastie Aghlabide. « En 893, les confédérations de la vallée de la Soummam envoyèrent à La Mecque des délégués pour y étudier l’Islam », ils revinrent accompagnés d’un homme pieux qui se fera leur instructeur, Obaïd-Allah, qui appartenait à une société initiatique chi’ite. « Ainsi, arriva dans les montagnes berbères la croyance de l’Imam caché - la Maître de l’Heure - Le Mahdi, qui devait persister jusqu’à nos jours." [26] Il prit en 910 le titre de Mahdi et de Commandeur des croyants, il fonda sa capitale au sud de Monastir, Mahdiya et la dynastie des Fatimides. La prospérité et la paix régnant, cela déplut, l’austérité étant plus en rapport avec l’idéal berbère développé par un Khardjite intransigeant, qui exhortait à chasser les Fatimides et élire un gouvernement. « Les bandes d’Abou Yazid se montrèrent impitoyables pour les citadins et les propriétaires, essayant de soulever les nomades pour les entraîner à l’assaut des villes. » Fait prisonnier, il mourut en 947.
C’est sous les Zirides issus des Fatimides, qu’un retour à l’orthodoxie apparut, au XI° siècle, et jusqu’en 1602 ils firent face à l’avancée des nomades, ils donnèrent à l’Algérie son cadre citadin et moderne, fondant et développant trois villes : Alger, Miliana et Médéa. Puis de retournement en retournement, venant du Khalife du Caire qui lança les Beni Hillal, terribles tribus nomades sur les villes d’Ifriqiya qu’ils saccagèrent, puis s’insinuèrent parmi les tribus berbères formant des îlots éliminant et supplantant les tribus berbères par les Beni Slyem près de Dellys, les Beni Hosain dans la région de Zekri-Rouma et disparurent les Berbères d’Azeffoun à la Tunisie, le long de la mer. Ce fut le règne des Almoravides, tribu nomade du Sahara, qui étendit son pouvoir jusqu’à l’Espagne, dans un mode de pensée proche du Malékisme absolu. A nouveau, dit Jean Servier, une prospérité matérielle engendra la décadence de l’Islam, et la Berbérie voulut rétablir son ordre premier. Le Mahdi vint de Nedroma, qui finit par écraser les Hillaliens, le pouvoir Almoravide tomba laissant la place aux Almohades.
Les tentatives du Comte normand Roger II de prendre pied en Ifriquya, pour régner sur le commerce maritime échouèrent, il avait mis fin au règne des Zirides. Sur les ruines de l’empire Ziride, une dynastie nouvelle naquit avec les Zenata, avec pour capitale Tlemcen, tout près de la Pomaria romaine. Tlemcen sut résister à tous les sièges.
Les Espagnols occupaient certains ports et en faisaient des places fortes. Alger était un port de corsaires, avec la chute de Grenade en 1492, un afflux de population maure se faisait sentir. En 1513, un corsaire turc, Baba Arroudj, fut appelé à la rescousse, pour les sortir les musulmans des griffes espagnoles. Mais rapidement, les Algérois constatèrent que les turcs n’avaient pas d’état d’âme, la pression fiscale se faisait plus dure encore.
Baba Arroudj se fait proclamé sultan par ses soldats. Les espagnols poursuivent leurs affrontements et s’allient aux Beni Amer de Aïn-Témouchent , « la Source des chacals » et infligent à Arroudj une cinglante défaite, il fut tué en 1518 à Aïn-Témouchent. Barberousse succède à Arroudj, à qui est conféré le titre de pacha et celui de Beylerbey. Seule la Kabylie lui inflige un échec, l’obligeant à abandonner Alger. En 1542, le Turc Hassan Pacha conquiert la région et repousse les Beni Amer vers l’oued Senane, où ils tentent de contenir les tribus provenant du Maroc.
Le pays sombra frappé par la peste, les famines et les pressions turques. « Au cours de l’été 1817, il mourait, à Alger 500 personnes par jour et, au début du XIX° siècle, la population de la ville était inférieure à 30 000 habitants.
La lutte entre la France et l’Angleterre fit envisager à Napoléon de revenir à la politique de Louis XIV. Il commanda au commandant du Génie Boutin des études, sur place, qui aboutirent à un rapport : documentation de base du corps expéditionnaire français envoyé en 1830. (..) Quels qu’en aient été les prétextes, il s’est agi pour la France de mettre fin à la piraterie turque en Méditerranée et de devancer l’Angleterre qui aurait pu le faire et en nourrissait le dessein." [27]
La pensée berbère [28]
Le judaïsme fortement présent dans tout le Maghreb est à remettre dans le contexte sociologique et religieux que connaît toute la région berbère, afin de mieux appréhender les influences berbères sur les coutumes du judaïsme d’Afrique du Nord. Certaines de ces coutumes ou « croyances » subsistent encore, bien qu’elles soient battues en brêche par un judaïsme plus conforme à l’orthodoxie générale qui revient en force. Importées en Israël, le culte des saints reprend vitalité dans certaines couches de la population sépharade, cependant qu’on peut penser qu’il a toujours existé peu ou prou dans la tradition juive ancestrale. La fête de Mimouna qui clôt les huit jours de Pessah, la pâque juive, est un bel exemple de la tradition sépharade, qui trouve son origine très probable au Maroc, qui s’est importée et institutionnalisée en Israël. Qui n’a pas en souvenir des pratiques, des gestes, des postures et des paroles, mais aussi des tombeaux de saints, des pèlerinages, et des recettes de cuisine qui prennent leur racine dans la culture berbère ? la culture juive berbère. Une certaine nostalgie des origines anime cet article. Une certaine volonté de montrer combien les juifs, partout dans le monde, fraternisaient sans se fondre, fusionnaient sans s’effacer. Idéaliser l’histoire, ce n’est pas la rendre fade, mais lui restituer une humanité.
Jean Servier nous dit ceci, à propos des invariants de la pensée berbère avec lesquels les différents groupes qui s’installèrent dans le Maghreb, durent composer : « Dans la pensée méditerranéenne, les morts et les vivants sont tellement mêlés dans la vie quotidienne, associés aux mêmes gestes et aux mêmes rites, qu’il est difficile de dire si les morts sont encore liés à leurs clans terrestres, ou si les vivants participent encore ou déjà au plan des choses de l’Invisible. Les rites de passage marquent les saisons de la vie de l’homme et, comme les rites agraires, sont empreints d’un caractère funéraire venu de la volonté des vivants d’associer les morts au rythme de la vie terrestre. Le deuil, pendant longtemps, n’a pas été une manifestation de tristesse subjective, mais une attitude rituelle prescrite pour que le groupe des vivants rejoigne par la pensée ceux que les paysans appellent les gens de l’Autre vie - At Lakhert Il est impossible d’étudier un seul aspect de la vie des paysans du Maghreb, sans se référer à ce monde des morts toujours présent dans leur pensée, à ces croyances nouées autour des stèles de pierre ou de bois, auxquelles les religions révélées qui se sont implantées çà et là, comme le judaïsme, puis le christianisme avant l’Islam, ont dû, l’une après l’autre se soumettre. Les hommes cramponnés à leurs terres, autour de l’Ancêtre, suzerain invisible, protecteur, n’ont accepté les idées nouvelles que dans la mesure où elles faisaient une place aux mêmes tombeaux. Saint Augustin s’exclamant : « Notre Afrique n’est-elle pas toute semée des corps des saints martyrs » (Epist., LXXVIII, 269), reconnaissait l’existence de ces tombeaux blancs, immuables gardiens des cols, des sommets, des marchés, des villages, qui plus tard devaient devenir, pour la même raison, les saints reconnus de l’Islam maghrébin. Le christianisme a adopté les tombeaux et les hauts lieux comme ailleurs, les pierres, certains arbres et les sources ; le rigide judaïsme puis l’Islam ont accepté les morts comme intermédiaires entre les hommes et l’Invisible, leur ajoutant une couronne de pieuses vertus et de miracles, monotones dans leur répétition. »
Les traditions populaires ont montré leur force tranquille, les tombeaux ont traversé les millénaires, tandis que les différentes civilisations conquérantes sont passées. « Les paysans ont demandé aux morts, à leurs saints protecteurs la fécondité des champs, des étables et des maisons, parce que c’est leur rôle dans l’harmonie de l’univers ; les morts donnent cette fécondité parce qu’ils la doivent aux vivants, leurs alliés par la viande partagée des sacrifices et les repas pris en commun. Ainsi s’équilibrent, dans la pensée méditerranéenne la vie et la mort nécessaires l’une à l’autre. Il n’y a pas de prêtre à cette religion, il ne peut y en avoir. Chaque chef de famille, chaque maîtresse de maison ont seuls le pouvoir d’accomplir - selon leur sexe - les rites particuliers qui affermissent sur la terre, le groupe humain dont ils ont la charge. Les manifestations de ce culte ont pu, pendant longtemps s’accommoder de toutes les religions révélées. » et réciproquement.
« (…) Cette pensée est dualiste (…). Dans les conceptions du nord de l’Afrique, le corps humain à l’image de l’univers est formé de couples. Le mot qui désigne la « personne » avec le sens réfléchi est dans les parlers berbères un masculin pluriel iman. Il est habité par deux âmes : une âme végétative nefs et une âme subtile, ou souffle rruh [29] . A l’âme végétative correspondent les passions et le comportement émotionnel, elle est portée par le sang, son siège est dans le foie. A l’âme subtile ou souffle correspond la volonté, elle circule dans les os, son siège est dans le cœur. De nombreux proverbes illustrent cette conception profondément enracinée dans l’esprit des paysans : Nefs, l’âme végétative est le principe venu de la mère ; erruh l’âme subtile, vient de l’Invisible. Dans l’union sexuelle, l’homme accomplit un acte de possession, analogue à celui du laboureur qui prend possession d’un champ, par le tracé du premier sillon. La terre fournit la matière nécessaire, mais la graine déposée porte en elle la mystérieuse fécondité venue de l’Invisible qui la fait germer, au lieu de pourrir. De là, par exemple, une conséquence importante dans les institutions : la femme ne peut prendre possession de la terre. Elle ne peut labourer ; en conséquence, pendant longtemps, elle n’a pu prétendre à un héritage foncier, ceci à l’encontre des différentes interprétations du droit musulman, aux termes desquelles la femme peut hériter d’une part égale à la moitié, au tiers, ou au quart de la part d’un héritier mâle. (…) Il n’y a à la base, aucun « mépris » pour la femme, simplement la conséquence d’une certaine conception du monde et de la place de l’homme dans le monde. »
Quand le foie tremble, l’œil pleure Là où le cœur arrive, le pied marche.
« (…). Le rite essentiel du culte des saints est le pèlerinage qui, suivant l’importance de la tombe vénérée, groupe les habitants d’un quartier, les membres d’une tribu ou rassemble une foule de dévots venus par trains spéciaux de tous les coins du Maghreb. L’essentiel du pèlerinage est un sacrifice accompli près du tombeau, suivi d’un repas communiel unissant les vivants entre eux et le groupe des vivants à l’Invisible au nom de l’Intercesseur. Cette alliance peut être rappelée aux moments critiques de l’année agraire ou de la vie humaine. Lorsque le sacrifice a été accompli, le repas terminé, les fidèles emportent avec eux des signes tangibles de la protection du saint : feuilles de l’arbre sacré, poignée de semoule du repas communiel ou de terre prise près du sanctuaire. Des jeux funéraires viennent disperser l’ambiance sacrée : jeux de balle, tir à la cible, jeux équestres. De tous ces jeux se dégage la notion d’agôn, de lutte entre les deux principes sècheresse et humidité - ce qui confère à l’issue de ces jeux une valeur oraculaire : la réponse du Protecteur à ses fidèles. Une particularité s’ajoute à ce contexte musulman : l’autorité morale, spirituelle, des descendants vrais ou supposés - au terme de généalogies impossibles à vérifier - de ces saints personnages sur tout un groupe, parfois très étendu. » donnant naissance à des confréries, ou à des fondateurs de villages, en caste. »
Comment les Juifs s’inscrivent-ils dans l’histoire des Berbères ?
C’est le Judaïsme pour la pensée et le monothéisme selon Jean Servier, et plus tard le Christianisme, fortement présents parmi ces populations des Aurès, qui ont préparé le terrain à l’accueil de l’Islam, qu’il se soit imposé par la force ou par la persuasion, les esprits étaient déjà emprunts de l’Unicité et de l’abstraction de Dieu. L’histoire de la conquête arabe a fait le reste.
1) Comment aborder la judaïsation des Berbères ? a) Une influence juive, première certitude : Selon Marcel Simon les Juifs d’Afrique du Nord qui avaient reflué vers le sud et qui avaient retrouvé une vie patriarcale, exercèrent une influence profonde sur des populations sédentaires qui pratiquèrent un syncrétisme judéo-punique. [30] « Les Abeloniens et les Caelicoles que nous connaissons par ce que nous en disent saint Augustin et le Code théodosien sont des sectes composées de Juifs échappant à l’orthodoxie palestinienne, et de païens judaïsants recrutés principalement parmi les Sémites et, plus spécialement, les Phéniciens. [31] Familiers avec la Bible, ces judéo-puniques pratiquent la circoncision et se situent, selon la remarque de M. Simon, « sur les confins indistincts du judaïsme, du christianisme et paganisme sémitique [32] ». Cependant, les Chrétiens et les Romains sont d’accord pour les considérer comme des Juifs (…) [33] . André Chouraqui observe que la tendance au syncrétisme constitue « un des invariants de l’histoire juive en Afrique du Nord », et Marcel Simon relève que « le judaïsme n’avait, au contraire (du prestige d’un Empire), d’autre moyen que les armes immatérielles de la prédication. » « Ces armes sont l’idée monothéiste, le loi morale, les beautés d’une liturgie tout entière inspirée de la Bible [34] . Et les Berbères, largement sémitisés par des siècles d’influences carthaginoises, auront tendance à délaisser leurs fétiches pour accroître le nombre des fidèles ou des sympathisants de la synagogue. Tertullien, au III° siècle, nous rapporte comment les Berbères observaient le shabbat, les jours de fête et de jeûne, les lois alimentaires juives. Commodien, toujours au III° siècle, combat déjà ces païens hésitants qui n’adhèrent pleinement ni au christianisme ni au judaïsme. Enfin, un témoignage épigraphique confirme encore les traces de l’influence juive sur les populations berbères : dans la nécropole de l’ancienne Hadrumète, on a retrouvé, datant le l’époque romaine, une tablette de plomb qui contenait une invocation au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob pour que se rapprochent deux êtres séparés. Exorcisme, peut-être, confirmant l’invincible goût berbère pour les pratiques magiques, mais révélateur surtout de la place qu’avait prise dans la vie du pays l’influence de la prédication juive . » [35]
b) Les hypothèses à propos de la judaïsation des Berbères : Deux postulats d’historiens s’affrontent, celui de Hirschberg et celui de Marcel Simon.
« Pour Hirschberg, la judaïsation des Berbères de l’Afrique du Nord et des Soudanais de l’Afrique noire (…) repose sur des hypothèses fragiles. [36] (…) et appuie sa thèse sur deux faits principaux : le silence que les historiens arabes gardent à ce sujet jusqu’au XII° siècle et l’absence de tout témoignage écrit dans les sources juives d’Afrique du Nord, d’Espagne ou de Babylonie. Il est difficile d’admettre - toujours selon Hirschberg - que ce phénomène ait eu lieu à l’époque byzantine ou aux premiers siècles de la conquête arabe, à l’apogée de l’islamisation intensive des Berbères, c’est-à-dire à partir des X° et XI° siècles. Théoriquement, cette période de la judaïsation en masse des Berbères, dont parle Ibn Khaldoun, se limiterait à un laps de temps de deux ou de trois cents ans, entre la défaite de la chrétienneté byzantine et l’affermissement de l’Islam, c’est-à-dire du VIII° au X° siècle. A cette époque les docteurs de Babylonie ; il paraît impossible, prétend Hirschberg, que ce phénomène extraordinaire de judaïsation des Berbères n’ait laissé aucune trace chez les auteurs juifs, chez les poètes, ou les auteurs de midraschim postérieurs, pas plus que dans la littérature des Responsa. De même le silence gardé à ce sujet par les historiens arabes durant les premiers siècles de la conquête et de l’islamisation de l’Afrique du Nord serait tout aussi inexplicable. On ne saurait les accuser d’un mutisme voulu puisqu’ils relatent avec beaucoup de détails la judaïsation des tribus du Hmyer au sud de l’Arabie. Un autre argument de Hirschberg est l’absence de toute influence culturelle ou linguistique berbère dans la littérature rabbinique de l’Afrique du Nord. Hirschberg admet cependant les traditions des Berbères et des Soudanais judaïsés : elles convergent de diverses sources, de plusieurs lieux et de différentes époques (…). Aussi essaye-t-il d’expliquer l’existence de ces traditions et de « certains » éléments ethniques berbères parmi les Juifs ». (…) La grande dispersion des communautés juives, …du désert et de l’Afrique noire jusqu’au Niger, le long des voies commerciales, aurait favorisé la transmission de traditions parmi les groupements juifs éloignés. L’intégration ethnique et religieuse des Juifs, dans la population musulmane, de gré ou sous la menace de mort, aurait donné naissance à des légendes sur des prosélytes juifs qui seraient revenus à l’Islam. Il se pourrait, admet pourtant Hirschberg, qu’une influence juive se soit exercée sur des Berbères pendant la période préislamique et durant les premiers siècles de la conquête arabe, avant que la population autochtone et soudanaise n’embrasse la foi musulmane ; cette influence aurait pu aller jusqu’à la judaïsation de certains de leurs groupements. Ces conversions auraient manqué d’ampleur (…) car la mentalité berbère n’est pas favorable aux étrangers . » [37] Sauf à penser que les groupements juifs n’étaient précisément pas exogènes aux Berbères ! Toutefois, Hirschberg attribue aux « séquelles ethniques » une incidence des mariages mixtes davantage qu’à un prosélytisme organisé. Mentionnons également les résultats d’une exploration anthropologique rapportée par André Chouraqui, et « entreprise par Briggs, pendant les années 1954 à 1961, parmi les Juifs de Ghardaïa, au Mzab, dans le sud algérien, selon laquelle les Juifs du Mzab algérien semblent appartenir, du point de vue de la race, à la grande famille méditerranéenne, dans sa forme archaïque, qui conserve les traits sémiologiques des Berbères des régions septentrionales du Maroc et de l’Algérie, fort différents des populations du Sahara ou des autres groupements juifs [38] . »
Hirschberg fort d’un judaïsme traditionnellement peu enclin à convertir, demeure persuadé que la judaïsation massive des Berbères fut improbable. Quant à André Chouraqui dont l’expérience de l’Afrique du Nord n’est pas à démontrer, dit combien les Juifs d’Afrique du Nord offraient un panel très contrasté par « leurs noms et leurs prénoms, leurs dialectes, leurs accents, leurs coutumes, leurs habillements, leurs traditions familiales », j’ajouterais par leurs recettes de cuisine et leurs rivalités. Cela malgré la pratique d’une religion commune. Chouraqui met l’accent avec justesse sur la valeur des traditions orales et coutumières dans ces contrées où l’écrit se fait rare. Notamment, il évoque le récit selon lequel « un groupe d’au moins sept rabbis seraient venus de la Terre Sainte à une époque très ancienne pour judaïser la population berbère. I. Ben Ami situe cette époque aux premiers siècles de l’ère chrétienne, alors que le prosélytisme juif était en pleine expansion en Afrique du Nord, ce qui avait suscité les réactions des Pères de l’Eglise. Citons parmi ces saints vénérés par les Juifs et par les Musulmans, Moulay Inrid à Aït -Tamazer, Moulay Tamaran à Aït-Bouzo, Moul el-Bit à Aït-Chouaïb et rabbi Ihya el-Hlou à Ksar el-Souk »
Si ce récit est avéré, cela suppose une forte demande provoquée par un nombre important de candidats à la conversion, et un besoin de renfort compétent. C’est après le 1er siècle de notre ère, que les candidats doivent répondre à des « épreuves » difficiles, pour pouvoir rejoindre la communauté juive.
Chouraqui évoque également l’attrait particulier qu’exerce sur les païens la science des rabbis, notamment dans l’Empire romain dans lequel les aristocrates ont recours à l’utilisation de talismans , et aux incantations, ils ont aussi recours aux rabbis pour l’utilisation de « noms sacrés » hébreux, comme dans les talismans grecs parmi les chrétiens, les Coptes ou les païens. Une pratique contre laquelle saint Augustin s’élève. « Rabbi Hochaya, un docteur cité dans le Talmud de Jérusalem, contemporain des Sévères, demande si les prosélytes libyens doivent être soumis à un délai de trois générations avant d’être intégrés au sein d’Israël, comme l’exige la loi mosaïque pour le prosélyte égyptien ou iduméen (Deut. XXIII-9). [39] »
Ces récits de sources juives, romaines et chrétiennes, plaident en faveur d’un prosélytisme juif qui concerna particulièrement les sédentaires puniques et libyens, d’après Chouraqui, qui rapporte encore « une consultation de la communauté de Sgelmesse concerne la consommation de sauterelles mortes. D’autres questions relèvent du droit des conjoints, du mode de vie nomade, qui n’est pas toujours compatible avec les prescriptions religieuses de la vie sédentaire.
Le deuxième point de vue plaide en faveur d’un processus de conversion continu, massif mais néanmoins en harmonie culturelle, conséquence naturelle « d’une cohabitation séculaire avec les Hébreux. »Le retentissement limité s’expliquerait par la dispersion des groupements nomades, alors qu’il existe déjà peu de traces écrites des groupements sédentaires. Les questions parvenues aux centres de Babylonie révèlent des pratiques étrangères au judaïsme, et un savoir rudimentaire. Le niveau des questions ne nécessitant pas qu’elles paraissent en jurisprudence, ou bien a-t-il suscité le dédain de « l’aristocratie sacerdotale » de l’époque, pour qu’il soit futile de les mentionner ? ou bien encore, par égard pour les prosélytes et afin de ne pas les diminuer dans leur approche du judaïsme, n’est-il pas fait mention de leur existence.
Enfin, « La force des croyances ancestrales et des usages est telle qu’elle résiste aux mutations religieuses du groupe. L’absence des documents sur l’expansion de l’hébraïsme en milieu berbère s’explique amplement par le fait que nous sommes en milieu de tradition orale. La culture berbère, imprégnée elle-même d’influences sémitiques, depuis la domination carthaginoise, était pauvre (contes, légendes, proverbes, poèmes) ; mais les Juifs berbérophones des pays « Schleuh » et « amazig » avaient en plus de leurs dialectes vivants et de leur folklore une littérature orale et religieuse dont il ne s’est malheureusement conservé que des vestiges. [40] » Chouraqui rapporte que les recherches de Zafrani sur l’enseignement traditionnel juif au Maroc, lui font observer que « parmi les groupes berbérphones l’hébreu reste pour tous la langue principale de la liturgie et de l’enseignement traditionnel. Le berbère est utilisé comme langue d’explication et de traduction des textes sacrés, au même titre que les autres communautés ont recours au judéo-arabe, au judéo-espagnol ou au yiddish. Certaines prières dont les bénédictions de la Torah étaient récitées uniquement en berbère. Hirschberg semble ignorer l’existence de cette littérature juive berbère comprenant des commentaires et des traductions des textes sacrés qui se transmettaient oralement. Zafrani a étudié récemment une version berbère de la Haggadah de Pessah.
Remarquons enfin que le terme de langue judéo-berbère n’existe pas au contraire du judéo-arabe ou du judéo-espagnol, parlés par les Juifs d’Afrique du Nord. Cela ne prouverait-il pas que les Berbères judaïsés ont continué de parler leur dialectes sans éprouver le besoin d’y ajouter un vocabulaire hébreu ?" [41]
Mentionnons pour finir, El-Idrissi, auteur arabe du XII° siècle, originaire de Ceuta, qui signale la présence, au Soudan, de groupements juifs où règnent l’ignorance et l’incroyance et qui se tatouent le visage contrairement aux commandements de la Torah. D’un autre au Soudan occidental, où règne la confusion et l’instabilité de leurs croyances. Quant à Ibn Abi-Zrâ’, chroniqueur des dynasties maghrébines des origines au premier quart du XIV° siècle, rapporte qu’à l’époque d’Idriss, fondateur de Fès, à la fin du VIII° siècle, deux tribus berbères, des Zenata, comprenaient parmi elles des Musulmans, des Chrétiens, des Juifs et des païens. Il signale également la présence aux X° et XI° siècles au Soudan occidental, de tribus noires, de foi juive, qui guerroyaient avec leurs voisins, des Berbères islamisés. L’histoire, encore controversée, de la Kahéna, cette reine que les conquérants arabes eurent tant de mal à vaincre, a été rapportée par l’historien arabe El-Waqdi [42] (mort en 822), par Abd el-Hekam (803-871) et enfin par Ibn Khaldoun (mort en 1406)…
Valentin Fernandès, au début du XVI° siècle, signale également au Soudan occidental une présence de Juifs noirs qui ne savaient rien de la vie des synagogues et n’avaient aucun rapport avec les autres Juifs. Il note encore qu’à Walata vivaient des Juifs riches, persécutés par les musulmans, Léon l’Africain nous rapporte qu’il y avait des Africains juifs qui avaient adhéré au christianisme avant d’embrasser la foi mahométane ? David Ha-Réoubéni nous raconte que pendant son séjour au Portugal, pendant les années 1526-1527, il avait reçu une lettre du roi du Maghreb - probablement le chérif Mohamed el-Cheikh - le priant de le renseigner sur le destin des prisonniers arabes, capturés par des tribus juives de l’Atlas. Il est intéressant de signaler que dans les annales des rois portugais on a trouvé une lettre datant de la même année 1527 envoyée par Yehouda ben Zamero, neveu d’Abraham ben Zamero [43] , à sa famille d’Azemmour ou de Mazagan. Cette lettre relate qu’aux dires d’une caravane, « deux cavaliers, émissaires du chérif, au Sahara, avaient perdu leur route au désert et trouvé refuge dans un grand campement de Juifs nomades. Ceux-ci étaient des riches guerriers, si fiers de leur indépendance qu’ils n’entretenaient aucun rapport avec le monde musulman. Leur roi habitait une tente de soie, sur le mât de laquelle flottait un étendard rouge. Les gens de la tribu s’attendrirent et pleurèrent quand les deux cavaliers leur racontèrent la situation misérable des Juifs, vivant sous le joug musulman…Ces Juifs ne permirent à leurs hôtes de poursuivre leur chemin que le lendemains, après leur avoir démontré leur héroïsme en attaquant une ville. Ils munirent ensuite les deux cavaliers de provisions et d’une lettre destinée au chérif. Ce dernier la fit lire par une certain juif, Ben Cabessa… » On ne peut guère nier un lien entre ces deux lettres, de sources différentes et de la même date, Hirschberg le reconnaît bien. » [44]
On peut encore citer les récits sur les Juifs de Tombouctou gouvernés par sept princes, avant 1497, vivant d’agriculture, qui prétendaient être de la descendance du roi David. Chaque prince était à la tête de douze mille cavaliers. [45] Il y a encore le récit du roi Ben Meshal des environs de Taza assassiné par El-Rashid (1666-1672) fondateur de la dynastie alaouïte, qui avait réussi à imposer son pouvoir aux musulmans qui lui payaient des impôts. La fête des Tolbos célébrée encore à Fès, (‘Id el-Tolab), témoigne de cet épisode. [46] Et le témoignage du XIX° siècle encore, « des Juifs de Sétif affirmant l’existence de Juifs guerriers, parmi les tribus de la Kabylie, et que les Arabes nomment Beni Moshe (fils de Moïse). Binyamin II rapporte que plusieurs de ces Juifs combattant les français, aux côtés des Arabes, sont tombés à la bataille de Laghouat. Le rabbin G . Netter, qui visita ces lieux à cette époque, signala la présence de ces Juifs dans le département de Constantine et attira l’attention des Juifs de France sur le danger d’apostasie qu’ils encouraients. Ils sont nommés Bouhoussim (vivant en dehors) par leurs frères sédentaires, et Yahoud el-Arab (Juifs des Arabes) par les musulmans. Au début de ce siècle, nous voyons leurs descendants dispersés en Kabylie, mais la majorité préfère déjà les grandes villes. Sloush en a rencontré dans plusieurs villes de Tunisie et d’Algérie [47] . »
André Chouraqui rapporte le témoignage écrit de Shlomo Abitbol, un rabbin de Sefrou, qui adressa en 1792 une lettre au rabbin Mordekhaï Abitbol de Dadès, celui-ci s’émeut et s’enthousiasme d’apprendre que « des Juifs guerriers combattent vaillamment par l’épée et la lance.. » .. « Quant à nous, nous vivions parmi eux, pauvres et humiliés…tremblant sans cesse…Quelle joie…d’apprendre la bonne nouvelle…J’ai également lu dans l’introduction du Perah Lebanon que les descendants de la famille Peres avaient traversé la mer…acheté un emplacement nommé Dadès…et bâti une ville..Ils ne se marient pas avec d’autres familles…et détiennent un livre généalogique (qui remonte à Peres, fils de Yehouda, fils de Yaacoub. [48] » Pour Chouraqui, « il s’agit de juifs expulsés d’Espagne, qui sont arrivés au Maroc entre 1391 et 1492, et qui ont acheté, à prix d’or, le territoire de Dadès où ils battirent une ville. Les guerriers juifs concerneraient sans doute, des prosélytes berbères ou des Berbères judaïsés par ceux qui se seraient joints aux nouveaux arrivants. »
2) Vestiges et vie juiveLes vestiges témoignent d’un Judaïsme d’une grande vitalité, et cela malgré la Guerre des Juifs contre Rome aux 1er et II° siècles menée jusqu’à épuisement des forces, de la Palestine jusqu’en Afrique du Nord, puis la Pax Romana revenue, les Romains imposeront une organisation du Judaïsme « qui préfigure celle de l’Eglise, avec son chef suprême, le patriarche ou Nassi, chef spirituel et temporel, résidant en Terre sainte, sa hiérarchie composée de primats à la tête de chacune des provinces et de délégués locaux, présents au sein de chaque communauté. » « (…) La synagogue de Naro, découverte en 1883 sur la plage d’Hammam-Lif [49] avec la richesse de ses décorations [50] , la nécropole juive de Gamart près de Carthage [51] donnent, parmi d’autres sources, les plus précieuses indications sur l’organisation locale du judaïsme africain. Chaque communauté avait à sa tête une assemblée culturelle à laquelle participaient également les Juifs de naissance, les prosélytes et les judaïsants, une assemblée administrative dont les membres, parfois a nombre de neuf, étaient désignés par la communauté. Des inscriptions retrouvées permettent de constater la présence de quelques femmes au sein de ce Conseil. Le Conseil des anciens assure la vie administrative de la communauté. Il gère les finances, veille sur l’organisation religieuse de la cité, représente les intérêts de la communauté en justice et devant les autorités. Il distribue les secours, prend les décisions relatives à la construction des synagogues, des écoles, des bibliothèques. Le Conseil présidé par le gérousiarque, nomme les administrateurs ou achontes. Le secrétaire (grammateus) veille à l’établissement des procès verbaux des réunions et à la conservation des archives. Le rabbin, ou archisynagogue, jouissant d’une large indépendance à l’égard du Conseil, assure le culte divin, la prédication et l’enseignement de la Loi. A ses côtés, nous trouvons ses assistants classiques : les lecteurs, les traducteurs, les chamashim ou sacristains ." [52]
3) Sous l’Empire de Rome
« Selon J.Juster [53] , l’Empire romain, sur un total de 80 millions d’habitants, pouvait comprendre 6 à 7 millions de Juifs, soit une proportion de 7 pour 100. Ce chiffre ne comprend évidemment pas les prosélytes dont le nombre serait par ailleurs impossible à déterminer, encore moins les « sympathisants », ceux qui iront dans les synagogues cueillir quelques idées ou quelques pratiques nouvelles qui s’intégreront tant bien que mal à leurs croyances païennes ." [54]
Toutes les Communautés juives de l’Empire de Rome jouissaient d’un même statut juridique, « (…) les Africains du Nord, Juifs y compris, purent accéder aux plus hautes charges. Pour ces derniers, une législation libérale devait les dispenser de toutes les obligations civiques du culte païen, incompatibles avec leur foi religieuse. Rome établissait là une distinction très nette entre le temporel et le spirituel, admettant qu’un citoyen romain appartienne civiquement sans aucune restriction, à l’Etat romain, et spirituellement à la « nation juive ». A ce titre, les Juifs furent dispensés du devoir (…) d’honorer les dieux protecteurs de la Cité. En ce qui concerne le culte rendu à l’empereur, ils devaient employer les formules usitées par les Romains mais ne pouvaient omettre les qualités et les attributs divins qui lui étaient reconnus ; le jour de la fête impériale et des fêtes nationales, ils devaient, au lieur de se rendre au temple païen, se réunir dans leur synagogue pour implorer la faveur du Dieu sur César. (…) L’observance du shabbat était quasi officielle, puisqu’on ne pouvait obliger le Juif à comparaître en Justice, ni à accomplir aucune corvée, ..ils étaient régis par la même loi pénale…et pouvaient conclure des contrats commerciaux… » [55] C’est avec Antonin le Pieux (138-165) que la Pax Romana rétablit la liberté de culte et la pratique religieuse (Sous Trajan et Hadrien, même la circoncision fut interdite). Ce sont les disciples de Rabbi Akiba qui reconstituent un premier centre spirituel à Uscha, en Galilée, et restaurent le Sanhédrin. Rome en signe d’apaisement, reconnaît l’autorité de l’ethnarque, chef spirituel, qui préside le Sanhédrin, et dont le pouvoir s’étend sur tous les Juifs de l’Empire et dont le siège se situait en Palestine, à Beth-Shearim, au nord-ouest du mont Thabor.
Réflexions et Conclusion
On ne peut pas comprendre comment de nombreuses tribus Berbères furent juives, regroupant des milliers d’individus, pratiquant des dialectes un peu différents, répartis sur le territoire de la Libye au Maroc, et tenant compte des innombrables difficultés inhérentes à la conversion au Judaïsme, sans imaginer un contexte favorable, ou une expérience pré- existante du Judaïsme soit datant de l’époque Cananéenne, au moment où les Philistins quittent Canaan, soit datant de l’époque du 1er Temple à la faveur des comptoirs Phéniciens qui viennent fonder Carthage aux environ de 814-813 av èc, soit de l’époque du second Temple, soit dans le cadre des politiques de peuplement de l’Ifriqia, par l’Empire de Rome (distribution de terres) dans lequel vit une nombreuse population juive ou judéenne dont de nombreux mercenaires, ainsi que cette période préislamique qui va du VIII° au X° siècle favorable au développement d’une influence juive chez les Berbères. Autant d’ époques et de faits historiques qui rendent plausible l’installation de groupes de peuplement juifs en Afrique du Nord, en concomitance avec une judaïsation des populations déjà sensibilisées directement ou indirectement. On peut constater à la lecture des documents que les Berbères ne manifestèrent jamais d’hostilité envers les Juifs, au titre d’ennemis conquérants, et si les Juifs purent se joindre à eux, à différentes époques, s’ils se laissèrent judaïser pour certains, c’est que le Judaïsme ne leur était pas étranger, et les Juifs ne constituaient pas une force menaçante, mais une force morale qu’ils respectaient.
Au moment de la conquête arabe (640), les tribus juives de l’Arabie à la Libye furent soit anéanties soit converties (Médine, Quaibar), quelques groupes épars purent-ils rejoindre ceux des Aurès pour résister ou tout au moins s’y réfugier ? c’est probable. N’oublions pas que les zones montagneuses concernées sont largement ouvertes sur le Sahara, vers le sud, à l’abri des conquérants venant de la mer ou des zones côtières. N’oublions pas que les informations se véhiculent avec les caravanes traversant de grands espaces, et que les Juifs forment une partie essentielle des caravaniers ; ils ne s’ignorent pas d’une contrée à l’autre, ils ont noué des liens, ils se déplacent toujours d’un point à l’autre sachant où trouver et chez qui trouver le gîte et le couvert en conformité avec les lois juives. Ce n’est pas l’effet du hasard si l’on trouve le long des routes caravanières des traces juives (pièces de monnaie, de poteries, parchemins) et de foyers installés, de l’Afrique noire à l’Asie (Chine).
André Chouraqui dans son « Histoire des Juifs en Afrique du Nord" [56], décrit longuement le vêtement porté par ses ancêtres dans lequel se conjuguent toutes les influences espagnoles, turques, algériennes : « (..) ample saroual aux mille plis savamment ordonnés, ceinture d’hidalgo, faite pour renforcer la taille et fortifier l’assise du corps, gilet moulant avantageusement le buste, brodé et fermé par des dizaines de boutons délicatement ornés, boléro visiblement hérité des traditions hispaniques, artistement coupé dans de fortes et nobles étoffes, aux couleurs nuancées, et par surcroît brodées. Surmontant le tout, une coiffure, en forme de chéchia, rouge, fortement serrée dans un turban couleur or, (…) »
Toute l’histoire des Juifs en Afrique du Nord est dans leur vêtement toute résumée : Une formidable présence fusionnelle avec les autochtones et une capacité à persister face à tous les bouleversements historiques.
EN SAVOIR PLUS : André Chouraqui cite les chercheurs dont les travaux comptent parmi les meilleurs : Georges Vajda, H.Z. Hirschberg, Doris Bensimon-Donath, David Corcos, Paul Sebbag, Robert Attal, J.D.Abbou, H. Elkaïm, Paul Flamand, Haïm Zafrani, A. Zagouri, Issakhar Ben Ami…
[1] .Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette. »
[2] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette
[3] "Les Berbères" de Jean Servier, éd. PUF coll. Que sais-je ?
[4] "L’histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale." de Ibn Khaldoun.
[5] Id., op. cit t.I, p. 167.
[6] "Marcel Simon, dans sa magistrale étude "Judaïsme berbère en Afrique ancienne", souligne un certain flottement d’Ibn Khaldoun qui s’élève, quelques pages plus loin, "contre l’idée d’une migration" et considère les Berbères comme des autochtones de l’Afrique, en parlant toutefois des démêlés de leurs ancêtres cananéens en Israël." notes de André Chouraqui dans "Histoire des Juifs en Afrique du Nord", éd. Hachette.
[7] Ibn Khaldoun, op. cit., P. 184.
[8] Gsell : "Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, t.I, p 341, n3.
[9] Jubilés, IX,I.
[10] Flavius Josèphe : Antiquités Judaïques, 1, 15,
[11] "Selon Sloush (…) d’anciens textes égyptiens attestent que sous la XIX° dynastie des Pharaons, donc avant l’établissement des Juifs en Palestine, des Hyksos vaincus par les Pharaons émigrèrent au Maghreb, Sloush attribue au Juifs de Cyrène la naissance de l’idée de l’origine cananéenne des Berbères." notes de André Chouraqui..
[12] Midrash Lévitique Rabba, XVII. Cf. Talmud de Jérusalem, Sukkah, 5a, 23 a (…). Notes de André Chouraqui, Histoire des Juifs en Afrique du Nord, éd. Hachette
[13] Tossephta Shabbat, VII, VIII, 25. Sloush : Judéo-Héllènes, p.59. Les Amorrhéens sont encore l’une des tribus cananéennes. Les variations, Guirgachéen, Amorrhéens, confirment l’idée générale d’une origine cananéenne des peuples de l’Afrique. Une chronique chrétienne anonyme datant du II° siècle (Migne : P.L. 3,665) étend cette légende aux habitants des Baléares qui seraient également à l’origine issus des Cananéens en fuite devant "ce bandit de Josué, fils de Noun" pour reprendre l’irrévérencieuse expression transmise par Procope. Cf. Talmud de Jérusalem, Shabbat, VI, 36. Voir Paul Monceaux : " Les colonies juives dans l’Afrique romaines", dans R.E.J., t. XLIV,Paris, 1902, et The Jewish Encyclopedia, t.I. p.225." notes de André Chouraqui.
[14] "Yossiphon, I, 2. Ibn Khaldoun se rattache évidemment à la tradition rapportée par Josèphe et voit dans les Berbères les descendants d’Abraham. (…)"
[15] Saint Augustin : Epistolae ad Romanos inchoata expositio, 13 (P.L. 34, 2096) (…).
[16] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette, p.49,50.
[17] ("Les Berbères", éd. Puf)
[18] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette, p.62.
[19] "Le Berbère à l’école nationale des Langues Orientales vivantes" Paris, Imprimerie Nationale de France, 1948, p. 250.
[20] "Ces travaux ont paru en 1893 : Baskisch und Berberisch (in Travaux de l’Académie Royale des Sciences de Prusse, t. XXI, p. 591.613), et Die Verwandtschaft des Baskichen mit der Berbersprachen (Brunschweig, 1894)."
[21] "Les Berbères" de Jean Servier, éd. Puf, p.33.
[22] "E. Renan : Histoire générale des langues sémitiques, Paris, 1878, p. 148. Nahum Sloush (Civilisation hébraïque et phénicienne à Carthage, Tunis, 1911, p.16) fidèle à sa manière, affirme que les seules différences entre l’hébreu et le punique relèvent de l’orthographe et de la prononciation". Notes de André Chouraqui.
[23] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette, p.50.51.
[24] id., op.cit., p.252.
[25] "Les Berbères" de Jean Servier, éd. Puf coll Que sais-je ?, p 57.58.
[26] Jean Servier "Les Berbères".
[27] Jean Servier, Les Berbères, ed. Puf.
[28] Jean Servier, "Les Berbères", éd. Puf, p70
[29] L’équivalent en hébreu se dit rruah
[30] Marcel Simon : Op. Cit., p. 131. Notes de André Chouraqui dans Histoire des Juifs en Afrique du Nord.
[31] Voir "Le Judaïsme berbère en Afrique ancienne, de Marcel Simon. Notes de André Chouraqui.
[32] M. Simon, p. 109. Les Coelicoles se donnent eux-mêmes le nom de Juifs. Code Théodosien, 16.8.19. Sur les liens entre Coelicoles et adorateurs de Regina Coelestis, cf. Marcel Simon, pp. 111-114. Sur les Abeloniens et les Coelicoles, cf. Mesnage, op cit. p. 537, Mièses, op. cit. P. 146.
[33] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette, p.63.
[34] "Une inscription découverte à l’ouest de Kairouan, à Henchir-Djouana en Tunisie centrale (cf. Monceaux : "Païens judaïsants. Essai d’explication d’une inscription africaine", dans Revue Africaine, 1902, pp. 208.226), permet de connaître cette influence biblique très précise parmi les païens judaïsants qui, au III° siècle encore, peuvent accéder directement, nous l’avons vu, à la Bible hébraïque. Cf. F. Cumont : " Un fragment de sarcophage judéo-païen", dans Revue archéologique, 1916, II, p.9, n°4 ? QUI analyse une inscription authentiquement juive." notes de André Chouraqui dans "Histoire des Juifs en Afrique du Nord.
[35] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette.
[36] Op. cit., vol. II, p.35..
[37] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette.
[38] L.C. Briggs : " Aperçu préliminaire sur l’anthropologie des Juifs du Mzab", dans Bulletin de la Société d’histoire naturelle de l’Afrique du Nord, t. XLVI, 1955, pp. 135-154 ; L.C.Briggs et N.L.Guede : No more for ever, Cambridge, Mass., 1964. Notes de André Chouraqui.
[39] Cf. Talmud de Jérusalem, Kilaïm, 8, 3. Notes de A. Chouraqui.
[40] Zafrani déplore que ces vestiges n’aient pas été recueillis car tous les mellahs berbères ont disparu après le grand exode des années 1950. Cf. Galand-Pernet et Zafrani : Op. cit., vol I, p.1.
[41] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette, p.67.
[42] El-Waqdi, "considéré par Hirschberg comme un historien sérieux qui mesure ses propos."
[43] "Abraham ben Zamero était rabbin, médecin et homme politique. Les membres de cette famille avaient rempli au XVI° siècle un rôle important, dans leurs communautés, exerçant des fonctions politiques et diplomatiques dans les comptoirs portugais de la côte atlantique du Maghreb." notes de A. Chouraqui.
[44] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette, p 67.68.
[45] Cf. Hirschberg : Op., cit., tII, pp. 26.27 ; cf. aussi Houdas et Delafosse : Tarikh al-Fettach de Mahmoud Kati, 1913, pp. 62.64 ; 119-123..
[46] Cf. P. de Cenivol : " La légende du Juif Ibn Mechol et la fête du sultan des Tolba à Fez", dans Hespéris, t.V, pp. 137-218 ; Shlomo Hacohen : Chroniques de Debdou dans Vayahel Shlomo (en hébreu), Casablanca, 1929, pp. 2b-3a ; Hirschberg : Op., cit, t.II, p. 28.
[47] M. Eisenbeth : Le Judaïsme nord-africain, Paris, 1931, Pp. 34640. N. Sloush : Travels in North Africa, Philadelphia, 1927, pp. 295-305 ; Hirschberg : Op. Cit., t.II, pp. 29-30.
[48] Sarid ou Palit, premier recueil, Tel-Aviv, 1945, pp. 30-32. notes de A. Chouraqui.
[49] Cf. Héron de Villefosse : Bull. des Antiquités de France, 1895, p.150. Les inscriptions de la synagogue de Naro sont conservées dans les très riches collections du musée du Bardo. Les mosaïques en sont conservées au musée de Toulouse. notes de A. Chouraqui.
[50] "A côté des chandeliers à sept branches, les éléments figuratifs cependant prohibés par le plus formel commandement de la Bible y sont nombreux, comme d’ailleurs dans les synagogues contemporaines découvertes en Israël : on y trouve des lions, des hyènes, des perdrix, des pintades, des canards, des poissons, des fruits, des arbres, des figures humaines, etc.. Notes de A.Chouraqui. A noter que la synagogue de Doura-Europos en Syrie et Beth Alpha en Israël datées du III° siècle, présentent également des motifs figuratifs.
[51] "Trop peu connue du public, aux portes de Tunis, est l’une des sources les plus précieuses pour la connaissance du judaïsme à Carthage. P. Monceaux : "Les colonies juives dans l’Afrique romaine", dans R.E.J, 1902, t. XLIV, p.16. Pour la description détaillée de la nécropole, voir P. Delattre : La Nécropole juive de Carthage, Lyon, 1895. Cf. A.L. Delattre : l’Epigraphie funéraire chrétienne à Carthage, Tunis 1926. Du même : La Nécropole des Rabs, prêtres et prêtresses de Carthage, Paris, 1905. Id., Paris, 1906. Du même : Une visite à la Nécropole des Rabs, Palerme, 1906." notes de A. Chouraqui.
[52] Histoire des Juifs en Afrique du Nord, de André Chouraqui, éd. Hachette.
[53] Op. cit., I, p. 180.209.
[54] Notes de A. Chouraqui dans Histoire des Juifs en Afrique du Nord, éd.Hachette.
[55] Idem.
[56] Editions Hachette, p.19.
Source: Judaiculture